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difficulté, c'est de faire passer cette opinion dans la tête de tout le monde. J'en dis autant pour le mariage de M. de la Garde. C'est une chose très-plaisante que d'entendre la Marquise d'Huxelles (1) parler froidement là-dessus, comme d'un ami qui l'a trompée, et qui lui a fait un mauvais tour.

Je vous loue fort de vous être remise à vous baigner sagement dans votre chambre. Si vous trouvez quelquefois des discours hors de leur place dans mes lettres, c'est que je reçois une des vôtres le samedi; la fantaisie me prend d'y faire réponse; et puis le mercredi matin, j'en reçois encore une, et je reprends sur des chapitres que j'ai déjà commencés ; cela peut me faire paroître un peu impertinente; en voilà la raison. Il y a plus de dix jours que j'ai fait réponse à ce que vous me dites d'Alby; M. de Mende l'a eu' chargé de pensions.

J'apprends que la belle Madame a reparu dans le bel appartement comme à l'ordinaire, et que ce qui avoit causé son chagrin étoit une légère inquiétude de son ami et de

(1) Marie de Bailleul, mère de feu M. le Maréchal d'Huxelles, étoit amie de M. de la Garde, au point d'entretenir avec lui un commerce de lettres suivi durant plusieurs années, quoiqu'il ne roulât absolument que sur les nouvelles de la Cour et de la Ville.

Madame de Soubise. Si cela est, on verra bientôt cette dernière sécher sur pied; car on ne pardonne pas seulement d'avoir plû. Pour ma santé, elle est très-bonne ; il n'est plus question de rien, je suis persuadée que le rhumatisme a tout fini. Je ne m'expose plus au serein, ou je suis dans une chambre, ou je monte en carrosse pour gagner les hauteurs. Le clair de lune est une étrange tentation, mais je n'y succombe guère. Enfin, soyez en repos, et pour mes mains, et pour mes genoux. Je consulterai la pommade, et je prendrai de la poudre de mon bon homme après la canicule. Je vous laisse, en vérité, le soin de me gouverner, et je crois que vous ferez mieux que tous les docteurs.

M. Charier me mande que le Cardinal de Retz étoit parti deux jours avant ses camarades. On ne me parle point sur ce sujet, je suis trop marquée, et je vois que l'on me fait l'honneur de me traiter comme les d'Hacqueville; mais je démêle bien ce qu'on auroit envie de me dire. Je suis fâchée que votre Cardinal (1) ne prenne pas le chemin des autres. Pour moi j'ai dans la tête que le nôtre fera quelque chose d'extraordinaire à quoi l'on ne s'attend point, ou qu'il (1) Jérôme de Grimaldi, Archevêque d'Aix.

rendra son chapeau dans cette conjoncture, ou qu'il prendra un style tout particulier, ou qu'il sera Pape: ce dernier est un peu difficile; mais enfin il me semble que cela ne sera pas tout uni. Il m'a écrit deux lignes de Lyon. On peut être avec justice fort en peine de sa santé ; c'est un miracle, si ces chaleurs, cette précipitation et ce conclave, ne lui font beaucoup de mal.

J'étois avant-hier au soir dans cette avenue, je vis venir un carrosse à six chevaux; c'étoit la bonne Maréchale d'Estrées, le Chanoine, la Marquise de Senneterre, que l'Abbé de la Victoire appelle la Mitte, et le gros Abbé de Pontcarré. On causa fort, on se promena, on mangea; et cette compagnie s'en alla au clair de mon ancienne mie. Madame de Coulanges se baigne : Corbinelli a mal aux yeux : Madame de la Fayette ne va point en carrosse. Mais je reçois vos lettres et je vous écris; je lis, je me promène, je vous espère; gardezvous bien de me plaindre. Il me paroît que l'Abbé de la Vergne a bien du zèle pour votre conversion; je la crois un peu loin, si elle tient à celle de Madame de Schomberg. Il est vrai que son mérite s'est fort humanisé, elle en a toujours eu beaucoup pour ceux qui la connoissoient; mais cette

lumière, qui étoit sous le boisseau, éclaire présentement tout le monde : elle n'est pas la seule à qui le changement de condition a fait ce miracle. Nous faisions la guerre au bon homme d'Andilly, qu'il avoit plus d'envie de sauver une âme qui étoit dans un beau corps qu'une autre. Je dis la même chose de l'Abbé de la Vergne, dont le mérite et la réputation sont ici fort répandus : je vous trouve très-heureuse de l'avoir. Quitte-t-il la Provence ? Doit-il y retourner? Votre vision est plaisante sur la tourterelle Sablière*: Elle apprit au ramier le chemin de son coeur. Elle acheta le lit du défunt vous savez bien pourquoi.

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L'amie (1) de Madame de Coulanges est toujours dans une haute faveur. Si notre petite amie est attachée à ce bon pays-là, c'est par l'agrément passager qu'elle y reçoit, elle n'est point la dupe de la sorte de tendresse et d'amitié qu'on y dépense. Je ne sais rien de Madame de Monaco. Tout est caché à l'hôtel de Grammont sous l'impénétrable discrétion de d'Hacqueville; et

Jeu de mots qui porte sur Madame de la Sablière, alors très-éprise du Marquis de la Fare. L'équivoque est d'autant plus juste que la tourterelle aime les cantons sablonneux.

(1) Madame de Maintenon,

tout est comme il étoit, à l'hôtel de Gra1cey, hormis que le Prince ** est d'une maigreur et d'une langueur qui sent la Brinvilliers. L'Abbé de Grignan doit vous instruire de Penautier : il y a bien des choses qui m'échappent ici. Monsieur de Coulanges partira pour Lyon avec Madame de Villars. Il me paroît que quand il y sera, il doit vous obéir: assurez-vous au moins de sa conduite; vous ne sauriez avoir un plus joli pilote. Le bon Abbé vous aime fort, il boit très-souvent à votre santé ; et quand le vin est bon, il s'étend sur vos louanges, et trouve que je ne vous aime pas assez. Adieu, ma très-chère, je ne crains point ce reproche devant Dieu.

peu

Mes maîtres de Philosophie (1) m'ont un abandonnée. La Mousse est allé en Poitou avec Madame de Sanzei (2). Le père Prieur (de Livry) voudroit bien s'instruire aussi; c'est dommage de ne pas cultiver ses bons désirs. Nous lisons tristement ensemble le petit livre des Passions ( de Descartes), et nous voyons comme les nerfs du dos de M. de Luxembourg ont été bien disposés pour la retraite. Mais savez-vous que tout

** Le Chevalier de Lorraine.

(1) MM. de la Mousse et Corbinelli.*

(2) Elle étoit sœur de M. de Coulanges.

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