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d'un coup on a cessé de parler d'Allemague à Versailles? On répondit un beau matin aux gens qui en demandoient bonnement des nouvelles pour soulager leur inquiétude : Et pourquoi des nouvelles d'Allemagne ? il n'y a point de courrier, il n'en viendra point, on n'en attend point; à quel propos demander des nouvelles d'Allemagne? Et voilà qui fut fini.

LETTRE 448.

A la même.

à Paris, vendredi 21 Août 1676.

Je suis venue ici ce matin pour les commissions de M. de la Garde. Je suis descendue chez la bonne d'Escars, que j'ai trouvée avec une grosse bile qui lui donne une petite fièvre, et toute pleine de bonne volonté; elle avoit autour d'elle Madame le Moine, et tous les équipages de point de France et de point d'Espagne, les plus beaux et les mieux choisis du monde. Je suis allée dîner chez M. de Mêmes, et à trois heures je suis revenue chez Madame d'Escars; j'ai trouvé, en entrant dans la cour, Madame de Vins et d'Hacqueville, qui venoient me voir amiablement. Nous avons pris un très-beau manteau, une belle jupe, de la toile d'or

et d'argent pour une toilette, et de quoi faire un corps de jupe, la dentelle pour la jupe, la toilette, une petite pour les sachets, pour les coiffes noires ; les souliers, la perruque, les rubans, tout sera admirablement beau : mais comme j'ai tout pris sur ma parole, et pour très-peu de tems, je vous prie de ne point nous remettre sur l'incertitude des paiemens des pensions de M. de la Garde, et de nous envoyer une lettre de change. M. Colbert est un peu malade; si vous saviez ce qu'on fait de ce prétexte, même pour votre pension, vous verriez bien que rien n'est tel qu'une lettre de change et les pauvres courtisans, accoutumés à la patience, attendront l'heureux moment du Trésor royal. Voilà le bel Abbé (1) qui entre; il vint me voir mercredi à Livry; nous causâmes fort de vos affaires. Il est certain qu'il ne faudroit pro poser (2) le Coadjuteur que comme un sujet très-propre et très-digne, sans qu'il parût que ce sujet se donnât aucun mouvement, parce qu'il doit paroître fixé et content. On

(1) M. l'Abbé de Grignan, frère de M. le Coadjuteur d'Arles.

(2) Il s'agissoit de l'Archevêché d'Alby, que l'on croyoit encore vacant par le refus qu'on disoit que M. de Mende en avoit fait.

s'assureroit seulement de la disposition de M. l'Archevêque (d'Arles) pour recevoir tel autre Coadjuteur qu'on voudroit ; et il faudroit que cela passât uniquement par le Confesseur, n'étant pas du district de M. de Pompone, qui pourtant ne manqueroit pas de l'appuyer, si la balle lui venoit. Mais on croit ici que, nonobstant le bruit qui a couru que M. de Mende refusoit Alby, il le prendra; ainsi nos raisonnemens seront inutiles. Pour le Gouvernement, le fils en a la survivance, et Matame te Lutre ne seroit pas fâchée d'avoir cette récompense, en quittant la livrée (1) qu'elle porte depuis si long-tems. On dit aussi que Théobon, soit qu'elle ait mérité, ou point mérité cet établissement, seroit fort désireuse de l'avoir : vous voyez sur quoi cela roule.

J'aime le bel Abbé de l'attention qu'il paroît avoir pour vos affaires, et du soin qu'il a de me chercher pour en discourir avec moi, qui ne suis pas si sotte sur cela, à cause de l'intérêt que j'y prends, que sur toutes les autres choses du monde. Nous passâmes une fort jolie soirée à Livry ; et aujourd'hui nous avons conclu avec le grand d'Hacqueville, que tous nos raisonnemens sont inutiles pour cette fois; mais qu'il ne faut pas perdre une

(1) Madame de Ludre, Chanoinesse de Poussai,

occasion de demander. Madame de Vin's m'a priée de ne point m'en retourner demain, et de me trouver entre cinq et six chez Madame de Villars, où elle sera. Nous pourrons voir le soir M. de Pompone, qui reviendra de Pompone, où Madame de Vins n'est pas allée, à cause d'un procès, et toujours procès, qui sera jugé demain. Je suis tentée de sa proposition; de sorte que j'ai la mine de ne m'en aller que dimanche à la messe à Livry. On dit que l'on sent,la chair fraîche dans le pays de Quanto. On ne sait pas bien droitement où c'est; on a nommé la Dame que je vous ai nommée: mais comme on est fin en ce pays, peut-être que ce n'est pas là. Enfin, il est certain que le cavalier est gai et réveillé, et la Demoiselle triste, embarrassée, et quelquefois larmoyante. Je vous dirai la suite, si je le puis.

Madame de Maintenon est allée à Maintenon pour trois semaines. Le Roi lui a envoyé le Nôtre pour ajuster cette belle et laide Terre. Je n'ai point encore vu la belle Coulanges, ni Corbinelli. L'armée de M. de Schomberg s'en va au secours de Maestricht: mais on ne croit point du tout que les ennemis l'attendent, soit par avoir pris la place, soit par avoir levé le siége; ils ne sont pas assez forts. Adieu, très-aimable et très-aimée.

LETTRE 449.

A la même.

à Livry, mercredi 26 Août 1676.

Je crois que vous voyez bien que je fais réponse le mercredi à vos deux lettres; pour le vendredi, je vis aux dépens du public, et sur mon propre fonds, qui compose quelquefois une assez mauvaise lettre. J'attends là votre dernière, et cependant je vais ballotter sur celle que j'ai déjà reçue, et sur ce que j'ai fait depuis trois ou quatre jours. Je vous écrivis vendredi ayant l'Abbé de Grignan à mes côtés; je vous mandai que Madame de Vins et d'Hacqueville m'avoient prié d'aller le lendemain chez Madame de Villars, où ils se trouveroient. Nous y passâmes deux heures fort agréablement. Je demeurai donc à Paris, pour l'amour d'eux. J'avois été auparavant chez Madame de la Fayette; car il faut tout dire la SaintGéran nous montra une fort jolie lettre que vous et M. de Grignan lui aviez écrite ; nous admirâmes le bon esprit de votre ménage. Je repassai chez Mademoiselle de Méri, et le dimanche matin je revins ici, après avoir vu le deux soirs Madame de Coulanges et Corbinelli. Cette belle se baigne; il dit qu'elle

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