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qu'elle fait des vilaines vilenies de cette noce, dont la mariée avoit pensé mourir. Elle dit que le voyage de Fontainebleau est assuré : elle parle de la meilleure santé de Madame de la Fayette tout cela saucé dans mille douceurs, point de tortillages: sa lettre est, en vérité, fort bonne à recevoir. Quoique je n'aie personne sur mon épaule, je ne vous dirai rien de fort secret de pays que vous savez: ce sont de certaines petites choses qui n'ont point de prise, et qui n'ont quasi pas la force d'être transportées : en voici une qui réjouira M. l'Archevêque.

Le bel Abbé se souvient bien de cette lettre que quelques Evêques écrivoient au Pape contre certains relâchemens. Il vous contera que ce fut un crime, et que ce monstre fut étouffé dans sa naissance par Messieurs les Agens qui coururent partout. Je ne sais quel esprit follet ou sage l'avoit fait savoir au Pape (Innocent XI). Il a écrit à Sa Majesté, » qu'il étoit d'autant plus surpris de la sup» pression de cette lettre, que les Rois n'ont >> point accoutumé d'empêcher ces sortes » de commerces entre les enfans et le père >> commun; qu'il ne croit pas que cette pen» sée soit venue d'un Prince dont la piété >> lui est connue; mais que ceux qui lui ont » donné ce conseil, en ont ignoré les con

séquences ». Il a chargé de ce bref les trois Cardinaux de Bouillon, d'Estrées, de Bonzy. Si cette nouvelle est comme on nous la mande, elle en vaut bien une autre. N'admirez-vous point que tout est crime à nos pauvres frères? Quand ils n'ont point consulté le Pape, ils étoient schismatiques; quand ils lui font des plaintes des opinions probables, et d'autres denrées de cette force, ils sont révoltés. Disons donc, ma chère enfant, qu'ils sont bien haïs, ou bien aimés de Dieu, à voir de quelle façon ils sont persécutés. Je suis assurée que cette petite histoire réjouira vos Prélats.

Je suis fâchée des vapeurs de M. de la Garde. Vous voilà donc bien tous deux offensés contre l'air de Paris : il faut que Dieu ait donné une bénédiction nouvelle à celui de Grignan; car de mon tems on ne l'eût jamais soupçonné de restaurer, de rafraîchir et d'humecter une jeune personne : que Dieu soit loué à jamais de la santé que vous y avez trouvée; sans raisonner, ni tirer aucune conséquence, je m'en tiens-là, et je puis dire que cet air n'est pas moins bon pour ma vie que pour la vôtre, puisqu'il vous a tiré du pitoyable état où vous étiez, quand nous nous séparâmes..

Samedi 28 Août.

Je reçois, ma fille, votre lettre du 18: j'en ai reçu trois ici. Je pars demain. Madame de Chastelus est venue me voir, au lieu de recevoir ma visite à Chastelus. Je serai un jour avec mes parens, et le quatrième à Vichi. Vous avez eu raison d'être surprise de la mort de la pauvre Madame du Plessis (Guénégaud). J'en fus fort touchée, et plus que bien d'autres ; elle nous aimoit vous lui plaisiez au dernier point: vous vous entendiez à merveilles; elle a été enlevée en six jours sans connoissance : enfin, cela est pitoyable.

Pour notre Cardinal, j'ai pensé souvent comme vous: mais soit que les ennemis ne soient pas en état de faire peur, ou que les amis ne soient pas sujets à prendre l'alarme, il est certain que rien ne se dérange. Vous faites très-bien d'en écrire à d'Hacqueville et même au Cardinal. Est-il un enfant? ne sauroit-il venir à Saint-Denis, sans le consentement de ses précepteurs? et s'ils l'oublient, faut-il qu'il se laisse égorger? Vous avez très-bonne grâce à vous inquiéter sur la conservation d'une personne si considérable, et à qui vous devez tant d'amitié. Tous vos discours sur Charle

roi sont justes comme l'or: mères, sœurs, amies, maîtresses, toutes sont infiniment redevables au Prince d'Orange : rien n'est si plaisant que la conduite de tous ces Messieurs pendant cette campagne. Enfin, la Cour est à Fontainebleau. On dit que Madame de Coulanges ira passer le tems de ce voyage à Livry ne lui avez-vous pas fait réponse? M. de Guitaut vouloit vous mander comme il est content de mon séjour, et combien nous avons parlé tendrement de vous ; mais je ne sais où il est, et je vais fermer cette lettre, en vous embrassant mille fois de tout mon cœur.

LETTRE 513.

A la même.

à Saulieu, Dimanche au soir 29 Août 1677.

Je vous écrivis hier au soir, et je vous écris encore aujourd'hui. Enfin, j'ai quitté Epoisses; mais je n'ai pas encore quitté le maître de ce beau château. Il est venu me conduire jusqu'ici; rien n'est si aisé que de l'aimer : vous le connoissez ; il m'a aussi bien reçue que si j'étois Madame de Grignan je ne puis rien ajouter à cela : j'ai tout dit. N'estil pas vrai, M, le Comte? répondez,

:

Monsieur De Guitaut.

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vous, en

Enfin, nous nous séparons demain, et il ne me restera plus qu'à songer quittant Madame de Sévigné; car tant que nous avons été ensemble, nous n'avons fait qu'en parler, et je ne doute pas que les oreilles ne vous aient corné : c'est à vous à savoir laquelle, car nous en avons dit de toutes les façons. Je n'ai pu me résoudre à ne pas l'accompagner jusqu'à son premier gite. Nous nous quittons, ce me semble, à regret : mais nous nous reverrons dans peu ; et si vous ne venez, nous irons vous voir de compagnie. Ne songez cependant à rien qui vous chagrine cherchez tout ce qui pourra vous plaire, et ne vous imaginez pas qu'il n'y ait rien dans la vie qui puisse avoir ce droit-là : le monde est joli, et on trouve toujours quand on cherche. Voici un mot qui ne sera pas de votre goût : mais je m'entends bien, et ne parle pas si improprement que vous pourriez le croire.

Madame DE SÉVIGNÉ.

Il est très-sage, cet homme-ci; et je lui disois tantôt, le voyant éveillé comme une portée de souris : « Mon pauvre Comte, il est en» core bien matin pour se coucher: vous

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