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me semble que vous n'y devez point avoir de regret, puisque vous contentez tout le monde, et satisfaites à toutes vos paroles et à tous vos devoirs. Pour moi, j'espère en M. de Grignan, et je suis persuadée que je lui devrai la décision d'une chose que je souhaite avec tant de passion.

Je revins ici lundi. Mon fils attend que les troupes prennent un parti: on ne m'a point conseillé de demander son congé; de sorte qu'il est moine de cette Abbaye. Il est fort aise que je lui tienne compagnie, et il prétend que la plus belle marque de son amitié, c'est l'envie qu'il a de me chasser pour aller vous recevoir.

Monsieur DE SÉVIGNÉ.

Il n'y a que cette raison qui me fasse supporter le départ de ma chère maman mignone. Vous connoîtrez bientôt par vous-même le plaisir qu'il y a de la revoir après quelque tems d'absence. Je suis encore dans les premiers transports de cette joie : mais quand il est question d'aller recevoir la divinité de Provence, dont la beauté s'est si long-tems cachée à nos yeux, il faut céder.

Ce droit saint et sacré rompt tout autre lien.

J'espère aussi que mon exil ne durera pas long-tems. On ne doute presque plus du

TOME V.

N

retour des troupes, et il seroit très-possible que j'arrivasse à Paris le même jour que vous. Adieu, mon adorable petite soeur, que j'aime avec toute la tendresse dont je suis capable,

Madame de SÉVIGNÉ.

Si vous n'êtes point partie, c'est moi qui me repentirai bien de mes honnêtetés. Je serai bien persuadée qu'il ne faut jamais remettre le paiement des lettres de change; j'y ai pensé mille fois. Le bien bon est ravi de vos aimables petits souvenirs, Adieu, ma très-chère, je ne sais point de nouvelles, Quanto dansa aux derniers bals toutes sortes de danses, comme il y a vingt ans, et dans un ajustement extrême. Tout le monde croit.... Enfin, adieu, je me porte bien, ne pensez plus à ma santé.

LETTRE 474.

A la même.

à Livry, vendredi 13 Novembre 1676. ENFIN, vous êtes à Lambesc; et dans le tems que je vous espérois encore, vous preniez le chemin de la Durance : il faut avoir autant de raison que vous en avez pour s'accommoder de cette conclusion. Vous connoîtriez mal l'amitié que j'ai pour vous, si

vous ne preniez toutes les précautions qui sont dans votre lettre pour m'adoucir un peu cet endroit. Vous êtes bien loin d'être trompée sur la pensée que vous en avez; c'est à vous maintenant à faire que je ne le sois pas dans l'espérance que vous me donnez après avoir si bien rempli les devoirs de Provence, je crois que vous serez pressée de songer à moi. Mais j'admire la liaison que j'ai avec les affaires publiques ; il faut que l'excès de ce qu'on demande à votre assemblée retombe sur moi. Quand je le sus, je sentis le contre-coup; et vous connoissant comme je fais, il me tomba au cœur que vous ne voudriez point quitter M. de Grignan. C'est, comme vous dites, une des plus grandes occasions qui puisse arriver dans une Province: vous lui serez très-utile, et je suis contrainte d'avouer que rien n'est si honmête ni si digne de vous que cette conduite. Je vous assure que je crains fort cette délibération, quand je pense aux peines de M. de Grignan, pour les faire venir à cinq cents mille francs ; je ne comprends point du tout comment il pourra faire pour doubler la dose. J'ai toujours la vision d'un pressoir que l'on serre jusqu'à ce que la corde rompe. Je vous prie de me bien mander le détail de tout; je suis plus

occupée des nouvelles de Lambesc que de celles de Saint-Germain ; instruisez - m'en plutôt que de répondre à mes lettres. N'oubliez pas aussi les aventures que vous voulez me conter; j'aime que vous ayez quelque chose à me dire. Vous avez bien fait de laisser vos ballots à Grignan, je souhaite que vous repreniez bientôt le fil de votre voyage, vous l'avez commencé de manière à vous trouver plutôt à Rome qu'à Paris. Je vais faire un tour dans cette boune ville pour aller à Saint-Germain avec mes hommes de l'autre jour pour votre pension : après cela je reviendrai dans cette forêt avec le pauvre Frater; il n'est occupé que de m'y divertir, et je crois qu'il me trouve à Livry une des bonnes compagnies qu'il y puisse avoir. Je lui laisse la plume, et je vous embrasse avec une véritable tendresse.

Monsieur DE SÉVIGNÉ.

Il est vrai que je suis fort aise d'être ici avec ma mère, et que je suis assez fâché quand elle s'en va. Je lui aurois bien volontiers pardonné de me quitter pour vous aller recevoir; mais il n'est pas tout à fait si aisé de m'adoucir sur votre pension, quoique je sache très-bien que c'est un secours qu'il ne faut pas négliger. Le zèle que j'ai moi-même

pour le service du Roi, et l'exactitude qu'il faut y apporter, me font comprendre les raisons de votre retardement : je les trouve en effet très-dignes de vous; votre caractère rempliroit à merveille une comédie parfaite; il ne se dément point, et se soutient toujours également. Cette perfection si peu ordinaire me fait espérer que vous continuerez aussi à être pour moi ce que vous avez été jusqu'ici : je le souhaite beaucoup, et je vous aime de tout mon coeur; n'est-ce point assez pour le mériter? Vous m'attaquez toujours sur un certain chapitre, de manière à me faire connoître le grand avantage que vous avez sur moi : mais trouvez-vous qu'un homme qui a pu plaire tout un hiver aux yeux de Mademoiselle Agara, et de la maîtresse de cinq heures, soit indigne d'être votre frère? Vous souvenez-vous bien de ces yeux ? Il est vrai que je dormois un peu les soirs; et vous, ne dormez-vous pas les matins? Vous ne connoissez pas quelle jolie maladie est une sciatique : elle est charmante les nuits; le jour ce n'est pas de même. Adieu, ma très-belle petite sœur ; je vous donnerai le loisir d'assister à mon salve. Je vous prie de revenir bientôt, ne fût-ce que pour empêcher ma mère d'écrire; car pour moij'y perds mon latin.

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