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de raisonner sur ce qui est arrivé, non plus que sur les difficultés du Brandebourg, qui fait faire encore à bien des Officiers un voyage en Allemagne *?

Mais que dites-vous de notre pauvre Corbinelli? Sa destinée le force à soutenir un procès par pure générosité pour une de ses parentes. Sa philosophie en est entièrement dérangée. Il est dans une agitation perpétuelle. Il y épuise sa santé et sa poitrine. Enfin, c'est un malheur pour lui, dont tous ses amis sont au désespoir.

* La paix du nord avoit été concertée entre la France et les Hollandois. Mais les parties intéressées n'en étoient pas contentes, sur-tout le Duc de Brandebourg, qui avoit chassé les Suédois du Continent, et eût voulu garder toutes ses conquêtes. Il fallut que le Maréchal de Créqui l'allât battre en Westphalie, ce qui devenoit trop facile pour être glorieux. La paix ne fut consommée qu'en Octobre.

Ce n'étoit pas là les seules nouvelles de la Cour. Madame de Montespan n'étoit plus maîtresse du Roi. La belle Fontanges l'avoit ouvertement remplacée. Les dévotions de Pâques furent l'époque de ces changemens. Le Confesseur Lachaise trouva de bonnes raisous pour que cet amour fût préféré à l'autre ; ce qui le fit nommer la Chaise de commodité. On sait les fureurs de Madame de Montespan, et le parti qu'en tira Madame de Maintenon.

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LETTRE 556.

Au même:

à Paris, ce 27 Juin 1679.

Je n'ai pas le mot à dire à tout le premier article de votre lettre, sinon que Livry c'est mon lieu favori pour écrire. Mon esprit et mon corps y sont en paix ; et quand j'ai une réponse à faire, je la remets à mon premier voyage. Mais j'ai tort, cela fait des retardemens dont je veux me corriger. Je dis toujours que si je pouvois vivre seulement deux cents ans, je deviendrois la plus admirable personne du monde. Je me corrige assez aisément, et je trouve qu'en vieillissant même j'y ai plus de facilité. Je sais qu'on pardonne mille choses aux charmes de la jeunesse qu'on ne pardonne point quand ils sont passés. On y regarde de plus près; on n'y excuse plus rien; on a perdu les dispositions favorables de prendre tout en bonne part; enfin, il n'est plus permis d'avoir tort; et dans cette pensée l'amourpropre nous fait courir à ce qui nous peut soutenir contre cette cruelle décadence qui, malgré nous, gagne tous les jours quel que terrein.

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Voilà les réflexions qui me font croire que dans l'âge où je suis, on se doit moins négliger que dans la fleur de l'âge. Mais la vie est trop courte; et la mort nous prend, que nous sommes encore tout pleins de nos misères et de nos bonnes intentions.

Je loue fort la lettre que vous avez écrite au Roi; je la trouve d'un style noble, libre et galant qui me plaît fort. Je ne crois pas qu'autre que vous ait jamais conseillé à son maître de laisser dans l'exil son petit serviteur, afin de donner créance au bien qu'on a à dire de lui, et d'ôter tout soupçon de flatterie à son histoire.

Ce que ma chère Nièce m'a écrit me paroît si droit et si bon, que je n'en veux rien rabattre : il est impossible qu'elle ne m'aime pas, à le dire comme elle le dit.

A Madame DE COLIGNY.

Je vous en remercie, ma chère Nièce, et je voudrois pour toute réponse, que vous eussiez entendu ce que je disois de vous l'autre jour; je vous peignis au naturel, et bien. Il y a très-peu de personnes qui puissent se vanter d'avoir autant de vrai mérite que vous.

Notre pauvre ami est abîmé dans son procès. Il le veut traiter dans les règles de

la raison et du bon sens; et quand il voit qu'à tous momens la chicane s'en éloigne, il est au désespoir. Il voudroit que sa rhétorique persuadât toujours comme elle le devroit en bonne justice; mais elle est souvent inutile. Ce n'est point façon d'amour que le zèle qu'il a pour sa cousine, c'est pure générosité: mais c'est façon de mort, que la fatigue qu'il se donne pour cette malheureuse affaire. J'en suis affligée; car je le perds, et je craius de le perdre encore davantage.

Ma fille ne s'en ira qu'au mois de Septembre. Elle se porte mieux; elle vous fait mille amitiés ; à vous, Madame, et à vous, Monsieur. Si vous la connoissiez davantage, vous l'aimeriez encore mieux.

LETTRE 557.

Au même.

à Paris, ce 20 Juillet 1679.

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J'AI 'AI vu et entretenu M. l'Evêque d'Autun et je comprends bien aisément l'attachement de ses amis pour lui. Il m'a conté qu'il passa une fois à Langeron, et qu'il ne vouloit pas s'y débotter seulement. Il y fut six semaines. Cet endroit est tout propre à persuader l'agrément, la douceur et la facilité

de son esprit. Je crois que j'en serois encore plus persuadée, si je le connoissois davantage. Nous avons fort parlé de vous sur ce ton-là. Je parlai au Prélat de la lettre que vous avez écrite au Roi; il me dit qu'il l'avoit vue, et qu'il l'avoit trouvée belle. Je vous trouve fort heureux de l'avoir. Ce bonheur est réciproque, et vous êtes l'un à l'autre une très-bonne compagnie. Il vous dira les nouvelles et les préparatifs du mariage du Roi d'Espagne, et du choix du Prince et de la Princesse d'Harcourt pour la conduite de la Reine d'Espagne * à son époux, et de la belle charge que le Roi a donnée à M. de Marsillac, sans préjudice. de la première. Il vous apprendra comme M. de la Feuillade, Courtisan passant tous les Courtisans passés, a fait venir un bloc de marbre qui tenoit toute la rue SaintHonoré : et comme les soldats qui le conduisoient ne vouloient point faire place au car

* MADEMOISELLE, fille de MONSIEUR, frère de Louis XIV, fut mariée à Charles II Roi d'Espagne. C'étoit une des conditions de la paix, à laquelle la jeune Princesse n'avoit rien moins qu'accédé. Elle eût voulu épouser le Dauphin. Le Roi lui dit : Je vous fais Reine d'Espagne; que pourrois-je de plus pour ma fille : Ah! (répondit-elle) vous pourriez plus pour votre nièce. Elle mourut dix ans après. Nous parlerons de cette mort, qui a donné lieu à tant de soupçons.

rosse

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