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lui est arrivé un grand accident, dont il est triste et ne peut se consoler, c'est qu'il a donné à son valet-de-chambre un manteau qui ne lui a servi qu'un an : il croyoit qu'il y en eût deux : ce mécompte est sensible, il est fort bon là-dessus. Pour moi, je le trouve original sur l'économie, comme l'Abbé de la Victoire sur l'avarice.

Voilà une nouvelle de Madame de Castries (1), qui me mande qu'Odescalchi est Pape : vous l'aurez su plutôt que nous. Enfin, voilà donc nos Cardinaux qui revien→ nent; s'ils repassent en Provence, ce sera sitôt , que vous les verrez avant que de partir. Savez-vous que le petit Amonio est présentement en poste sur le chemin de Rome? Son oncle, c'est-à-dire, un autre que celui qui étoit au défunt Pape, est Maître-de-chambre de ce nouveau Pape. Vous voyez bien que voilà sa fortune faite, et qu'il n'a plus besoin de Madame de Chelles, ni de toutes ses Nonnes. Il est vendredi, ma fille, et je serois déjà retournée à Livry, parce qu'il fait divinement beau, et que Madame de Coulanges est hors de tout péril, et dans toute la douceur de sa convalescence, sans que je veux savoir tantôt, si M. de (1) Élisabeth de Bonzi, sœur du Cardinal de ce

nom,

Pompone a fini ce matin notre affaire, afin de vous envoyer sa lettre ce soir. Je veux aussi le remercier, et parler à Parère; après cela, j'aurai l'esprit en repos, et m'en irai demain ou dimanche à Livry.

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Madame de Maintenon vint hier voir Madame de Coulanges; elle témoigna beaucoup de tendresse àcette pauvre malade, et bien de la joie de sa résurrection. L'ami et l'amie avoient été tout hier ensemble: la femme étoit venue à Paris. On dîna ensemble, on ne joua point en public. Enfin, la joie est revenue et tous les airs de la jalousie ont disparu. Comme tout change d'un moment à l'autre, la grande femme est revenue sur l'eau; elle est présentement aussi bien avec la belle qu'elle y étoit mal. Les humeurs sont adoucies; et enfin ce que l'on mande aujourd'hui n'est plus vrai demain : c'est un pays bien opposé à l'immutabilité. Je vous conjure, ma très-chère, de ne point l'imiter sur votre départ, et de songer que nous sommes au 2 Octobre. Pour ma santé, n'en soyez point en peine; Livry, quoi que vous en vouliez dire, va me faire tous les biens du monde, pour le reste du beau tems. Ne dites rien, je vous prie, à T....; mais je l'aime d'avoir voulu vous plaire in ogni modo, en vous disant

qu'il m'a vue cette petite menterie vient d'un fond admirable : ma belle, je ne l'ai pas vu, et je ne pensois pas même qu'il fût à Paris. Langlade a pensé mourir à Frêne de la même maladie que Madame de Coulanges, hors qu'il fut plus mal encore, et qu'on lui donna l'extrême-onction. Madame le Tellier paiera pour tous, elle est très-mal. Adieu, ma chère Comtesse, j'embrasse le Comte et les jolis Pichons; mon Dieu, que tout cela m'est cher ! Je vous exhorte à lire le Père le Bossu; il a fait un petit Traité de l'Art poétique (1), que Corbinelli met cent piques au-dessus de celui de Despréaux.

(1) On ne voit point qu'il y ait aucun rapport entre les deux Ouvrages dont il s'agit. L'un écrit en prose est un Traité même assez étendu sur le Poëme épique en particulier; et l'autre, écrit en vers, embrasse la Poésie en général, mais d'une manière fort abrégée, et dans le goût de l'Art poétique d'Horace de sorte que l'Ouvrage du Père le Bossu peut être estimé et loué avec justice, sans qu'on doive pour cela le mettre au-.. dessus de l'Art Poétique de Despréaux, qui est un chef-d'œuvre de Poésie didactique.

TOME V.

I

LETTRE 463.

A la même.

à Livry, mercredi 7 Octobre 1676.

Je vous écris un peu à l'avance, comme on dit en Provence, pour vous dire que je revins ici dimanche, afin d'achever le beau tems et de me reposer. Je m'y trouve trèsbien, et j'y fais une vie solitaire qui ne me déplaît pas, quand c'est pour peu de tems. Je vais aussi faire quelques petits remèdes à mes mains, purement pour l'amour de vous, car je n'ai pas beaucoup de foi; et c'est tou jours dans cette vue de vous plaire que je me conserve, étant très persuadée que l'heure de ma mort ne peut ni s'avancer, ni reculer; mais je suis les conduites ordinaires de la bonne petite prudence humaine, croyant même que c'est par elle qu'on arrive aux ordres de la Providence. Ainsi, ma fille, je ne négligerai rien, puisque tout me paroît comme une obéissance nécessaire. Voilà qui est bien sérieux ; mais voici la suite de mon séjour à Paris de près de quinze jours: vous savez ce que je fis le vendredi, et comme j'allai chez M. de Pompone. Nous avons trouvé, M. d'Hacqueville et moi, que vous devez être contens du

règlement, puisqu'enfin le Roi veut que le Lieutenant soit traité comme le Gouver neur: voilà une grande affaire. Le samedi, M. et Madame de Pompone, Madame de Vins, d'Hacqueville et l'Abbé de Feuquières vinrent me prendre pour aller nous promener à Conflans. Il faisoit très-beau. Nous trouvâmes cette maison cent fois plus belle que du tems de M. de Richelieu. Il y a six fontaines admirables, dont la machine tire l'eau de la rivière, et ne finira que lorsqu'il n'y aura pas une goutte d'eau. On pense avec plaisir à cette eau naturelle, et pour boire, et pour se baigner quand on veut, M. de Pompone étoit gai; nous causâmes et nous rîmes extrêmement. Avec sa sagesse, il trouvoit partout un air de cathédrale (1) qui nous réjouissoit beaucoup. Cette petite partie nous fit plaisir à tous ; vous n'y fûtes point oubliée.

La vision de la bonne femme passe à vue d'oeil, mais c'est sans croire qu'il y ait plus autre chose que la crainte qui attache à Quanto. Pour le voyage de M. de Marsillac gardez-vous bien d'y entendre aucune finesse, il a été fort court. M. de Marsillac est aussi bien que jamais auprès du Roi : il ne

(1) La maison dont il s'agit appartient aux Archevêques de Paris.

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