Images de page
PDF
ePub

indiquée, mais qui est fort petite, et où pas un de vos gens ne pourroit loger. Nous verrons ce que fera le grand d'Hacqueville; je meurs de peur que Madame de Lislebonne ne veuille pas déloger. Je suis toujours fort en peine de Corbinelli; il a été rudement traité de la fièvre tierce, le délire, et tout ce qui peut effrayer : il a pris de l'or potable, nous en attendons l'effet *. Parlezmoi toujours de vous et de votre santé : ne faites-vous rien du tout pour vous remettre de vos deux saignées? Quelle maladie, bon Dieu! et quelle frayeur cela ne doit-il point

* Le tems n'étoit pas loin encore, où les noms les plus pompeux donnés aux mixtions les plus compliquées servoient à de prétendus Chymistes, Médecins et Apothicaires, de prétexte pour faire valoir leur ignorance et pour enfler leurs parties (comme on disoit alors). L'or potable étoit un de ces médicamens bizarres, l'acide muriatique en étoit la base. La dissolution d'or qu'on y joignit, n'étoit là que pour grossir l'item. Quelquefois c'étoient les perles qu'on pulvérisoit pour renchérir la drogue. L'amer Guy-Patin ne tarit point contre ces charlatans, il les appelle des cuisiniers arabesques. Il se moque de leur médecine fardée. Lui et quelques Docteurs de ses amis se piquoient d'avoir abattu ce colosse de volerie. Leur triomphe étoit prématuré. Les remèdes à bon marché qu'ils prétendoient avoir ramenés, n'étoient pas encore reçus en bonne compagnie; et il paroît que, bon gré malgré, on avoit traité Corbinelli en graud Seigneur.

donner à ceux qui vous aiment? Voilà le Chevalier auprès de moi, et la compagnie ordinaire, avec un homme qui assurément joue mieux du violon que Baptiste. Nous voudrions vous envoyer, et à M. de Griune chaconne et un écho dont il nous charme, et dont vous serez charmée: vous l'entendrez cet hiver.

gnan,

ΑΙ

LETTRE 523.

A la même.

à Langlar, chez M. l'Abbé Bayard, vendredi 24 Septembre 1677.

J'ai reçu à Vichi, ma très-chère, cette lettre du 15, dont j'étois en peine.

Je serois fâchée de n'avoir pas su l'histoire de ce bon Curé du Saint-Esprit ; il est à Semur, et M. de Trichâteau, dont vous n'aimez pas la gigantesque figure, nous conta à Epoisses qu'il lui étoit tombé un Ange du Ciel dans sa ville de Semur; que c'étoit un Saint de Paradis; qu'on ne savoit ni son nom, ni le sujet de son voyage; qu'il ne se plaignoit point, qu'il étoit silencieux, et que cette sorte de mérite l'avoit touché au point, qu'il l'avoit pris chez lui et le nourrissoit avec une grande joie d'avoir recueilli un tel homme. Nous écoutâmes cela,

Guitaut et moi; et comme je suis toujours alerte sur nos pauvres amis, je le priai de continuer sa générosité, et qu'assurément c'étoit un ami de la vérité; cela est plaisant, car je ne songeois point du tout à ce bon Curé. Je viens d'écrire à Guitaut, pour lui dire le mérite de cet homme, et le prier de bien fixer les bons sentimens de Trichateau sur ce sujet. Voilà donc ce pauvre Curé un peu consolé pendant son exil : si je puis lui rendre à Paris quelques services, je vous assure que je n'y manquerai pas. Votre père spirituel vous a intéressée dans cette affaire par des facilités si utiles et si considérables, qu'il faudroit que je fusse dénaturée pour ne pas vous servir dans cette occasion. Votre narration est admirable, et ne pouvoit manquer de faire son effet : hélas, mon enfant vous savez comme je suis pour les malheureux, et à quel point je me tiens offensée de certaines injustices.

La fin de votre lettre m'a charmée : venez, venez donc, ma très-chère, et sans aucun dragon sur le cœur ; puisque le bon Archevêque a prononcé ex cathedra que votre voyage étoit nécessaire pour les intérêts de votre maison.

J'attends des nouvelles de d'Hacqueville sur cet hôtel de Carnavalet; mais il est si

1

plein de difficultés, que si nous l'avons, ce sera par Madame de Coulanges qui les aplanit toutes. Vous me demandez permission d'amener votre fils, et c'est la chose du monde que j'approuve le plus; il sera trèsbien avec nous tous: mais savez-vous qui en est transporté de joie? C'est le bien bon; il avoit juré de ne point mourir content qu'il n'eût revu ce petit homme. Je suis partie aujourd'hui de Vichi, car encore faut-il un peu parler de nous. Le bon Abbé a été ravi de la beauté de ces terrasses, et M. de Termes m'a paru très-digne d'être de ce petit voyage par l'admiration vive et naturelle qu'il a fait paroître en découvrant cette belle vue, qui est en effet une des plus surprenantes choses du monde. Je ne puis jamais m'empêcher de vous souhaiter partout, mais particulièrement quand quelque chose me plaît. Le Chevalier de Grignan viendra demain, et retournera pour achever ses remèdes, s'il a le bel Abbé à ma place, il ne sera pas à plaindre. Je lui procure en ce pays mille petits présens, et des visites, et un bon médecin, dont il se trouvera fort bien. Les eaux m'ont fait des merveilles; pour la douche, je n'ai pu la soutenir, j'ai eu peur de la fièvre; il ne faut pas se jouer à ce remède.

[ocr errors]

LA

:

LETTRE 524.

A la même.

à Saint-Pierre-le-Moutier, mercredi à midi
29 Septembre 1677.

A poste va partir, ma très-chère, c'est pourquoi je ne vous dirai qu'un mot. Je vous écrivis de Langlar dans la lettre du Chevalier j'avois reçu la vôtre de la Garde. Je laisse le Chevalier entre les mains de mon médecin; il s'en va prendre la douche, et puis il ira vous voir. Nous partîmes le lundi; j'allai coucher chez M. et Madame d'Albon; le mardi, j'allai à Moulins, où je retrouvai mes cominensaux avec Vardes, qui venoit de Bourbon pour me dire encore adieu. Il a repris le chemin de Grignan et de Languedoc. Je leur fis voir à tous les petites de Valençaì, qui sont fort éveillées : et de là nous allâmes chez Madame Fouquet, qui ne l'est point du tout, mais dont la vertu et le malheur sont respectables : j'y ai soupé et couché. Ces Messieurs s'amusèrent hier à troquer leurs attelages tout entiers; de sorte que Vardes mène à Grignan les chevaux gris de Termes, et que Termes mène à Fontainebleau les chevaux noirs de Vardes. Je ne sais si M. de Champlâtreux ne trouveroit point

« PrécédentContinuer »