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Rheims qui le peut mieux que moi *. Cela réjouit fort tout le monde. Nanteuil (1) d'un autre côté, prioit Sa Majesté de faire commander à M. de Calvo de se laisser peindre. Il fait un cabinet où vous voyez bien qu'il veut lui donner place. Tout ce que vous avez pensé de Maestricht est arrivé, comme l'accomplissement d'une prophétie. Le Roi donna hier matin à M. de Roquelaure le Gouvernement de Guienne : voilà une longue patience récompensée par un admirable présent.

Tout le monde croit que l'étoile de Quanto pâlit. Il y a des larmes, des chagrins, des gaîtés affectées, des bouderies; enfin, ma chère, tout finit. On regarde, on juge, on devine, on croit voir des rayons de lumière sur des visages que l'on trouvoit indignes, il y a un mois, d'être comparés aux autres; on joue fort gaîment, quoique la belle garde sa chambre. Les uns tremblent, les autres rient, les uns souhaitent l'immutabilité, les autres, un changement de théâtre ; enfin,

* Il y a une autre leçon de cette anecdote. C'est ( dit-on) à Madame Dufrênoi, maîtresse du Ministre, que le Roi renvoya cette vieille; ce qui étoit plus plaisant, quoique avec une teinte d'indécence, de plus. (1) Homme célèbre pour les portraits en pastel et pour la gravure.

TOME V.

F

voici le tems d'une crise digne d'attention, s'il faut en croire les plus fins. La petite de Rochefort (1) sera mariée au premier jour à son cousin de Nangis. Elle a douze ans. Si elle a bientôt un enfant, Madame la Chancelière pourra dire: Ma fille, allez dire à votre fille, que la fille de sa fille crie. Madame de Rochefort (2) est cachée dans un Couvent pendant cette noce, et paroît toujours inconsolable.

Vous savez que je revins ici mercredi matin; je me trouve ravie d'y être toute seule ; je me promène, j'ai des livres, j'ai de l'ouvrage, j'ai l'Eglise; enfin, j'en demande pardon à la compagnie qui doit me revenir, je me passe d'elle à merveilles. Mon Abbé est demeuré à Paris, pour parler au vôtre, et le prier de donner à M. Colbert la lettre que lui écrit M. de Grignan, avant que de partir. Si l'Abbé Têtu étoit ici, je me ferois mener en l'absence de l'Abbé de Grignan; mais il est en Touraine : il est vrai qu'il aime fort à n'avoir ni compagnon, ni maître dans les maisons qu'il honore de son estime. Cependant trouvez-vous qu'il n'ait

*

(1) Elle étoit arrière-petite-fille de Madame la Chan. celière Séguier.

(2) Madeleine de Laval-Bois-Dauphin, veuve du Maréchal de Rochefort, mort le 22 Mai 1676,

ni l'un ni l'autre chez notre petite amie (Madame de Coulanges)? Je lui dis tous les jours qu'il faut que le goût qu'il a pour elle soit bien extrême, puisqu'il lui fait avaler, et l'été, et l'hiver, toutes sortes de couleuvres ; car les inquiétudes de la canicule ne sont pas moins désagréables que la présence du carnaval : ainsi toute l'année est une souffrance.

On prétend que cette amie (Madame de Maintenon) de l'amie, n'est plus ce qu'elle étoit, et qu'il ne faut plus compter sur aucune bonne tête, puisque celle-là n'a pas soutenu le tourbillon de ce bon pays. La vôtre est bien admirable de soutenir votre bise avec tant de raison, et même avec tant de gaîté. Quand je vous vois gaie, comme on le voit fort bien dans les lettres, je partage avec vous cette belle et bonne humeur: vous croyez quelquefois me dire des folies; hé, mon Dieu ! c'est bien moi qui en dis sans cesse, et j'en devrois être bien honteuse, moi, qui dois être sage par tant de raisons. Il est vrai que je ne pouvois deviner que vous eussiez appelé la Garde, votre petit cœur ; cette vision est fort bonne : mais je meurs de peur que ce ne soit un présage, et qu'il ne soit bientôt appelé de ce doux nom, bon jeu, bon argent. J'espère bien que

vous me manderez le détail de cette noce! si long-tems attendue. Je suis étonnée qu'il puisse garder si long-tems cette pensée dans sa tête : c'est une étrange perspective pour quelqu'un qui pourroit bien s'en passer. Quand vous dites des folies, il me semble que vous songez à moi : nous avons fort ri à Grignan. Vous me dépeignez très-bien l'Abbé de la Vergne; je meurs d'envie de le voir il n'y a personne dont j'aie entendu de si bonnes louanges. Vous ai-je mandé que Penautier prenoit l'air dans sa prison? Il voit tous ses parens et amis, et passe les jours à admirer les injustices que l'on fait dans le monde : nous l'admirons comme lui.

Madame de Coulanges me mande qu'elle ne reviendra de quatre ou cinq jours, dont elle est au désespoir; qu'il faut qu'elle fasse des pas pour une Intendance qui est vacante; qu'elle doit parler au Roi et à M. Colbert, qui pis est : je lui conseille de prier Sa Majesté, comme la vieille femme, de la faire parler à M. Colbert; et je la prie de n'être ni sourde, ni aveugle en ce pays-là, ni muette, quand elle reviendra ici. Elle me mande, et d'autres aussi, que Madame de Soubise est partie pour aller à Lorges; ce voyage fait grand honneur à sa vertu. On dit qu'il y a eu un bon raccommodement,

peut-être trop bon. M. le Maréchal d'Albret a laissé cent mille francs à Mme. de Rohan; cela sent bien la restitution. Mon fils me mande que les ennemis ont été long-tems fort près de nous; M. de Schomberg s'est approché, ils se sont encore reculés : enfin, ils sont à dix lieues, et bientôt à douze; je n'ai jamais vu de si bons ennemis, je les aime tendrement; voyez la belle chose d'abuser des mots: je n'ai point d'autre manière pour vous dire que je vous aime, que celle dont je me sers pour les confédérés.

A

LETTRE 455.

A la même.

à Livry, mercredi 16 Septembre 1676.

QUOI pensez-vous, ma fille, d'être en peine de cette poudre du bon homme, que j'ai prise? elle m'a fait des merveilles de tous les côtés, et quatre heures après je ne m'en sens pas. Ce remède terrible pour tout le monde, est tellement apprivoisé avec moi, et nous avons si bien fait connoissance en Bretagne, que nous ne cessons de nous donner des marques d'amitié et de confiance, lui par des effets, et moi par des paroles : mais la reconnoissance est le fondement de tout ce beau procédé. Ne soyez point en

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