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aux pauvres mortelles. Nous menons ici une vie tranquille recommandez bien à Madame de Sévigné le soin de sa santé ; vous savez qu'elle n'aime point à vous refuser; elle ne va guère au serein, elle est sou tenue de l'espérance de votre retour: pour moi, je le souhaite en vérité plus vivement qu'il ne m'appartient. Vous êtes si bien informée des nouvelles, que je ne m'amuserai pas à vous en conter. Le Roi est bien heureux; il me semble qu'il ne pourroit souhaiter de l'ètre encore davantage. Adieu, Madame, vous êtes attendue avec toute l'impatience que vous méritez: voilà qui est au-dessus de toute exagération. Barillon ne trouve que l'Abbé de la Trappe digne de lui, quand vous êtes en Provence. Ecoutez bien M. de Brancas, il va vous dire ses raisons.

Monsieur DE Brancas.

Je ne puis être à Livry, sans m'y ressouvenir de Mademoiselle de Sévigné, ni sans songer que, si j'ai travaillé à rendre M. de Grignan heureux, ç'a bien été à mes dépens, puisque je partage aussi vivement que personne, tout ce qu'il en coûte pour une aussi longue absence que la vôtre. Madame de Coulanges voudroit bien nous faire

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entendre qu'il y a des personnes qui devróient vous regretter encore plus : mais sans entrer dans tout ce qu'elle veut dire, je me contente de vous assurer que vous devez hâter votre retour, si vous aimez Madame votre mère, qui ne songera point à sa santé que vous n'ayez mis son cœur en a repos. J'ai reçu avec bien de la joie et du respect, les complimens que vous m'avez faits sur la couche de ma fille (la P. d'Harcourt). Croyez, Madame qu'on ne peut vous honorer plus tendrement que je fais.

Madame DE SÉVIGNÉ continue.

Je crains bien que Madame de Coulanges n'aille à Lyon plutôt qu'elle ne voudroit; sa mère se meurt. Je vous demanderai dans quelque tems de quelle manière vous faites votre plan pour venir à Lyon, et de là à Paris. Vous savez ce que vous trouverez à Briare.

Vous faites très-bien de ne plus vous inquiéter, ni pour Maestricht, ni pour Philisbourg : vous admirerez bien comme tout est allé à souhait. J'ai grand regret à la bile que j'ai faite pendant qu'on devoit se battre. Tous vos sentimens sont dignes d'une Romaine; vous êtes la plus jolie femme de France; vous ne perdrez rien avec nous.

Corbinelli a été ici deux jours; il est recouru pour voir le Grand-Maître qui est revenu d'Alby. Il me paroît que Vardes (1) se passe bien de Corbinelli; mais il est fort aise qu'il soit ici son résidant. C'est lui qui maintient l'union entre Madame de Nicolaï (2) et son gendre; c'est lui qui gouverne tous les desseins qu'on a pour la petite (3): tout a relation et se mène par Corbinelli; il dépense très-peu à Vardes, car il est honnête, philosophe et discret. D'un autre côté, Corbinelli aime mieux être ici, à cause de ses infirmités, qu'en Languedoc; et il me semble que voilà ce qui cause le grand séjour qu'il fait à Paris.

La vision de Madame de Soubise a passé plus vite qu'un éclair; tout est raccommodé. On me mande que l'autre jour, au jeu, Quanto avoit la tête appuyée familièrement sur l'épaule de son ami; on crut que cette affectation étoit pour dire, je suis mieux que jamais. Madame de Maintenon est revenue de chez elle: sa faveur est extrême. On dit que M. de Luxembourg a voulu, par sa

(1) François-René du Bec, Marquis de Vardes, exilé en Languedoc pour des intrigues de Cour.

(2) Marie Amelot, belle-mère de M. de Vardes. (3) Marie-Élisabeth du Bec, mariée en 1678 à Louis de Rohan-Chabot, Duc de Rohan.

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conduite, ajouter un dernier trait à l'éloge funèbre de M. de Turenne. On loue, à bride abattue, M.de Schomberg : on lui fait crédit d'une victoire, en cas qu'il eût combattu, et cela produit tout le même effet. La bonne opinion qu'on a de ce Général est fondée sur tant de bonnes batailles gagnées, qu'on peut fort bien croire qu'il auroit encore gagné celle-ci; M. le Prince ne met personne dans son estime à côté de lui.

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Pour ma santé, ma chère enfant, elle est comme vous pouvez la souhaiter; et quand Brancas dit que je n'y songe pas, c'est qu'il voudroit que j'eusse commencé dès le mois de Juillet à mettre mes mains dans la vendange mais je m'en vais faire tous les remèdes que je que je vous ai dit, afin de prévenir l'hiver: j'irai un moment à Paris pour voir la cassette de M. de la Garde. J'ai vu en détail; mais mais je veux voir le tout ensemble. Adieu, ma très-aimable; voilà ma compagnie qui me fait un sabbat horrible. Je m'en vais donc faire mon paquet.

LETTRE 452.

A la même.

A Paris, chez Madame d'Escars, vendredi 4 Septembre 1676.

J'AI dîné à Livry, ma fille; je suis arriyée ici à deux heures; m'y voilà, entourée de tous les beaux habits; le linge me paroît parfaitement beau et bien choisi : en un mot, je suis contente de tout, et je crois que vous le serez aussi : nos étoffes ont très-bien réussi : en vérité, j'ai bien eu de la peine; je suis justement comme le Médecin de Molière, qui s'essuyoit le front pour avoir rendu la parole à une fille qui n'étoit point muette. Mais on ne peut trop remercier la bonne d'Escars; elle étoit toute malade, et cependant, elle s'est appliquée avec un soin extrême à faire cette commission; je n'ai pas voulu que tout partît, sans y jeter au moins les yeux. Je vous écris, et sans voir qui que ce soit, je m'en retourne souper à Livry avec Madame de Coulanges et le bien bon; j'y serai à sept heures ; je n'ai jamais rien vu de si joli que cette proximité. Je reçois un billet de d'Hacqueville qui me croit à Livry; il veut que j'aille à Vichi :

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