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lier et de délier dans le ciel comme sur la terre, c'està-dire d'absoudre, d'excommunier et d'accorder des indulgences, même gratis. En conséquence de ce droit de lier et de délier, les papes relèvent les moines de leurs vœux, annulent les mariages des rois et délient les sujets du serment de fidélité. S'il est douteux que cette dernière attribution leur ait été donnée par celui qui a dit, Reddite Cæsari quod est Cæsaris, Rendez à César ce qui est à César, il n'en est pas moins vrai que c'est par une application de ce principe que Grégoire V, Urbain II, Innocent III, Boniface VIII et Grégoire XIV, firent un devoir aux Français de désobéir à cinq rois de la race capétienne '.

Quant aux miracles, il ne leur a pas toujours été donné d'en faire. Il faut même remonter à Clément VI, qui régnait au quatorzième siècle, pour en trouver un authentique. Les Limousins, compatriotes de ce pape, lui ayant demandé, à l'occasion de sa bien-venue, le privilége de faire deux moissons par an, il réalisa leurs vœux, en leur accordant une année de vingt-quatre mois.

Nous en pouvons convenir entre nous, frère; les vicaires du Christ se sont quelquefois écartés des préceptes et des exemples que leur a laissés notre doux maître. Moins occupés de rapprocher que de diviser, comme Jules II, ils ont trop souvent préféré le glaive de saint Paul aux clefs de saint Pierre ; et pour dominer les princes de la terre, ils ont plus d'une fois adoré

I

Robert, Philippe Ier, Philippe-Auguste, Philippe-le-Bel et Henri IV.

celui qui, à cette condition, avait offert à Jésus tous les royaumes du monde. Soyons- en d'autant plus fâchés pour eux, que cette faiblesse a eu un résultat tout contraire à celui qu'espérait leur ambition. Fatiguée de l'exigence du saint-siége, la moitié de la chrétienté s'est débarrassée d'une dépendance qui ne lui était qu'onéreuse. Cherchant leur loi dans l'Évangile, quelques uns même ont cru se rapprocher d'autant plus de l'esprit du divin législateur qu'ils s'écartaient davantage des dogmes romains. Ces aveugles sont tombés dans la fosse, plaignons-les; mais ne plaignons pas moins les autres aveugles qui les y ont poussés.

Tout cela au reste ne fera pas prévaloir les portes de l'enfer, diligit Dominus portas Sion', et rien n'empêchera l'église romaine, fût-elle restreinte à Rome seule, de rester toujours universelle ou catholique, ce qui est

tout un.

Et puis, il y a compensation en tout ce qu'on perd d'un côté on le retrouve de l'autre. Si Luther, Henri VIII et Calvin ont fait éprouver à Rome quelque déchet, elle a exercé de son côté quelques reprises sur l'hérésie. Le poëte Verner et la baronne Krudner ne se sont-ils pas convertis à l'exemple de J.-J. Rousseau ? C'est quelque chose pour nous que le suffrage des gens de génie. La qualité compense ici la quantité. Qu'Ausbourg, Genève et Dordrecht comptent leurs partisans; Rome pèse les siens, et Dieu sait s'ils valent ce qu'ils pèsent!

Le Seigneur veille aux portes de Sion. Ps. 86, v. 2.

cœur,

Les conversions ne peuvent que se multiplier si la divine Providence prolonge les jours du vicaire actuel de Jésus-Christ, du digne Pie VII, homme selon mon homme selon le cœur de Dieu : voilà le véritable père des fidèles! Inflexible dans le malheur, indulgent dans la prospérité, il a peu obtenu de pitié et il la prodigue. Homme, prêtre, souverain, il donne aux hommes de toutes les conditions, l'exemple de toutes les vertus. Il ne brise pas le roseau cassé, il n'éteint pas la mèche qui fume encore. Venez à moi, dit-il, vous qui souffrez, qui laboratis; et qui êtes opprimés, et onerati estis (et il y en a beaucoup); et je vous soulagerai, et reficiam vos. Voilà un vrai vicaire du Christ!

Voilà le modèle que vous imiteriez, sans doute, caporal, si la volonté de Dieu vous appelait à cette divine paternité, Mais à vous parler franc, je ne vous crois pas menacé d'un tel honneur; les formes dans lesquelles se fait aujourd'hui l'élection du chef de l'Église, vous en garantissent.

Il semblerait que toute la catholicité dût concourir à cette élection et que tout prêtre catholique y dût être éligible. Point du tout: en fait de papauté, mon cher, il n'y a d'éligibles en réalité que les électeurs, c'est-à-dire une cinquantaine de cardinaux qui, à cet effet, attendent sous clef, en intriguant, l'inspiration du Saint - Esprit. Ajoutez à cela que le sacré collége tient à peu près pour constant que la réunion des qualités qui font un pape ne peut se trouver que dans une éminence italienne. L'Italie

a certes fourni de grands papes. Chiaramonte est Italien; c'étaient des Italiens que Lambertini, que Ganganelli; mais les Caraffa, mais les Farnèse aussi étaient Italiens!

Quoi qu'il en soit, renoncez à la papauté, Flamand que vous êtes. Fussiez-vous déjà cardinal, in petto; plus savant qu'Adrien VI, qui avait aussi étudié au Porc et fut recteur à Louvain, eussiez-vous été, comme lui, précepteur de Charles-Quint; malgré votre science, vos vertus et le crédit de votre élève, vous seriez encore plus éloigné du trône pontifical que le cardinal Fesch ou le cardinal Ruffo, que tel marchand de tableaux ou tel chef de bandits, coiffé de la barette, et né à Naples la Grande ou à Gênes la Superbe.

Adieu, caporal, que la grâce du Seigneur soit avec votre esprit. Gratia Domini cum spiritu vestro. C'est ainsi que saint Paul saluait Philémon et que je vous salue. J.-F. BONIFOUX, licencié en théologie.

NOUS.

Pronom personnel, pluriel de moi, dont il est souvent synonyme.

Nous, employé dans certaines circonstances, n'est véritablement qu'une multiplication du moi. Il ne désigne pas plusieurs personnes, mais une personne qui croit équivaloir à plusieurs.

Tous les princes chrétiens se servent du nous dans

leurs actes, tous, excepté le roi d'Espagne, dont la signature est précédée de cette formule (yo el Rey): MOI LE ROI.

Comment un individu a-t-il été amené à employer le pluriel de préférence au singulier, en parlant de lui?

Cela ne viendrait-il pas des Romains? Chez eux, les magistratures, à commencer par le consulat, étaient exercées collectivement par plusieurs magistrats. Le nous est donc le pronom qui, dans leurs actes, devait désigner ce genre d'autorité.

Lorsque, par le seul fait de la réunion des grandes magistratures dans un seul individu, on eut changé la république en monarchie, l'empereur, qui tout à la fois consul, tribun, souverain pontife, et généralissime, était prince du sénat, représentant du peuple, chef de la religion, chef de l'armée, et que n'était-il pas ! l'empereur, dis-je, être collectif s'il en fut, ne devait-il pas se croire fondé à se servir du nous pour désigner le dépositaire de tant de pouvoirs, le représentant de tant d'intérêts? En se servant du moi, n'aurait-il pas fait une faute de grammaire?

Le protocole des princes s'est réglé sur celui des Césars, et les autorités inférieures n'ont pas négligé de se régler sur les princes. Le plus petit magistrat, le maire d'Asnières, par exemple, se sert aujourd'hui du nous tout bonnement, sans vanité, sans se douter qu'il parle comme les maîtres du monde.

Est-ce par suite de l'usage que les princes de l'Église

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