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langage en changeant mon humeur chagrine contre une véritable joie. Je crois que la vôtre n'a pas été médiocre de voir le Cardinal de Bouillon; vous aviez bien à causer ensemble. Ce que je vous ai mandé du Cardinal de Retz se rapporte bien à tout ce que vous m'en dites: je crois que vous êtes aussi blessée que moi de la pensée de ne plus le voir. Je suis fort contente de vos conducteurs; ayez soin de m'avertir de tous vos pas. Je suis fort aise de savoir que l'ouverture de l'assemblée s'est faite comme il convenoit, et que le petit discours a été bien et gentiment prononcé. Je m'en vais demain à Livry passer encore cinq ou six jours ave votre frère, et puis je reviens ici, n'étant plus occupée que de votre retour et de tout ce qui en dépend.

LETTRE 476.

A la même.

à Livry, vendredi 20 Novembre 1676.

UN bonheur n'arrive jamais seul. J'avois reçu votre lettre du 10, qui me plaisoit beaucoup ; je venois d'y faire réponse; je reçus, une heure après, un billet du Chevalier de Grignan, qui me manda de SaintGermain que les ennemis du Baron se

retiroient, et qu'au lieu de s'en aller clopinclopant, comme il avoit résolu, au-devant de sa compagnie, il seroit en liberté de revenir dans cinq ou six jours, et qu'apparemment la Fare (1) seroit la colombe qui apporteroit le rameau d'olivier. Il me manda aussi que votre pension seroit bientôt payée. Tout cela me fit gaillarde, et je revins hier trouver mon fils, qui prit pour le moins la moitié de ma joie. Notre séjour ici şera fort court; je m'en irai songer à vous bien recevoir, et à m'en aller au-devant de vous. Je fais mille amitiés à vos deux conducteurs; mon Dieu, les honnêtes gens ! Je verrai M. le Cardinal de Bouillon, dès qu'il sera arrivé. Je crois que Vineuil fera fort bien la vie du héros. Ce que vous dites du conclave est admirable: mais savez-vous bien que je ne comprends point trop que notre Cardinal. ait passé assez près de vous, qu'il ait pu vous voir, et qu'il ne l'ait pas fait? Il vous a témoigné tant d'amitié, qu'il n'est pas aisé d'imaginer qu'il ait eu plus d'envie de voir sa nièce de Sault que sa chère nièce: enfin, il ne l'a pas jugé à

(1) M. de la Fare étoit Sous-Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes-Dauphins; M. de Sévigné en étoit Enseigne; il acheta la charge du Marquis de la Fare en Juin 1677.

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propos. Je souhaite que vous vous accommodiez mieux que moi de la pensée de ne le voir jamais ; je suis destinée à périr par

les absences.

On espère fort la paix ; et je crois que vous pourrez obtenir le congé de M. de Grignan, s'il n'arrive rien de nouveau. Madame de Vins passa un jour tout entier avec moi; il me semble qu'elle vous aime fort, et qu'elle meurt d'envie de faire quelque chose de bon avec vous.

Monsieur DE SÉVIGNÉ.

Je me doutois bien que la comparaison du soleil vous toucheroit, et qu'elle pourroit vous faire hâter votre voyage, pour achever la parfaite conformité de vous à ce grand astre. J'espère que nous ne serons pendus ni les uns ni les autres ; nos ennemis s'en vont, et ma liberté approche par conséquent. Pour M. de Grignan, j'apprends que les Provençaux sont plus dociles que je ne croyois : notre famille ne sera donc point honnie pour ce coup. Vous avez eu le petit Cardinal; je suis fâché que le grand n'y ait pas été aussi ; cette petite entrevue, qui auroit été proprement un dernier adieu, vous auroit fait plaisir, malgré les tristes réflexions qui l'auroient suivie. Adieu, ma très-belle, adieu, mon soleil; vous ferez bien de nous

venir réchauffer, car celui-ci ne fait guère bien son devoir: il ne faut pourtant pas s'en plaindre.

JE

LETTRE. 477.

A la même. ·

à Livry, mercredi 25 Novembre 1676.

E me promène dans cette avenue; je vois venir un courrier. Qui est-ce? c'est Pomier; ah, vraiment ! voilà qui est admirable. Et quand viendra ma fille ? Madame, elle doit être partie présentement. Venez donc que je vous embrasse. Et votre don de l'assemblée ? Madame, il est accordé. - A combien? A huit cents mille francs. Voilà qui est fort bien, notre pressoir est bon, il n'y a rien à craindre, il n'y a qu'à serrer, notre corde est bonne. Enfin, j'ouvre votre lettre, et je vois un détail qui me ravit. Je reconnois aisément les deux caractères, et je vois enfin que vous partez. Je ne vous dis rien sur la parfaite joie que j'en ai. Je vais demain à Paris avec mon fils; il n'y a plus de danger pour lui. J'écris un mot à M, dẹ Pompone, pour lui présenter notre courrier. Vous êtes en chemin par un tems admirable; mais je crains la gelée. Je vous enverrai un carrosse où vous voudrez. Je vais renvoyer Pomier, afin qu'il aille ce soir à

Versailles, c'est-à-dire, à Saint-Germain. J'étrangle tout, car le tems presse. Je me porte très-bien, et je vous embrasse mille fois.

LETTRE 478.

A la même.

à Paris, vendredi 27 Novembre 1676.

ENFIN, ma très-chère et très-aimable, je vous écris à Valence; ce changement me ravit. J'espère que vous aurez passé sagement ces terribles bords du Rhône, et que je recevrai de vos nouvelles, pour savoir où vous envoyer un carrosse : si vous voulez que ce soit à Briare, je l'approuve trèsfort, et vous serez servie à point nommé, Je revins hier de Livry : je ramenai le Frater, parce que la Fare est arrivé, et que voilà qui est fini. Je vis en arrivant le Chevalier de Grignan, M. d'Hacqueville, Madame de Vins et M. dela Trousse; nous parlâmes fort de votre retour. Je vous ai mandé comme j'avois vu Pomier à Livry, et comme je le renvoyai à Saint-Germain avec un billet pour M. de Pompone. Le voilà qui entre; il a présenté vos paquets à M. de Pompone, qui les a très bien reçus. La nouvelle des huit cents mille francs a été très-agréa'ble au Roi et à tous ses Ministres. On a

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