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autant d'amitié que je vous en crois; dans cette confiance, je ne me remettrai point à vous dire combien je le souhaite, ni combien six semaines font à mon impatience. Madame de Soubise est allée voir son mari malade en Flandres : cela me plaît: voyez la Gazette de Hollande. Je vous embrasse mille fois, ma très-chère, avec une tendresse fort au-dessus de ce que je vous en pourrois dire.

LETTRE 464.

A la même.

à Livry, vendredi 9 Octobre 1676..

JE suis fâchée, ma très-chère, que la poste vous diffère mes lettres de quelques jours. Je connois votre amitié et vos inquiétudes, mais il n'y a qu'à recourir au grand d'Hacqueville pour y trouver tout le secours que l'on peut souhaiter. Je me souviendrai toute ma vie du plaisir et de la consolation que je trouvai aux Rochers dans une de ses lettres, après que vous fûtes accouchée; sans quoi je n'étois pas en état de soutenir l'excès de la douleur où j'étois. J'espère que vous aurez été contente le lendemain, à moins qu'un laquais de Madame de Bagnols, à qui je donnai mes lettres pour les porter à la poste,

ne les ai jetées, je ne sais où; il m'en a pris quelque petite crainte. Vous aurez vu, dans cette lettre, si vous l'avez reçue, la réponse de celle où vous me parliez d'attendre M. de Grignan : je vous priois de ne point écouter cette pensée; je vous assurois que celle de la saison moins avancée, ne m'avoit point fait souhaiter que votre arrivée précédât la sienne; que c'étoit l'extrême envie que j'avois de vous voir, qui me faisoit vous conjurer de me donner cette petite avance; que je la méritois, par la seule raison de la discrétion que j'ai eue de ne point vouloir vous tirer de votre château plutôt qu'au départ de M. de Grignan pour l'assemblée (1); que j'avois pris sur moi tout le tems dont vous m'avez rendu la maîtresse, et qu'en un mot, je vous conjurois, comme je fais encore, de songer à partir ce mois-ci, comme nous en sommes demeurées d'accord. Je crois que M. de Grignan ne trouve rien d'injuste à tout mon procédé. Je vous ai mandé le peu d'argent qu'il vous faut, en attendant qu'il vienne; je crois que votre voiture doit être la litière jusqu'à Rouane, et la rivière jusqu'à Briare, où vous trouverez mon car

(1) L'assemblée des États de Provence qui se tient à Lombesc.

rosse. Voilà, ma fille, l'essentiel du contenu de ma lettre, au cas qu'elle soit perdue.

L'Abbé Bayard me mande que j'ai trèsbien fait de ne point aller cet automne à Vichy; que les pluies continuelles ont rendu les eaux très-mauvaises; que Saint-Hérem et Planci, qui y étoient allés exprès, n'en ont point pris; qu'il n'y avoit que M. de Champlâtreux qui n'étoit guère content; enfin, sa lettre m'a fait un plaisir admirable; je ne savois pas trop bien d'où me venoit mon opiniâtreté, c'étoit justement cela. Je fais ici un certain tripotage à mes mains avec de la moelle de cerf et de l'eau de la Reine d'Hongrie, qui me fera, dit-on, des merveilles. Ce qui m'en fait beaucoup, c'est le tems miraculeux qu'il fait ; ce sont de ces beaux jours de cristal de l'automne, qui ne sont plus chauds, qui ne sont pas froids: enfin, j'en suis charmée; je me tiens dehors depuis six heures du matin jusqu'à cinq heures du soir; je n'en perds pas un moment, et à cinq heures, avec une obéissance admirable, je me retire, mais ce n'est pas sans m'humilier, reconnoissant, avec bien du plaisir, que je suis une misérable mortelle, et qu'une sotte timidité me fait rompre avec l'aimable serein, le plus ancien de mes amis, que j'accuse peut-être injustement de tous les maux

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que j'ai eus. Je me jette dans l'Eglise, et je me ferme les yeux, jusqu'à ce qu'on vienne me dire qu'il y a des flambeaux dans ma chambre il me faut une obscurité entière dans l'entre-chien et loup, comme les bois, ou une Eglise, ou que l'on soit trois ou quatre à causer; enfin, je me gouverne selon vos intentions.

La nouvelle de Brisacier est toute assurée: on a découvert par des lettres qu'il écrivoit au Roi de Pologne, qu'il travailloit à le détourner de l'amitié de notre Monarque; de sorte qu'il est à la Bastille, et sa destinée est encore incertaine entre la potence et le Duché.

Pour l'Allemagne, il y auroit beaucoup à dire. Le Général a été encore un peu mortifié, en faisant escorter des convois; il est obligé de se rapprocher de nous, pendant que ces brutaux d'Allemands, dès qu'il aura repassé le Rhin, se mettront autour de Brisach, comme ils firent l'année passée à Philisbourg cela seroit assez impertinent. Il y a beaucoup de division dans cette armée, j'entends celle de M. de Luxembourg. Je reçois un billet de d'Hacqueville, qui fut mercredi à Versailles, pour voir faire et envoyer cette manière de règlement pour l'assemblée. Il faut avouer que jamais il ne

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s'est vu un tel ami: quand on lui recommande quelque affaire, rien n'empêche de croire que c'est la seule qu'il ait; tant il s'en acquitte ponctuellement.

JE

LETTRE 465.

A la même.

Commencée à Livry, et finie à Paris,
mercredi 14 Octobre 1676.

E vous remercie de votre complaisance, et de l'amitié que vous me témoignez, puisque vous êtes résolue de partir avant M. de Grignan. Je l'embrasse, et je le remercie aussi du consentement qu'il y donne : je connois la pesanteur de votre absence, et je comprends ce qu'il souffrira; mais c'est pour si peu de tems, qu'il a raison de ne pas m'envier cette satisfaction: sa part est toujours bien grande, au prix de la mienne. Je vous conjure présentement de prendre un bon conducteur pour votre voyage; j'ai de la peine à penser à l'ennui que vous aurez : je vous recommande à Montgobert; ayez des livres; et au nom de Dieu, défendez à vos muletiers de prendre le chemin le plus court, en allant de chez vous à Montélimart; qu'ils prennent le chemin du carrosse ;

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