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de Créqui sera plus heureuse: les Allemands sont à Mouzon (1) il y a bien loin de là où ils étoient, il y a deux ans*. L'armée de M. de Créqui a changé de nom comme vous dites fort bien (2). M. de Schomberg a été voir le Maréchal de Créqui, disant qu'il sortoit de sa garnison pour venir servir de volontaire auprès de lui; qu'il étoit inutile où il étoit, et qu'il avoit écrit au Roi pour lui offrir son service, comme un vieux soldat. Le maréchal de Créqui répondit par des civilités infinies; et le Maréchal de Schomberg s'en est retourné, n'y ayant rien à faire.

On est ici fort alerte, pendant que vous philosophez dans votre château. Vous appelez Dom Robert un éplucheur d'écrevisses. Seigneur Dieu ! s'il introduisoit tout ce que vous dites: Plus de jugement dernier, Dieu auteur du bien et du mal, plus de crimes. Appelleriez-vous cela éplucher des écrevisses?

Vous avez donc usé du cérémonial de Province à la rigueur avec vos Dames. Si elles vous eussent parlé de les quitter pour.

(1) Ville de Champagne sur la Meuse.

* Du tems que Turenne et Condé commandoient les armées.

(2) C'étoit auparavant l'armée de Schomberg . la Lettre du 23 Juillet.

m'écrire, vous m'eussiez renoncée : qu'estce qu'une mère? écrit-on à une mère? Vraiment, ma fille, vous me gâtez si fort par l'amitié que vous avez pour moi, que je ne puis plus être contente d'aucune de toutes les amitiés que je vois dans les familles. Nous avons eu à Livry M. de Simiane et la bonne d'Escars; ils furent fort contens de cette promenade: votre petit Arnoux étoit avec nous: il y étoit déjà venu avec Guintrandi, qui avoit l'inconstance. Arnoux est plus joli, mais il est trop joli, car il chante à Versailles; il espère que M. de Rheims le prendra pour sa musique; il a sept cents francs à la Sainte-Chapelle; il se plait fort à Paris. Voyez si vous penseriez qu'un petit garçon, tel que le voilà, pût se borner à Grignan dans l'espérance d'un Bénéfice; c'est une raillerie; vous lui donneriez cinq cents écus, qu'il ne le voudroit pas. Otez-vous donc cela de l'esprit, Monsieur le Comte, et faites comme moi; quand je vois qu'on languit chez moi, et qu'on espère mieux, qu'on s'y tient misérable, en même tems il me prend une extrême envie de ne plus voir ces gens-là. Je me réjouis de votre santé; si vous vous serviez de vos maximes pour moi comme pour vous, je n'irois pas à Vichi. Votre petit-lait seroit, ce me semble, un assez joli

remède. Je finis ce soir, pour achever quand j'aurai reçu votre lettre.

Mercredi matin 11 août.

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Je la reçois, ma chère enfant, cette lettre du 4; elle est d'une assez jolie taille. Laissez-nous aimer et admirer vos lettres ; votre style est un fleuve qui coule doucement, et qui fait détester tous les autres. Ce n'est pas à vous d'en juger, vous n'en avez pas le plaisir, vous ne les lisez pas; nous les lisons et les relisons, et nous ne sommes pas de trèsmauvais juges; quand je dis nous, c'est Corbinelli, le Baron et moi. Je reprends, ma fille, les derniers mots de votre lettre, ils sont assommans : » Vous ne sauriez plus rien >> faire de mal, car vous ne m'avez plus; » j'étois le désordre de votre esprit, de votre >> santé, de votre maison; je ne vaux rien » du tout pour vous ». Quelles paroles ! comment peut-on les penser? et comment peut-on les lire? Vous dites bien pis que tout ce qui m'a tant déplu, et qu'on avoit la cruauté de me dire quand vous partîtes. Il me paroissoit que tous ces gens-là avoient parié à qui se déferoit de moi le plus promptement. Vous continuez sur le même ton: je me moquois d'eux quand je croyois que vous étiez pour moi; à cette heure, je vois

bien que vous êtes du complot. Je n'ai rien à vous répondre que ce que vous me disiez l'autre jour » Quand la vie et les arran>> gemens sont tournés d'une certaine façon, » qu'elle passe donc cette vie tant qu'elle » voudra, et même le plus vite qu'elle pour»ra, je le souhaite ». Je ferai réponse vendredi au reste de votre lettre.

JEI

LETTRE 507.

A la même.

à Paris, vendredi 13 Août 1677.

E ne veux plus parler du chagrin que vous m'avez donné, en me disant que vous ne me causiez que des inquiétudes et des douleurs par votre présence: c'est une belle idée, et bien ressemblante aux sentimens que j'ai pour vous. Je dirois beaucoup de choses sur ce sujet, que je coupe fort court par mille raisons. Pour y penser souvent, c'est de quoi je ne demanderai pas congé.

Mon fils partit hier; il est fort loué de cette petite équipée ; tel l'en blâme, qui l'auroit accablé, s'il n'étoit point parti : c'est dans ces occasions que le monde est plaisant. Il est plus aisé de se justifier d'être allé à cette échauffourée, que d'être demeuré ici seul et

tranquille : pour moi, j'ai fort approuvé son dessein, je l'avoue: vous voyez que je laisse assez bien partir mes enfans.

Il y a long-tems que je suis de votre avis pour préférer les mauvaises compagnies aux bonnes : quelle tristesse de se séparer de ce qui est bon! et quelle joie de voir partir une foule de Ch.....! Ne vous souvient-il point de la couvée de Fouesnel, et comme nous tirions agréablement le jour et le moment de leur bienheureuse sortie? Soutenons donc, ma fille, que rien n'est si bon qu'une chienne de compagnie, et rien de si mauvais qu'une bonne. Si l'on veut l'explication de cette énigme, qu'on vienne parler à nous.

Je pars lundi pour aller voir notre ami Guitaut; je souhaite qu'il me mette au rang de ces compagnies que l'on craint : pour moi, je le trouve en tout digne d'être évité. Sa femme accouche ici, elle en est au désespoir : elle s'y trouve engagée par un procès. Le bon Abbé vient avec moi : je ne suis pas fort gaie, comme vous pouvez penser; mais qu'importe ?

On tient le siége de Charleroi tout assuré; s'il y a quelque nouvelle entre ci et minuit, je vous la manderai. M. de Lavardin, et tous ceux qui n'ont point de place à l'armée, sont partis pour y aller ; c'est une folie. Pour

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