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que l'on aime plus que soi-même. Vous m'avez écrit de votre bateau et de Thézé ( 1 ) : vous pensez à moi partout; du moins, je ne vous fais pas d'injustice sur la reconnoissance et la sensibilité que j'en dois avoir. J'avois bien pensé que vous seriez incommodée pendant votre voyage: le bateau est venu tout à propos. J'approuve vos résolutions de préférer toujours l'eau à la terre: mais n'allez pas pour cela vous embarquer au voyage des Sevarambes (2) : vous ne m'en paroissez pas trop éloignée. Je vous remercie de la fable de la Mouche; elle est divine: on ne trouve, en son chemin, que des occasions de penser à elle : Oh, que je fais de poudre ! eh! mon Dieu, que cela est plaisant! la Gillette ne doute point que ce ne soit elle qui fasse le tourbillon. Il y en a d'autres aussi qui ressemblent à cette autre Mouche de la Fontaine (5), et qui pensent toujours avoir tout fait.

Vos instructions du Mont-d'Or sont un peu extrêmes; à moins que d'être paralytique, on ne hasarde pas un bain de cette horrible chaleur : et pour guérir des mains qui ne sont de nulle conséquence, on ne (1) Château de Messieurs de Rochebonne.

(2) Peuples imaginaires.

(3) Voyez la Fable du Coche et de la Mouche.

veut point gâter toute une santé, et une machine qui est dans son meilleur état. Je vous enverrai l'avis de M. Vesou; soyez en repos, ma fille, et croyez que, pour l'amour de vous, je ferai tout ce que l'on m'ordonnera. Vous allez donc, cherchant toujours mes lettres, jusqu'à Grignan. Je vous crois ce soir à Valence : si j'ai compté juste, vous aurez eu mes lettres de Lyon. J'ai vu de quelle sorte vous me recommandez à M. de la Garde; il en fait très-bien son devoir, parce qu'il sait que vous m'aimez, et que c'est vous faire plaisir vous m'en faites beaucoup à moi; je ne puis être long-tems sans quelque Grignan, je les cherche, je les veux, j'en ai besoin. La belle Isis (Madame de Ludre) est au Bouchet : le repos de la solitude lui plaît davantage que la Cour, ou Paris. Elle passa une nuit dans les champs, en faisant ce petit voyage, par un carrosse rompu, et tout ce qui arrive quand on est en malheur. Le petit garçon (M. de Sévigné) vous répondra sur ma santé; vraiment, il a bien d'autres choses à faire qu'à me mitonner: rien n'est si occupé qu'un homme qui n'est point amoureux ; il représente en cinq ou six endroits, quel martyre! Encore une fois, ne me grondez point de la longueur de ma lettre, ce n'est pas l'ouvrage d'un soir,

et que puis-je faire qui me touche davantage? Madame de la Fayette se porte mieux. Madame de Schomberg vous dit cent mille amitiés.

LETTRE 490.

A la même.

à Paris, vendredi 25 Juin 1677.

Vous êtes à Grignan, ma fille. Le chaud, l'air, la bise, le Rhône; premièrement, tout cela vous a-t-il été favorable? Je vous demande ensuite des nouvelles du petit Marquis et de Pauline; je serai satisfaite sur toutes ces questions, avant que vous receviez cette lettre : mais il est impossible de ne pas dire ce que l'on pense dans le moment qu'on écrit, quoiqu'on en connoisse l'inuti¬ lité. Je suis fort contente des soins de tous vos Grignans; je les aime, et leurs amitiés me sont nécessaires par d'autres raisons encore que par leur mérite. M. de la Garde n'a pas balancé à croire que c'est moi plutôt que Madame Gargan, que vous lui recommandez dans cette rue. Je fus hier, avec Madame de Coulanges, au Palais-Royal: Oh, que je fais de poudre (1)! n'est-ce pas une de vos (1) Voyez ci-dessus la page 190.

applications?

applications? elle est fort juste et fort plaisante. Nous fûmes très-bien reçues : MONSIEUR étoit chagrin, et ne parla qu'à moi, à cause de vous et des eaux. MADAME me fit d'abord des merveilles; mais quand l'Abbé de Chavigni fut entré, mon étoile pâlit visiblement : je dirois volontiers sur cet Abbé, comme les laquais : Il faut qu'il ait de la corde de pendu. La Duchesse de Valentinois (Madame de Monaco) est favorite de MADAME; elle n'en met pas plus grand pot au feu pour l'esprit ni pour la conversation. Je regardois cette chambre et ces places de faveur, si bien remplies autre fois. Madame la Princesse de Tarente étoit auprès de MADAME; elles avoient eu de grandes conférences: le petit de Grignan profiteroit beaucoup à les entendre (1). Ma fille, je me porte très-bien, et je dirai toujours, plût à Dieu que vous eussiez autant de santé que moi! Je m'en vais ce soir à Livry avec d'Hacqueville; nous irons dîner à Pompone: Madame de Vins nous attend avec le reste de la famille. Voilà un couplet

(1) Comme ces deux Princesses ne parloient jamais que la langue de leur pays entre elles, Madame de Sévigné disoit que son petit-fils, à qui on faisoit apprendre l'allemand, profiteroit beaucoup à les entendre.

TOME V.

R.

de chanson de M. de Coulanges; je le trouve plaisant : quoique les Médecins vous défendent de chanter, je crois que vous leur désobéirez en faveur de cette folle parodie..

Io est à la campagne, et n'a pu soutenir ce personnage simple, qui n'étoit pas praticable. Je consulterai, avec le Coadjuteur, quel livre on pourroit vous envoyer. Je relis, par hasard, Lucien; en peut-on lire un autre?

Monsieur DE SÉVIGNÉ.

Pour vous montrer que votre frère le Sous-Lieutenant (1) est plus joli garçon que vous ne croyez, c'est que j'ôte la plume des mains de maman mignone, pour vous dire moi-même que je fais fort bien mon devoir. Nous nous gardons mutuellement; nous nous donnons une honnête liberté; point de petits remèdes de femmelettes. Vous vous portez bien, ma chère maman, j'en suis ravi. Vous avez bien dormi cette nuit : comment va la tête? point de vapeurs? Dieu soit loué; allez prendre l'air, allez à Saint-Maur, soupez chez Mme. de Schomberg, promenez-vous aux Tuileries; du reste, vous n'avez point

(1) Il venoit d'acheter de M. de la Fare la charge de Sous-Lieutenant des Gendarmes-Dauphins, dont il étoit Enseigne auparavant,

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