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vous aimez le dernier? Il faut avouer que cette petite histoire n'est point bien écrite du tout; mais les événemens se laissent fort bien lire. Il me semble que cette Reine de Pologne ne vient plus tant (1); peut-être qu'elle attend le Grand - Seigneur, ou le Grand-Visir que nous aimons.

La Princesse d'Harcourt (2) est accouchée à cinq mois d'un enfant mort depuis plus de six semaines; aussi a-t-elle pensé mourir; mais elle est mieux, et ce qui la guérira sans doute, c'est qu'on l'a fait transporter à Clagny, crainte du bruit : Madame de Montespan en a des soins extrêmes; Dieu sait si la reconnoissance sera tendre.

A Livry.

Je viens de recevoir votre lettre du 2: vous avez été au Saint-Esprit; c'est pour être bien fatiguée; vous pouviez ne m'écrire que trois lignes, je l'eusse fort approuvé. C'eût été une plaisante chose que vous y eussiez trouvé le Grand-Maître : je vois bien que vous croyez que je l'aurois trouvé encore plus plaisant que vous. Je crois voir bientôt Gourville; je lui parlerai de Vénejan : c'est

(1) Voyez Tome IV, la Lettre du 24 Juillet, p. 446. (2) Françoise de Brancas, femme d'Alphonse-HenriCharles de Lorraine, Prince d'Harcourt.

une situation admirable; mais il ne faut pas le vendre à vil prix, comme on vend aujourd'hui toutes les terres. Le pauvre M. le Tellier a acheté Barbesieux, une des belles terres de France', au denier seize; c'est en vérité une raillerie. Peut-être que M. le Prince de Conti, ou son conseil, ne se prévaudroient point de cette mode, puisque vous ne vendriez pas Vénejan par décret. Pour Caderousse, je n'imagine d'accommodement avec lui que de jouer sa part à trois dés contre M. de Grignan. Ne faites point de façon de m'envoyer les commissions de mariée vous ne sauriez trop me conter comme un des choux de votre jardin. Je serai ravie d'aller un moment à Paris pour un si bon sujet. La bonne d'Escars nous donnera un plat de son habileté avec beaucoup de joie. Mettez-nous donc en œuvre, et vous

en serez contente.

On me mande de Paris que l'on n'a point encore de nouvelles d'Allemagne. L'inquiétude que l'on a sur ce combat, que l'on croit inévitable, ressemble à une violente colique, dont l'accès dure depuis plus de douze jours. M. de Luxembourg accable de courriers. Hélas ! ce pauvre M. de Turenne n'en envoyoit jamais; il gagnoit une bataille, et on l'apprenoit par la poste. Nos Chanoines de

Flandres sont en parfaite santé, et notre bon Ermite aussi (1), qui m'écrit du 17, de Lyon, où il est allé en cinq jours de son hermitage. Il attend ses confrères; si on l'avoit laissé le maître de la route, il seroit arrivé, dit-il, en douze jours de Lyon à Rome.

M. d'Hacqueville a fort causé avec M. de Pompone; il n'y a rien à faire pour votre marquisat, qu'à le vendre avec ce titre, qui rend toujours une terre plus considérable; en sorte que și celui qui l'achète n'a pas la qualité requise, il ne laisse pas d'obtenir aisément des lettres en Chancellerie, qui le font Marquis de Mascarille. L'Abbé de Chavigny n'est plus notre Evêqué de Rennes; il aime mieux l'espérance de Poitiers; c'est celui de Dol qui vient à Rennes, et l'Abbé de Beaumanoir à Dol.

Vous voulez, ma très-chèré, que je vous parle de ma santé, elle est encore meilleure ici qu'à Paris; ce petit étouffement a disparu à la vue de l'horizon dé notre petite terrasse;

(1) M. le Cardinal de Retz s'étoit retiré depuis peu à Commercy dans la vue de payer ses dettes qui étoient considérables, à quoi il eut le bonheur de réussir avant sa mort. Madame de Sévigné disoit de lui et de M. de Turenne, que l'un étoit le héros de l'épéé, et l'autre te héros du bréviaire.

il n'y a point encore de serein; quand je sens le moindre froid, je me retire. On a fait une croisée sur le jardin dans ce petit cabinet; ce qui en ôte tout l'air humide et malsain qui y étoit: mais outre l'agrément extrême que cela fait, il n'y fait point chaud : car ce n'est que le soleil levant qui le visite une heure ou deux. Je suis seule, le bon Abbé est à Paris. Je lis avec le Père Prieur, et je suis attachée à des Mémoires d'un M. de Pontis (1), Provençal, qui est mort depuis six ans à Port-Royal, à plus de quatre-vingts ans. Il conte sa vie et le tems de Louis XIII avec tant de vérité, et de naïveté, et de bon sens, que je ne puis m'en tirer. M. le Prince Fa lu d'un bout à l'autre avec le même appétit. Ce livre a bien des approbateurs, il y en a d'autres qui ne peuvent le souffrir: il faut

(1) Louis de Pontis, Gentilhomme Provençal, qui après avoir passé cinquante-six ans dans les armées au service de trois de nos Rois, crut devoir se retirer en 1653 pour mener une vie cachée à Port-Royal-desChamps, où il vécut dans la pratique de la pénitence et de la piété, et mourut le 14 Juin 1670. Voyez le Nécrologe de Port-Royal, page 256. Comme ce fut Thomas du Fossé qui rédigea les Mémoires dont il s'agit, ce ouvrage étoit censé appartenir à Port-Royal, et dès-lors il ne devoit point plaire également à tout le monde.

* Ces Mémoires sont remplis de fables; comme l'ont prouvé d'Avrigny et Voltaire.

ou l'aimer ou le haïr, il n'y a point de milieu : je ne voudrois pas jurer que vous l'aimassiez.

La raison que vous ne comptez point pour me faire aller à Vichi, qui est de vous voir et de vous ramener, est justement celle qui me toucheroit, et qui me paroît uniquement bonne aussi je n'y balancerois pas, si j'étois persuadée que cela fût nécessaire; mais je crois mes lettres de change acceptées de trop bonne foi, pour ne pas être acquittées exactement. Je vous attendrai donc, ma trèsbelle, avec toute la joie que vous pouvez vous imaginer d'une amitié comme celle que j'ai pour vous.

LETTRE 446.

A la même.

à Livry, vendredi 14 Août 1676.

MA chère enfant, je me porte fort bien ici; je suis plus persuadée de la grandeur du mal que j'ai eu, par la crainte que je sens d'y retomber, et par ma conduite à l'égard du serein, que par nulle autre chose; car vous vous souvenez bien que les belles soirées et le clair de lune me donnoient un souverain plaisir. Je vous remercie d'avoir pensé à moi dans ces beaux tems. Mesdames de Villars,

de

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