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à l'ordinaire. Madame de Ludre *, belle et infortunée, lui fit une mine glacée, dont elle ne fit nullement sa cour chez Madame de Montespan, quoique des rampantes eussent voulu qu'elle eût fait voir par là qu'elle avoit généreusement attiré cette indignation elle ne fait point de ces petites misères-là. M. de la Trousse (1) demeure sur la frontière, et prend soin des places conquises; cet emploi est un morceau de favori; c'est par où a passé le Maréchal de Rochefort: la Trousse marche sur ses pas. M. de Louvois demanda pardon à Madame de Coulanges de lui ôter pendant l'hiver cette douce société : au milieu de toute la France, elle soutint fort bien cette attaque; elle ne rougit point, et répondit précisément ce qu'il falloit. Le Maréchal de Grammont est arrivé; il a été reçu du Roi comme à l'ordinaire: il est lui-même tout comme il

* Quelques mois après, cette belle désespérée, ou de l'insensibilité du Roi, ou des tracasseries de la jalouse Moutespan, se jetta dans un couvent en Lorraine, d'où on ne chercha point à la tirer. Elle y vécut longtems, occupant sa vieillesse des soins de la fortune de

ses neveux.

(1) Philippe-Auguste le Hardi, Marquis de la. Trousse, étoit cousin-germain du mari de Madame de Coulanges, à laquelle on disoit dans le monde qu'il étoit fort attaché.

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étoit. D'Hacqueville est allé au-devant, et l'a amené à la Cour : enfin rien n'est changé. Mademoiselle de Thianges est ravie d'aller en Italie elle sera mariée dans un mois : vous serez ici dans ce tems-là. On a voulu croire que M. de Louvigny étoit amoureux de Madame la Grande-Duchesse, et que Janneton la folle, qui ne l'est point, donnoit les lettres. Le Roi a dit que la GrandeDuchesse seroit un peu plus souvent à Montmartre *. La Reine a sauvé la folle d'être chassée : peut-être que tout cela n'est point

*D'autres lettres du même tems font voir que ce bruit étoit l'effet d'une intrigue de Cour. On en accusoit Madame de Montespan, qui craignoit que le Roi ne se plût trop avec cette Princesse : Bussy écrivoit à ce sujet ce qui suit. « Ce n'est pas seulement l'exemple » de la Grande-Duchesse qui me fait mépriser les » Courtisans et la plupart du monde, en voyant qu'on » la dénigre depuis qu'elle est brouillée avec Madame » de Montespan. Celui de M. le Prince est bien plus » fort. Car enfin le premier Prince du sang et le plus » grand Capitaine de son siècle, est plus méprisé que » s'il étoit mort, parce qu'il n'est pas bien à la Cour ; et le gros voleur de Louvois én est l'idole. . . . . On prétend qu'elle n'avoit quitté la Toscane et son mari que sur la foi de son horoscope. Celui qui l'avoit tiré l'assuroit qu'elle étoit destinée à gouverner le Roi. C'est sa sœur, Mademoiselle de Montpensier, qui rapporte ce trait caractéristique des préjugés du tems. Tout Te monde sait qu'à la naissance de Louis XIV, on fit tirer sou horoscope.

vrai; mais le bruit n'en est bon ni pour l'un ni pour l'autre. Madame de Coëtquen est grosse; voudriez-vous en rire ? riez-en. Madame T..... a trouvé grâce devant Madame de Montespan, qui la vit à Bourbon l'année passée, et lui a fait donner une Abi baye de vingt mille livres de rente pour une de ses sœurs : cette femme est si peu digne, par quelque côté que ce soit, des faveurs qu'elle reçoit, que c'est un murmure. Je suis en train de dire des nouvelles. Il y a un petit air de Copenhague dans cette lettre, qui vous fera souvenir agréablement de ma bonne Marquise de Lavardin (1).

(1) Marguerite-Renée de Rostaing, mère de HenriCharles de Beaumanoir, Marquis de Lavardin. Elle aimoit beaucoup les nouvelles.

LETTRE 532.

Madame DE SÉVIGNÉ au Comte De BUSSY.

à Paris, ce 23 Octobre 1677.

IL y a quatre jours que je suis revenue de Vichi. J'y portai un souvenir bien tendre de votre amitié, de votre bonne et agréable conversation, de la beauté de Chasen, du mérite de ma Nièce de Coligny, que j'aime

et qui me plaît. Parmi tant de bonnes choses, j'avois un petit regret de ne vous avoir pas demandé à voir quelque chose de vos Mémoires, pour lesquels j'ai un goût extraordinaire. Je ne comprends pas comment je ne m'en avisai point. Je suis fort aise que, de votre côté, vous m'ayez trouvé un peu à dire. Vous vous étiez donc réchauffé pour moi en me voyant ? C'est un bon signe quand l'amitié redouble par la présence. Pour moi, je crois que nous nous aimons encore plus que nous ne pensons. Cette P.... étoit bien épineuse, Dieu veuille avoir son âme. Il falloit, comme vous dites, charrier bien droit avec elle. Quand elle fut prête à mourir l'année passée, je disois, en voyant sa triste convalescence et sa décrépitude : Mon Dieu ! elle mourra deux fois bien près l'une de l'autre. Ne disois-je pas vrai? Un jour Patrix ** étant revenu d'une extrême

* Madame de Sévigné avoit passé chez M. de Bussy les premiers jours de Septembre.

**Patrix étoit un homme de lettres attaché à Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Il mourut très-vieux. Il est auteur de cette épigramme si connue.

Je songeois cette nuit que de mort consumé.

qui finit par ce vers :

Je suis sur mon fumier comme toi sur le tien. (Voyez le Dictionnaire historique. )

....

J

maladie à quatre-vingts ans, et ses amis s'en réjouissant avec lui, et le conjurant de se lever: Hélas! Messieurs, leur dit-il, ce n'est pas la peine de se r'habiller. Mon Dieu, mon Cousin, que cette réponse m'a paru plaisante! Je crains de vous avoir déjà fait ce conte. Mais à propos de mort, vous voulez que je vous fasse un compliment sur celle du Grand-Prieur de Champagne, je le veux bien; et quand j'y ajouterois encore les autres, je suis assurée que ma consolation auroit toute la force nécessaire. Vous souvient-il que vous me dites une fois sur une mort : Que vous aviez attendu long-tems ma lettre, mais qu'ayant vu qu'elle tardoit trop à venir, vous vous étiez consolé tout seul du mieux que vous aviez pu? Mon cocher le fut extrêmement de l'histoire lamentable de la versade de M. Jannin. Celle-là fut encore plus belle à raconter que la nôtre. Je l'appris en chemin, et j'en écrivis à M. Jannin; car quand il y a fracture, cela mérite un compliment. J'ai bien ri avec Corbinelli de la manière dont nos deux oncles nous écrasoient, ma nièce et moi. Il a pensé mourir, notre pauvre Corbinelli! Il prit de l'or potable qui le sauva par une sueur qui le laissa sans fièvre *. Il *Voyez la Note, page 350.

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