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tude que vous avez pour ma santé; demandez à tous ces hommes comme je suis belle; il ne me falloit point de douches; la nature parle, elle en vouloit l'année passée, elle en avoit besoin; elle n'en vouloit plus celle-ci, j'ai obéi à sa voix. Pour les eaux, ma chère enfant, si vous êtes cause de mon voyage, j'ai bien des remercîmens à vous faire, puisque je m'en porte parfaitement bien. Vous me dites mille douceurs sur l'envie que vous avez de faire un voyage avec moi, et de causer, et de lire; ah! plût à Dieu que vous puissiez, par quelque hasard, me donner ces sortes de marques de votre amitié ! Il y a une personne qui me disoit l'autre jour, qu'avec toute la tendresse que vous avez pour moi, vous n'en faites point le profit que vous pourriez en faire; que vous ne connoissez pas ce que je vaux, même à votre égard: mais c'est une folie que je vous dis là, et je ne voudrois être aimable que pour être autant dans votre goût que je suis dans votre cœur : c'est une belle chose que de faire cette sorte de séparation; cependant elle ne seroit peut-être pas impossible. Sérieusement, ma fille, pour finir cette causerie, je suis plus touchée de vos sentimens pour moi que de ceux de tout le reste du monde; je suis assurée que vous le croyez.

J'ai envoyé chez Corbinelli, il se porté bien, et viendra me voir demain. Pour le pauvre Abbé Bayard, je ne m'en puis remettre ; j'en ai parlé tout le soir: je vous manderai comme en est Madame de la Fayette; elle est à Saint-Maur. Madame de Coulanges est à Livry ; j'y veux aller pendant qu'on fera notre remue-ménage. Madame de Guitaut avoit fait un fils qui mourut le lendemain; il fut question de lui en montrer un autre, et de lui faire croire qu'on l'envoyoit à Epoisses. Enfin, c'est une étrange affaire; son mari est venu pour voir comme on pourra lui faire avaler cette affliction. La Maréchale d'Albret est morte, le courrier vient d'arriver. Voilà Coulanges qui veut causer avec vous.

Monsieur DE COULANGES.

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Nous la tenons enfin cette incomparable mère-beauté, plus incomparable et plus mère-beauté que jamais car croyez-vous qu'elle soit arrivée fatiguée? croyez-vous qu'elle ait gardé le lit? Rien de tout cela elle me fit l'honneur de débarquer chez moi plus belle, plus fraîche, plus rayonnante qu'on ne peut dire ; et depuis ce jourlà, elle a été dans une agitation continuelle dont elle se porte très-bien, quant au corps

s'entend; et pour son esprit, il est, ma foi, avec vous; et s'il vient faire un tour dans son beau corps, c'est pour parler encore de cette rare Comtesse qui est en Provence: que n'en avons-nous point dit jusqu'à présent? et que n'en dirons-nous point encore? Quel gros livre ne feroit-on pas de ses perfections, et combien en seroit grosse la table des chapitres !

Au reste, Madame la Comtesse, croyezvous être faite seulement pour les Provençaux ? Vous devez être l'ornement de la Cour; il le faut pour les affaires que vous y avez ; il le faut, afin que je vous remercie moi-même en personne des portraits que vous m'avez envoyés ; et il le faut aussi pour nous rendre Madame votre mère toute entière. En vérité, ma belle Comtesse, tous vos amis et vos serviteurs opinent à votre retour préparez-vous donc pour ce grand voyage, dormez bien, mangez bien; nous vous pardonnerons de n'être pas emmaigrie de notre absence; songez donc très-sérieusement à votre santé, et croyez que personne ne peut être plus à vous, ni plus dans vos intérêts que j'y suis.

LETTRE 528.

A la même.

à Livry, mardi 12 Octobre 1677.

HÉ, oui, ma fille, quand Octobre prend sa fin, la Toussaint est au matin: je l'avois déjà pensé plus de quatre fois, et je m'en allois vous apprendre cette nouvelle, si vous ne m'aviez prévenue. Voilà donc ce mois entamé et fini j'en suis d'accord. Vous connoissez bien une Dame qui n'aime point à changer un louis d'or, parce qu'elle trouve le même inconvénient pour la monnoie : cette Dame a plus de sacs de mille francs. que nous n'avons de louis suivons son exemple d'économie. Ma fille, je m'en vais un peu m'entretenir avec vous, quoique cette lettre ne parte pas aujourd'hui.

Nous déménageons, ma chère enfant, et parce que mes gens feront mieux que moi, je les laisse tous ici, et me dérobe à cet embarras. M. de Marseille m'est venu chercher dès le lendemain de mon arrivée. Mesdames de Pompone et de Vins vinrent hier ici, toutes pleines d'amitié pour vous et pour moi. Mme. de Vins me répondit des bonnes intentions de l'Evêque pour la paix ; il a, comme vous dites, un autre chaperon ila,

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dans la fantaisie, que celui d'Aix; et ce qui le prouve, c'est qu'il ne veut pas aller à l'assemblée. Je vous ai mandé le peu d'espérance qu'il y a pour votre Curé du Saint-Esprit. M. de Guitaut, qui est ici, a recommandé puissamment ce pauvre exilé, et l'a pris hautement sous sa protection. Il est fort empêché à tromper sa femme, qui croit son fils en santé à Epoisses (1): il craint les éclats qu'elle fera, en apprenant la mort de cet enfant, c'est une affaire ces sœurs-là ont d'étranges têtes, quoique la Guitaut soit pleine de mille bonnes choses, il y a toujours la marque de l'ouvrier. J'ai été voir Madame de la Fayette à Saint-Maur; je suis fort satisfaite de son affliction sur la perte de ce bon Bayard; elle ne peut s'en taire, ni s'y accoutumer. Elle ne prend plus que du lait; sa santé est d'une délicatesse étrange: voilà ce que je crains pour Vous ma chère enfant; car vous ne savez point vous bien conserver comme elle. Mon Dieu, que je serai ravie de voir de mes deux yeux cette santé, que tout le monde me promet, et sur quoi vous m'avez si bien trompée, quand vous avez voulu ! Il faut avouer qu'il y a bien de la friponnerie dans le monde; toujours de grandes (1) Voyez la Lettre du 7 Octobre.

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