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chante *; on a dit d'abord que tout étoit perdu; mais point du tout, cela fera peutêtre sa fortune. Si ce discours ne vient d'une âme verte, c'est du moins d'une tête verte; c'est tout de même, et la couleur de la quadrille est sans contestation.

*La Chanson de Coulanges étoit pourtant meilleure que la réponse : elle commençoit ainsi :

Enfin je vous revois, vieux lit de damas verd;
Vos rideaux sont d'été, vos pentes sont d'hiver.
Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères,
Où jadis toutes mes grand'mères,

Lorsque Dieu leur donnoit d'heureux accouchemens,
De leur fécondité recevoient complimens.

LETTRE 497.

A la même.

à Livry, lundi 19 Juillet 1677.

Je fus samedi à Pompone; j'y trouvai toute la famille, et de plus un frère de M. de Pompone, qui avoit trois ans de solitude pardessus M. d'Andilly. Ce qu'il a d'esprit et de mérite, dont on ne fait point de bruit, feroit l'admiration d'une autre famille. Le grand d'Hacqueville y étoit aussi; il ne retourna à Paris qu'avec Madame de Vins; je les attends tous demain à dîner. La plaisanterie

fut grande de la copie de votre portrait, qu'un de mes laquais représenta extrêmement ridicule. Ils me firent suer à grosses gouttes, en me proposant un meilleur copiste la batterie fut si forte, que je ne sais pas sérieusement si je pourrai me tirer de ce mauvais pas. Voilà justement ce que je craignois : je suis toujours ainsi persécutée dans mes désirs: celui-ci n'est pas des plus sensibles; mais c'en est assez pour voir qu'il ne faut pas que je m'accoutume à vouloir être satisfaite, ni sur les petites, ni sur les grandes choses. Le soir je croyois revenir coucher ici; l'orage fut si épouvantable qu'il eût fallu être insensée pour s'exposer sans nécessité. Nous couchâmes donc à Pompone, et y dînâmes le lendemain, qui étoit hier. J'y reçus une de vos lettres; et quoiqu'il ne soit que lundi, et que celle-ci ne parte que mercredi, je commence à causer avec vous. Je suis assurée que toute la faculté ne me défendroit pas cet amusement, voyant le plaisir que j'en reçois dans mon oisiveté.

Vous me mandez des choses admirables de votre santé; vous dormez, vous mangez, vous êtes en repos; point de devoirs, point de visites; point de mère qui vous aime; vous avez oublié cet article, et c'est le plus essentiel. Enfin, ma fille, il ne m'étoit pas

permis d'être en peine de votre état ; tous vos amis en étoient inquiétés, et je devois être tranquille ! J'avois tort de craindre que l'air de Provence ne vous fit une maladie considérable; vous ne dormiez, ni ne mangiez; et vous voir disparoître devant mes yeux, devoit être une bagatelle qui n'attirât pas seulement mon attention! Ah,

mon

enfant, quand je vous ai vue en santé, ai-je pensé à m'inquiéter pour l'avenir? Etoit-ce là que je portois mes pensées? Mais je vous voyois, et vous croyois malade d'un mal qui est à redouter pour la jeunesse; et au lieu d'essayer à me consoler par une conduite qui vous redonne votre santé ordinaire, on ne me parle que d'absence: c'est moi qui vous tue, c'est moi qui suis cause de tous vos maux. Quand je songe à tout ce que je cachois de mes craintes, et que le peu qui m'en échappoit faisoit de si terribles. effets, je conclus, qu'il ne m'est pas permis de vous aimer, et je dis qu'on veut de moi des choses si monstrueuses et si opposées, que n'espérant pas de pouvoir y parvenir, je n'ai que la ressource de votre bonne santé pour me tirer de cet embarras. Mais, Dieu merci, l'air et le repos de Grignan ont fait ce miracle; j'en ai une joie proportionnée à mon amitié. M. de Grignan a gagné son

procès, et doit craindre de me revoir avec vous, autant qu'il aime votre vie : je comprends ses bons tons et vos plaisanteries làdessus. Il me semble que vous jouez bon jeu, bon argent; vous vous portez bien, vous le dites, vous en riez avec votre mari; comment pourroit - on faire de la fausse monnoie d'un si bon aloi ?

,

Je ne vous dis rien sur tous vos arrangemens pour cet hiver : je comprends que M. de Grignan doit profiter du peu de tems qui lui reste : M. de Vendôme le talonne (1): vous vous conduirez selon vos vues et vous ne sauriez mal faire. Pour moi, si vous étiez assez robuste pour soutenir l'effort de ma présence, et que mon fils et le bon Abbé voulussent aller passer l'hiver en Provence, j'en serois très-aise, et ne pourrois pas souhaiter un plus agréable séjour. Vous savez comme je m'y suis bien trouvée; et en effet, quand je suis avec vous, et que vous vous portez bien, qu'ai-je à souhaiter et à regretter dans le reste du monde ? Je tâcherai d'y porter le bon Abbé, et la Providence décidera. Pour vous montrer comme j'ai

(1) M. de Vendôme étoit Gouverneur de Provence, et il n'arrivoit jamais dans son Gouvernement que M. de Grignan ne prît ce tems-là pour se rendre à Grignan, ou à la Cour.

rendu fidèlement votre billet à Corbinelli, voici sa réponse.

Monsieur DE CORBINELLI.

Non, Madame, je ne gronderai point Madame votre mère, elle n'a point de tort, c'est vous qui l'avez. Où diable avez-vous pris qu'elle veuille que vous soyez aussi rondelette que Madame de Castelnau? N'y a-t-il point de degré entre votre maigreur excessive et un pâton * de graisse? Vous voilà dans les extrémités; vous ressemblez à cet homme qu'un saint Evêque ne vouloit pas faire Prêtre. Que voulez-vous donc que je fasse, Monsieur? voulez-vous que je vole sur les grands chemins ? Est-ce ainsi qu'un prodige doit raisonner? Vous moquezvous encore de mettre M. de Grignan aux mains avec Madame de Sévigné? Vous me faites une représentation fort plaisante de la cascade de vos frayeurs, dont la réverbération vous tuoit tous trois. Ce cercle est funeste; mais c'est vous, Madame, qui le faites; empêchez-le, et tout ira bien. C'est vous qui vous imaginez que Madame votre mère est malade: elle ne l'est point, elle se porte très-bien : elle n'a pas peur d'être

* Pâton, morceau de pâte dont on engraisse les volailles,

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