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enragée; elle criaille, et ne fait que des filets: la voilà jetée et déménagée.

LETTRE 53o.

A la même.

à Paris, mercredi 20 Octobre 1677.

LE Chevalier radote et ne sait ce qu'il veut dire. Je n'ai point mangé de fruits à Vichi; parce qu'il n'y en avoit point ; j'ai dîné sainement, et pour souper; quand les sottes gens veulent qu'on soupe sur son dîner, à six heures, je me moque d'eux; je soupe à huit mais quoi? une caille,

une aîle de perdrix uniquement. Je me promène, il est vrai; mais il faut que l'on défende le beau tems, si l'on veut que je ne prenne pas l'air. Je n'ai point pris le serein, ce sont des médisances; et enfin, M. Ferrand étoit dans tous mes sentimens, souvent à mes promenades, et ne m'a jamais dédite de rien. Que voulez-vous donc conter, M. le Chevalier? Mais vous, avec votre sagesse, votre bras vous fait-il toujours boîter? Ce seroit une chose cruelle d'ètre obligé de porter un bâton tout l'hiver. Et vous, Madame la Comtesse, pensez-vous que je n'aie point à vous gronder? Vardes

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me mande que vous ne vous nourrissez pas assez; que vous mangez en récompense les plus mauvaises choses du monde, et qu'avec cette conduite il ne faut pas que vous espériez retrouver votre santé : voilà ses propres mots; il ajoute que M. de la Garde s'en tourmente assez, mais que tout le reste n'ose vous contredire. Belle Rochebonne, grondez-la, j'aimerois mieux qu'elle coquetât avec M. de Vardes, comme vous me le mandez, que de profaner une santé qui fait notre vie à tous; car vous voulez bien, Madame, que je parle en commun sur ce chapitre. Que vous êtes bien tous ensemble ! que Vous êtes heureux de trouver dans votre famille ce que l'on cherche inutilement ailleurs, c'est-à-dire, la meilleure compagnie du monde, et toute l'amitié et la sûreté imaginable! Je le pense et je le dis souvent, il n'y en a point une pareille. Je vous embrasse de tout mon coeur, et vous conjure de m'aimer toujours.

Il faut un peu que je vous parle, ma fille, de notre hôtel de Carnavalet. J'y serai dans un jour ou deux : mais comme nous sommes très-bien chez M. et Madame de Coulanges, et que nous voyons clairement qu'ils en sont aises, nous nous rangeons, nous nous établissons, nous meublons votre

TOME V.

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chambre; et ces jours de loisir, nous ôtent tout l'embarras et tout le désordre du délogement. Nous irons coucher paisiblement, comme on va dans une maison où l'on demeure depuis trois mois. N'apportez point de tapisserie, nous trouverons ici ce qu'il vous faut je me divertis extrêmement à vous donner le plaisir de n'avoir aucun chagrin, au moins en arrivant. Notre bon Abbé m'a fait peur; son rhume étoit grand; une petite fièvre je me figurois que si tout cela eût augmenté, c'eût été une fièvre continue, avec une fluxion sur la poitrine; mais, Dieu merci, il est considérablement mieux, et je n'ai plus aucune inquiétude.

Je reçois mille amitiés de Madame de Vins. Je recois des visites en l'air des Rochefoucaulds, desTarentes; c'est quelquefois dans la cour de Carnavalet, sur le timon de mon carrosse. Je suis dans le chaos, vous trouverez le démêlement du monde et des élémens : vous recevrez ma lettre d'Autri: je serois plus fâchée que vous sije passois un ordinaire sans vous entretenir. J'admire.comme je vous écris avec vivacité, et comme je hais d'écrire à tout le reste du monde. Je trouve, en écrivant ceci, que rien n'est moins tendre que ce que je dis ; comment j'aime à vous écrire ? c'est donc

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signe que j'aime votre absence: voilà qui est épouvantable. Ajustez tout cela, et faites si bien que vous soyez persuadée que je vous aime de tout mon cœur. Vous avez donc, pensé à moi avec Vardes; je vous en remercie j'espère comme lui que nous nous trouverons encore à Grignan. Si j'étois le maître du logis, je vous gronderois fort d'avoir parlé avec mépris de ma musique; je suis assurée qu'elle est fort bonne, puisqu'elle vous amuse long-tems. Arnoux vient souvent ici : il est captivé par sa parole; mais il est tellement à la mode, et si près d'entrer dans la musique du Roi, que ce seroit une charité de lui rendre sa liberté. Quel plaisir aura M. de Grignan de voir un homme qui mourra d'ennui, et qui croira qu'on lui fait perdre sa fortune? Si M. de Grignan veut l'en consoler, il n'en sera pas quitte pour peu.

On dit que M. du Maine se porte mieux qu'on ne pensoit : il n'y a plus de chagrin. présentement, mais tout est si peu stable, qu'avant que vous ayez cette lettre, il y aura eu et des nuages, et des rayons de soleil. Madame de Coulanges est à Versailles ; je lui donnerai votre lettre à son retour, et je vous manderai ce qu'elle m'aura dit. J'embrasse tous vos chers Grignans : j'ai grondé

le Chevalier; pour nous raccommoder, il faut que je l'embrasse deux fois. Je vous souhaite de l'eau dans la rivière; voici le tems que vous devez en avoir besoin. La bonne compagnie (M. de Termes) avec qui je repassai la Loire si plaisamment, n'a pu sortir de classe pour venir ici; il faut que je sois bien recommandée au prône, comme disoit Vardes. J'ai fait vos complimens à Madame de la Fayette; je fus hier à Saint-Maur, où il faisoit divinement beau. J'ai reçu une lettre de notre Cardinal ; j'étois dans une véritable inquiétude de sa santé; il me mande qu'elle est bien meilleure ; j'en remercie la Providence. Corbinelli n'est point encore bien, l'or potable l'a desséché ; je crois qu'on le mettra au lait. Bon soir, ma très-belle et très-aimable.

LETTRE 531.

A la même.

à Paris, vendredi 22 Octobre 1677.

JE E n'ai point de réponse à vous faire, ce n'est point aujourd'hui mon jour. Je vous écris de la chambre de Madame de Coulanges, chez qui je suis encore: elle revint hier de Versailles toutes choses y sont comme

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