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plus de cet avis, qu'Horace, qui était aussi un homme de sens et d'esprit, a dit :

Est modus in rebus: sunt certi denique fines,

Quos ultra citraque nequit consistere rectum.

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Précepte admirable, qu'un pair de France sait aussi bien appliquer qu'il l'a su traduire :

Il est, loin des excès, un milieu peu connu :
C'est là qu'il faut rester, c'est là qu'est la vertu.

DARU.

Voilà pour tout honnête homme les colonnes d'Hercule; voilà le nec plus ultra que tout bon Français doit bien se garder de franchir. Au-delà, rien qu'orage et naufrage.

DES GANTS.

Si nous donnions ici la définition du gant, si nous disions que c'est un petit vêtement de peau ou d'étoffe, dont on se couvre les mains pour les garantir des injures de l'air ou des effets du frottement, que nous enseignez-vous là que nous ne sachions! s'écrierait-on de toutes parts.

Passons donc bien vite de l'usage général du gant à l'emploi spécial qu'on en a fait dans certaines occasions où, devenu symbole, il caractérise les rapports des in

dividus entre eux, où il exprimait une déférence, une promesse, une prétention.

Cette partie de l'ajustement des dames figure souvent dans l'histoire galante des temps modernes. Aux siècles de la chevalerie, une jeune personne ne faisait pas une action indifférente en donnant son gant. C'était une manière très significative de dire beaucoup sans dire mot, de tout promettre sans parler. On lit dans un vieux roman qu'une damoiselle, touchée de l'empressement avec lequel Gérard de Nevers avait embrassé sa défense dans une circonstance des plus délicates, «prit son gant senestre (gauche), si le bailla à Gérard qui moult volontiers le prit, icelle lui disant: Sire, mon corps, ma vie, mes terres et mon honneur je mets en la garde de Dieu et de vous. » Que de choses dans un gant !

les

De là cette locution, en avoir les gants; et comine en certains cas on ne rencontrait pas toujours ce que gants avaient promis, de là encore, vous n'en avez pas, vous n'en aurez pas, vous n'en avez pas еи les gants. On conçoit aussi, d'après cette explication, tout le sens de cette autre phrase, s'en donner les gants.

Les chevaliers qui, comme les écrevisses, étaient armés de la tête aux pieds, étaient encuirassés du bout du nez jusqu'au bout des doigts, les chevaliers portaient des gants. Ces gants, revêtus à l'extérieur d'écailles de métal, étaient de vraies masses d'armes, de vrais maillets de fer au bout des bras d'un Roland ou d'un Duguesclin.

Le gant fut aussi un truchement dans les mœurs chevaleresques. Un paladin voulait-il porter un défi, il lui suffisait de jeter son gant, comme il lui suffisait de relever le gant jeté, pour indiquer qu'il acceptait le combat. De là certaines locutions encore employées aujourd'hui au figuré.

On ne relevait pas impunément le gant de Tancrède ou de Bayard.

Jeté du haut de l'échafaud, le gant de Conradin représentait la souveraineté de la Sicile que cet infortuné prince léguait à Pierre d'Arragon, qui releva le gant.

Serait-ce à l'imitation de ce trait qu'on fait aujourd'hui d'un gant le signe représentatif du droit qu'on prétend avoir sur une place dans nos spectacles?

Un jour de brillante représentation, vous présentezvous à l'orchestre ou au balcon pour occuper une des dix places qui sont vides: Cette place est prise, vous dit l'ouvreuse; et, pour preuve, elle vous montre un gant posé en sentinelle partout où vous voulez vous asseoir.

Encore si l'ouvreuse disait toujours vrai! Mais le gant n'est trop souvent qu'un menteur, qui désigne comme occupée une place réservée.

Avec quelques paires de gants sales, une bonne femme peut prendre ainsi possession des meilleures places, et en trafiquer avec les derniers venus au détriment des bonnes gens qui, se fiant sur le droit acheté à la porte, pensent que pour être placés les premiers il suffit d'ar

river les premiers. Au paradis de nos théâtres aussi, les premiers sont souvent les derniers.

On sent tous les inconvénients d'un pareil abus. Il peut procurer d'honnêtes profits aux portières de Melpomène, de Thalie et de Terpsichore; mais il provoque journellement des querelles qui ont eu quelquefois des résultats assez funestes pour que l'on songe à en prévenir le retour.

Antérieurement, au lieu d'un gant, on laissait un chapeau à la place que l'on voulait se conserver; ainsi Guesler prétendait qu'on eût pour son bonnet autant de respect que pour lui-même encore ce témoignage-là était-il croyable. Il est plus facile à une ouvreuse de se faire un magasin de gants qu'un magasin de chapeaux. L'établissement des stalles ne permet-il pas cependant de prohiber désormais ces sortes de réserves? Puisqu'il est possible, en louant un stalle, de s'assurer la propriété d'une place qui se garde d'elle-même, ceux qui n'ont pas payé pour occuper des places de ce genre sont-ils fondés à réclamer leur place quand ils l'ont quittée? Qui quitte sa place la perd, dit un vieux proverbe.

Quelques personnes, dans un but pareil, laissaient à leur place un mouchoir, mais ils ont renoncé à cet usage quand ils ont vu qu'on ne se faisait pas scrupule de prendre le mouchoir et la place.

Se faire représenter par un chapeau, par un mouchoir, par un gant, c'est peut-être aussi par trop bouffon. Les égards qu'on aurait pour un homme, les exiger pour

une forme vide, pour un chiffon, pour une enveloppe qui ne renferme rien! Que d'hommes, il est vrai, ne sont pas autre chose!

DE LA PAPAUTÉ.

A M. L'ABBÉ TOUTATOUS1.

Louvain, le 29 mai 1817.

CAPORAL,

Excusez, si j'ai tardé si long-temps à répondre à votre lettre du 4 de ce mois. Chargé de prêcher une mission, c'est d'hier seulement que je suis de retour de cette laborieuse tournée.

Vous me demandez, par cette lettre, si un prêtre peut être utile à l'état? Oui, sans doute, si ce prêtre est bon prêtre, ce qui ne peut être s'il n'est bon citoyen. Vous me paraissez bon, vous, bonus es tu 2: n'hésitez donc plus dans la carrière où vous êtes rentré. Ne regardez plus en arrière. Les bons hommes sont rares aujourd'hui, même parmi les saints : l'état et l'église ont grand besoin de vous.

En entrant dans une carrière, vous aimez à connaître les différentes fonctions que vous pouvez être appelé à remplir: de même que lorsque vous serviez dans la mi

Voyez page 40.

2 Ps. 118, v. 68.

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