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établis sur la catholicité, au bénéfice du Saint-Siége, comme en France, malgré tant de promesses, on a maintenu les droits réunis. Il eut la gloire, en obtenant à fort bon marché l'abdication de l'anti-pape Clément VIII, de terminer le schisme qui affligeait et scandalisait l'Église depuis un demi-siècle, et de ceindre seul les trois couronnes. Enfin il rétablit à Rome le siége de la papauté. C'est un grand pape, au dire des Romains.

Dans la foule des Martin profanes remarquons d'abord Thierri Martin ou Martens ou Mertens, imprimeur belge, né à Asch, village d'ailleurs célèbre par ses couques'. Il contribua beaucoup dans les Pays-Bas aux progrès de l'art admirable qui depuis quatre siècles a tant agrandi le domaine des sciences, de la philosophie et de la liberté. Ce Martin-là a peut-être été plus utile au genre humain que les cinq papes de ce nom. Il exerça sa profession avec honneur, à Louvain, à Anvers et à Alost, où il est mort. Indépendamment de ce qu'il était homme habile, il était galant homme. Il avait pris pour devise : La vérité dans le vin; In vino veritas. Un dernier mot complètera son éloge; il fut l'ami d’Érasme.

C'est au Languedocien David Martin, pasteur à Utrecht, que les bibliothèques sont redevables de la belle Bible gravée à Amsterdam par Mortier.

Jean-Baptiste Martin, surnommé des Batailles, mé

Espèce de pâtisserie dont les Flamands sont très friands. Les couques sont pour les Bruxellois ce que sont pour les Parisiens les gâteaux de Nanterre.

rita comme ingénieur les éloges de Vauban, sous lequel il servit; et, comme peintre, ceux de Vander Meulen, dont il fut le rival.

Un neveu de Voiture, nommé Martin, avait traduit en vers français les Géorgiques de Virgile. Mais on l'avait oublié avant que Delille ait défendu de s'en souvenir.

Claude Martin, né d'un tonnelier à Lyon, où il est mort en 1799, avec le titre de général, a droit à être mentionné ici. C'est à son courage et à son intelligence qu'il fut redevable de l'immense fortune dont il fit le plus honorable usage. Ses bienfaits se répandirent sur l'humanité, ainsi que sur sa famille. Il laissa à chacune des villes de Luknow, de Calcutta et de Lyon 700,000 fr., pour être employés à l'éducation et à l'établissement d'un certain nombre de pauvres enfants des deux sexes. C'était un vrai philosophe : disons mieux, c'était un vrai philanthrope.

Parlerons-nous de Martin le Cynique, espèce de Diogènes qui s'était acquis il y a quarante ans une espèce de célébrité par son humeur caustique? Plus spirituel qu'aimable, il se permettait de tout dire. Le trait suivant prouvera que la galanterie n'était pas sa qualité dominante. Une jeune étourdie, à laquelle il n'avait pas eu le bonheur de plaire, le rencontrant dans une promenade, feignit de le prendre pour un cordonnier. Mon ami, lui cria-t-elle, n'oubliez pas de m'apporter demain mes souliers; entendez-vous ?-Des souliers, à vous, mon cœur? des claques! des claques! répliqua M. Martin.

Tout le monde connaît le chanteur Martin, l'ours Martin et Martin l'illuminé; nous ne les inscrirons donc ici que pour mémoire.

Les apothicaires ont eu aussi leur Martin. Il paraît que celui-là était un homme bien versé dans sa matière, car j'ai entendu dire à celui de ses confrères qui, les larmes aux yeux, prononçait son éloge funèbre : Hélas! que ne suis-je Martin!

Comme il y a plus d'une âme au monde qui s'appelle Martin, quelques personnes de ce nom, pour n'être pas confondues avec la foule, ont pris le parti d'y joindre un surnom. Les uns, comme le professeur Aimé-Martin, qui a écrit sur les sciences physiques en vers plus gracieux encore que ceux dans lesquels l'abbé du Mercure galant explique sa théorie des vents, mettent leur surnom avant leur nom. C'est placer l'adjectif avant le substantif, ce en quoi ils diffèrent déjà d'un autre Martin, qui a plus de célébrité que d'illustration.

Malgré la grande réputation dont ce dernier jouit, comme on jouit d'une santé détestable, a-t-on dit ailleurs, nous croirions l'honneur du nom de Martin compromis aujourd'hui, en raison directe de la célébrité qu'il lui acquiert, s'il n'était porté par M. Martin de Gray, qui à tant d'élévation d'âme joint une si grande élévation d'esprit. C'est en entendant cet orateur qu'on sent la justesse de ce trait de Quintilien, pectus est quod disertos facit; ou de ce trait de Vauvenargues, les grandes pensées viennent du cœur.

ULTRA.

Mot qui a passé du latin dans le français. Il est si bien expliqué par l'emploi qu'on en fait journellement, qu'on pourrait se dispenser d'en déterminer la signification; cependant, comme ce qui abonde ne vicie pas, répétons que le mot ultra signifie au-delà. Il se combine avec plusieurs mots.

En physique, ultra-mondain se dit des choses qui ne sont pas de notre monde. S'il pouvait s'appliquer aux gens qui nous disent des choses de l'autre monde, plus d'un publiciste pourrait prendre le titre d'ultra-mondain.

Ultra-montain, en géographie, désigne un objet qui se trouve de l'autre côté des monts, relativement au lieu où l'on se trouve soi-même. Les Romains, dont nous sommes séparés par les Alpes, sont des ultra-montains pour nous, qui sommes des ultra-montains pour eux. Le Poussin est appelé à Rome, peintre ultramontain. David peut passer à Paris pour peintre ultramontain, si l'on adopte cette expression pour désigner un des plus grands maîtres qu'ait formés l'école italienne.

Ce mot est aussi d'usage en théologie, et s'applique à ce qui tient particulièrement à la cour de Rome : principes ultra-montains, doctrines ultra-montaines, docteurs

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ultra-montains: cela s'est dit plusieurs fois des jésuites. On peut être très bon catholique et n'être pas ultramontain. Bossuet opposait aux prétentions ultra - montaines les libertés de l'église gallicane, qu'il ne faut pas confondre avec les libertés de la société de Jésus. Les jésuites n'étaient pas catholiques comme Bossuet.

La politique s'est emparée aussi de la préposition ultra pour la joindre à l'adjectif révolutionnaire, puis à l'adjectif royaliste. Dans l'un et l'autre cas, elle caractérise l'exagération, et fait, du mot qu'elle modifie, un synonyme de terroriste, de quelque couleur que soit le bonnet de l'homme qu'il désigne.

Ultra tout court désigne plus spécialement les bonnets blancs. Il est devenu substantif à leur occasion.

Il n'est pas bien d'être ultra. Accepter ce nom, c'est se déclarer étranger à toute sagesse, c'est se vanter d'avoir franchi ces bornes en-deçà et au-delà desquelles le juste et le raisonnable ne sauraient se trouver: bornes posées pour nous par la Charte. Il y a pourtant des gens qui se vantent aujourd'hui d'être ultra, comme il y en a qui se vantaient autrefois d'être sans-culottes, et plus d'un ont été l'un à l'autre, demandez plutôt à Lazarille.

Ils se trompent, si en cela ils croient se rendre agréables à tous les rois : «Ne soyons pas plus royalistes que le roi,» a dit l'auteur de la Charte.

Pratiquons un si bon conseil, suivons un si bon exemple, soyons sages comme des rois. Je suis d'autant

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