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le bon air beau; que la bonne grâce attire l'amitié, et le bon air l'estime.

M. d'Autun, à qui j'ai fait voir votre lettre et vos décisions, a trouvé celle-ci juste, et n'approuvoit pas seulement que nous disions que le bon air attiroit le respect. Ma fille a trouvé qu'il falloit mettre l'estime, et nous y avons souscrit, Pour moi, j'avois jugé le bon sens et le jugement la même chose. Madame de Coligny vouloit que le bon sens regardât les pensées et les sions, et le jugement la conduite. M. d'Autun a été pour elle, et cela m'a fait revenir.

expres

Nous croyons tous que le bon sens, la raison et le bon esprit, c'est la même chose. Nous croyons que génie est général, et talent, particulier. Nous croyons que la bizarrerie est continuelle, et le caprice par intervalles. Nous croyons que c'est une bonne qualité que d'être naïf, ou du moins indifférent, et que c'est un défaut d'ètre ingénu. Nous croyons qu'il faut plus d'esprit pour êtré poli, que pour être honnête; que l'honnêteté a plus de fonds et plus d'étendue que la civilité, qui n'en a que l'apparence.

Nous voulions croire, Madame de Coligny et moi, que le plaisant et le badin signifioient la même chose; mais M. d'Autun nous a fait revenir, en nous disant que le plaisant

divertissoit quelquefois sur les matières sérieuses, aussi bien que sur des enjouées; et que le badin ne faisoit jamais rire que sur des niaiseries. Il est convenu pourtant que l'un et l'autre caractère pouvoit quelquefois ennuyer, mais que l'agréable plaisoit toujours. Il est vrai que la différence de tout cela est si petite, qu'on ne veut pas prendre la peine de la trouver.

Adieu, Monsieur; ma fille et moi vous aimons toujours à qui mieux mieux.

LETTRE 554.

Madame DE SÉVIGNÉ au Cte. DE Bussy. à Paris, ce 27 Février 1679.

Vous avez passé votre hiver à Autun en très-bonne compagnie. Si j'ai oublié dans ma première lettre de faire mention du Prélat, je vous supplie que je répare ce défaut dans celle-ci, et qu'il soit persuadé par vous que je l'honore parfaitement, et que le croyant au premier rang de tout ce qu'il y a de bonnes compagnies en ce pays-ci, je le prie de juger ce que j'en puis penser dans Ja Province, et combien je vous trouve heureux d'avoir passé quelques mois avec lui. Nous avons eu ici des glaces et des neiges insupportables; les rues étoient de grands

chemins rompus d'ornières. Nous commen◄ çons depuis quelques jours à revoir le pavé, qui nous fait le même plaisir que le rameau d'olive qui fit connoître que la terre étoit découverte. Je crois pourtant que vous ne devez pas vous presser d'aller revoir votre charmant paysage de Chaseu, il est encore de trop bonne heure; c'est le mois d'Avril qui commence à ouvrir le printems.

Ma fille est toujours languissante; sa mauvaise santé fait le plus grand chagrin de ma vie. Nous sommes occupés présentement à juger des beaux sermons. Le Père Bourdaloue tonne à Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Il falloit qu'il prêchât dans un lieu plus accessible; la presse et les carrosses y font une telle confusion, que le commerce de tout ce quartier-là en est interrompu.

On distribue bien des Evêchés et des Abbayes. Un jeune Abbé de la Broue, qui n'a prêché qu'une seule fois devant le Roi, est nommé pour l'Evêché de Mirepoix ; M. de Tulle (Mascaron) pour Agen, le Père Saillan de l'Oratoire pour Tréguier, l'Abbé de Bourlemont pour Fréjus, l'Abbé de Noailles pour Cahors.

M. de Marsan et le Chevalier de Tilladet sont pensionnaires. L'Abbé de la Fayette et un frère de Marsillac ont des Abbayes.

Enfin, les uns sont contens, les autres non. C'est le monde, il n'y a rien de nouveau à cela. Savez-vous l'adoucissement de la prison de MM. de Lauzun et Fouquet? Cette permission qu'ils ont de voir tous ceux de la citadelle, et de se voir eux-mêmes, manger et causer ensemble, est peut-être une des plus sensibles joies qu'ils auront jamais.

J'étois l'autre jour en un lieu où l'on tailloit en plein drap. On ouvroit des prisons on faisoit revenir des exilés, on remettoit plusieurs choses à leurs places, et on en ôtoit -plusieurs aussi de celles qui y sont. Vous ne fûtes pas oublié dans ce remue-ménage, et l'on parla de vous dignement. Voilà tout ce qu'une lettre vous en peut apprendre.

LETTRE 555.

Au même.

à Paris, ce 29 Mai 1679.

QUE dit-on quand on a tort? Pour moi, je n'ai pas le mot à dire; les paroles me sèchent à la gorge : enfin, je ne vous écris point, le voulant tous les jours, et vous aimant plus que vous ne m'aimez : quelle sottise de faire si mal valoir sa marchandise! Car c'en est une très-bonne que l'amitié, et j'ai de quoi

m'en parer quand je voudrai mettre à profit tous mes sentimens. Il y a dix jours que nous sommes tous à la campagne par le plus beau tems du monde; ma fille s'y porte assez bien; je voudrois bien qu'elle me demeurât tout l'été; je crois que sa santé le voudroit aussi, mais elle a une raison austère, qui lui fait préférer son devoir à sa vie. Nous l'arrêtâmes l'année passée; et parce qu'elle croit se porter mieux à présent, je crains qu'elle ne nous échappe celle-ci. Je vis l'autre jour le bon Père Rapin, je l'aime, il me paroît un bon homme et un bon Religieux ; il a fait un discours sur l'Histoire et sur la manière de l'écrire, qui m'a paru admirable. Le Père Bouhours étoit avec lui; l'esprit lui sort de tous côtés. Je fus bien aise de les voir tous deux. Nous fîmes commémoration de comme d'une vous, l'abpersonne que sence ne fait point oublier. Tout ce que nous connoissons de Courtisans, nous parurent indignes de vous être comparés, et nous mêmes votre esprit dans le rang qu'il "mérite. Il n'y a rien de quoi je parle avec tant de plaisir.

Avez-vous lu la Vie du grand Théodose, par l'Abbé Fléchier? Je la trouve belle,

Vous savez toutes les nouvelles, mon cher Cousin; que vous dirai-je? Le moyen

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