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étrangler par Corbinelli! Le Maimbourg (1) est impertinent; il y a toujours dans ses ouvrages la marque de l'ouvrier: la belle pensée de faire punir un Turc, parce qu'il n'a pas salué l'image de la Vierge!

(1) Célèbre Jésuite, auteur de plusieurs Histoires qui eurent d'abord une certaine vogue, et furent ensuite extrêmement décriées. Il sortit des Jésuites par ordre du Pape, en 1682, pour avoir écrit contre la Cour de Rome en faveur du Clergé de France.

LETTRE 519.

A la même.

à Vichi, jeudi à quatre heures du soir 16 Septembre 1677.

DEMANDEZ au Chevalier de Grignan si je n'ai pas bien du soin de lui, si je ne lui donne pas un bon médecin, et si moi-même je n'en suis pas un admirable. Je n'eusse jamais cru voir à Vichi les chiens de visages que j'y vois : comme on est toujours rassemblé, ce qu'il y a de meilleur se met ensemble, et cela compose une fort bonne compagnie. Je traite fort sérieusement la santé du Chevalier : je verrai les commencemens de ses remèdes, et le laisserai en bon train avant que de partir. Je commence la douche aujourd'hui; je crois qu'elle me sera moins rude

que l'année passée; car j'ai devant et après moi Jussac, Termes, Flamarens, chacun sa demi-heure; cela fait une société de misérables, qui ne le sont pas trop. Je vous en manderai des nouvelles ; ils ont déjà commencé, et trouvent que c'est la plus jolie chose du monde. Mon Dieu, ma fille, que vous avez été vivement et dangereusement malade! c'étoit justement le 15 d'Août, un Dimanche; vous ne pûtes m'écrire, et la confusion de mon départ m'a détournée de l'inquiétude que cela m'auroit donné dans un autre tems. Cette gorge enflaminée fait grand'peur, et la fièvre; ah, ma chère enfant ! quand on a le sang de cette furie, c'est bientôt fait. Vous eûtes la fièvre: vous fûtes saignée deux fois en un jour; et puis, une cuisse et les jambes enflées; quelle malignité d'humeur et où en étions-nous, si cette humeur s'étoit jetée sur votre poitrine! Dieu merci, vous êtes guérie de ce mal; voilà qui est fait, je n'en ai nulle inquiétude : mais j'admire que, pour me tromper, vous ayez toujours pu n'écrire de si grandes lettres. N'y aura-t-il donc personne qui ait le pouvoir d'obtenir de vous quelque espèce de soin et de régime pour votre santé ? Ne voulezvous point tempérer un peu ce sang si enragé? Je ne vois personne qui ne songe à sa

vie et à sa santé : tout ce qui se passe ici le marque assez. Il n'y a que vous qui sembliez avoir envie d'expédier promptement votre rôle cependant, si vous m'aimiez, vous auriez un peu plus de pitié de moi : quand je songe à tout ce que je fais pour vous plaire uniquement, et comme je m'en vais attaquer courageusement, et de bon cœur, une santé parfaite, par la seule envie de mettre votre esprit en repos, sans que je puisse obtenir de vous de suivre les avis de Guisoni, je me perds dans cette pensée. Je n'ai jamais vu de belle, ni de jolie femme, prendre plaisir à se détruire. Tout le monde éprouve qu'on se guérit de toutes sortes de maux par des remèdes, et vous affectez de n'en faire aucun; ils sont pourtant nécessaires, et je m'en suis bien trouvée aux Rochers: enfin, vous êtes bien nommée un prodige. Voilà ce que je voulois vous dire, pour soulager mon cœur, je ne vous en parlerai plus: ne croyez pas que je veuille recommencer les chagrins passés; Dieu m'en préserve: mais je n'ai pu résister à l'envie de vous faire remarquer combien ma complaisance est au-dessus de la vôtre.

Je crois que d'Hacqueville nous a pris la Carnavalette; nous nous y trouverons fort bien; il faudra tâcher de s'y accommoder,

rien n'étant plus honnête, ni à meilleur marché que de loger ensemble. J'espère que ce voyage, qui est l'ouvrage de la politique de toute la famille, sera aussi heureux que l'autre a été triste et désagréable par le mauvais état de votre santé. Cette Valavoire ne me dit point que vous eussiez été mal, vous l'aviez bien endoctrinée; et je vous écrivois dans ce tems-là des folies de Saulieu. Enfin, ma fille, n'en parlons plus; vous êtes peutêtre plus docile, voyant les impétuosités de ce sang; et de mon côté, je bois l'eau la plus salutaire, et par le plus beau tems, et dans le plus beau lieu, et avec la plus jolie compagnie qu'on puisse souhaiter. Bon Dieu, que ces eaux seroient admirables pour M. de Grignan ! le bien bon en prend pour purger tous ses bons dîners, et se précautionner pour dix ans. Adieu, mon ange, écrivez à Madame de Coulanges, je vous en prie.

}

LETTRE 520.

A la même.

à Vichi, dimanche 19 Septembre 1677.

Il me semble, ma chère enfant, que je vous

écrivis une sotte lettre la dernière fois. J'étois mal à mon aise : j'écrivois mał, je me plaignois de la douche : il n'en faut pas davantage pour vous donner de l'inquiétude. Je vous assure aujourd'hui que je me porte fort bien; je me suis baignée un peu à la Sénèque ; j'ai sué fort gracieusement, et peut-être même que je prendrai encore une douche, ou deux, avant que de partir, pour finir toute contestation. Deux jours de repos me donneront de la force de reste. Il me sembla l'autre jour, dans la chaleur du combat, que je fermois les mains; je coupe du pain, et, en un mot, je me porte trèsbien : le tems me donnera pour mes mains, ce que Vichi m'aura refusé; je n'en suis nullement inquiète. Je quitte le Chevalier et Vichi vendredi; je le laisse en train et en bonnes mains pour sa santé. Nous allons nous reposer à Langlar, où le Chevalier viendra nous voir : un jour ne lui fera pas grand mal. Je crois que Termes et Flamarens y viendront aussi : cette pause sera jolie. Jussao

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