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que les bords de cette mer fussent habités par des nations civilisées. Néarque et Onésicrite ont fait le journal de cette navigation, qui fut de dix mois. Ils arrivèrent à Suse; ils y trouvèrent Alexandre qui donnoit des fêtes à son armée.

Ce conquérant avoit fondé Alexandrie dans. la vue de s'assurer de l'Égypte; c'étoit une clef pour l'ouvrir, dans le lieu même a où les rois ses prédécesseurs avoient une clef pour la fermer; et il ne songeoit point à un commerce dont la découverte de la mer des Indes pouvoit seule lui faire naître la pensée.

Il paroît même qu'après cette découverte il n'eut aucune vue nouvelle sur Alexandrie. Il avoit bien en général le projet d'établir un com. merce entre les Indes et les parties occidentales de son empire; mais, pour le projet de faire ce commerce par l'Egypte, il lui manquoit trop de connoissances pour pouvoir le former. Il avoit vu l'Indus, il avoit vu le Nil; mais il ne connoissoit

auroit-il pu leur donner la subsistance? Comment se seroit-il fait obéir? Il ne peut être ici question que de quelques peuples particuliers. Néarque, dans le livre rerum indicarum, dit qu'à l'extrêmité de cette côte, du côté de la Perse, il avoit trouvé 1 es peuples moins Ichthyophages. Je croirois que l'ordre d'Alexandre regardoit cette contrée, ou quelque autre encore plus voisine de la Perse.

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a Alexandrie fut fondée dans une place appelée Racotis. Les anciens rois y tenoient une garnison pour défendre l'entrée du pays aux étrangers, et sur-tout aux Grecs, qui étoient, comme on sait, de grands pirates. Voyez Pline, liv. VI, chap. X; et Strabon, liv. XVIII.

point les mers d'Arabie, qui sont entre deux. A peine fut-il arrivé des Indes, qu'il fit construire de nouvelles flottes, et navigua a sur l'Euléus, le Tigre, l'Euphrate, et la mer: il ôta les cataractes. que les Perses avoient mises sur ces fleuves: il découvrit que le sein persique étoit un golfe de l'océan, Comme il alla reconnoître b cette mer, ainsi qu'il avoit reconnu celle des Indes; comme il fit construire un port à Babylone pour mille vaisseaux, et des arsenaux; comme il envoya cinq cents talents en Phénicie et en Syrie pour en faire venir des nautonniers qu'il vouloit placer dans les colonies qu'il répandoit sur les côtes; comme enfin il fit des travaux immenses sur l'Euphrate et les autres fleuves de l'Assyrie, on ne peut douter que son dessein ne fût de faire le commerce des Indes par Babylone et le golfe persique.

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Quelques gens, sous prétexte qu'Alexandre vouloit conquérir l'Arabie © ont dit qu'il avoit formé le dessein d'y mettre le siège de son empire mais comment auroit-il choisi un lieu qu'il ne connoissoit pas?id D'ailleurs c'étoit le pays du monde le plus incommode: il se seroit séparé de son empire. Les califes, qui conquirent au loin, quittèrent d'abord l'Arabie pour s'établir ailleurs.

a Arrieu, de exped. Alexandri; liv. VII,

b Ibid.

c Strabon, liv. XVI, à la fin.

d Voyant la Babylonie inondée, il regardoit l'Arabie, qui en est proche, comme une jisle. Aristobule, dans Strabon,

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CHAPITRE IX.

Du commerce des rois grecs après Alexan dre.

LORSQU VORSQUE Alexandre conquit l'Égypte, on connoissoit très-peu la mer rouge, et rien de cette partie de l'océan qui se joint à cette mer, et qui baigne d'un côté la côte d'Afrique, et de l'autre celle de l'Arabie on crut même depuis qu'il étoit impossible de faire le tour de la presqu'isle d'Arabie. Ceux qui l'avoient tenté de chaque côté avoient abandonné leur entreprise. On disoita: Comment seroit-il possible de naviguer au midi des côtes de l'Arabie, puisque ,, l'armée de Cambyse, qui la traversa du côté du nord, périt presque toute; et celle que Pto,, lémée, fils de Lagus, envoya au secours de Séleucus Nicanor à Babylone, souffrit des maux ,, incroyables, et, à cause de la chaleur, ne put marcher la nuit ? que

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Les Perses n'avoient aucune sorte de navigation. Quand ils conquirent l'Égypte, ils y apportèrent le même esprit qu'ils avoient eu chez eux; et la négligence fut si extraordinaire, que les rois grecs trouvèrent que non-seulement les navigations des Tyriens, des Iduméens et des Juifs, dans l'océan, étoient ignorées, mais que celles même de la mer rouge l'étoient. Je crois que

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a Voyez le livre rerum indicarum. イ

la destruction de la première Tyr par Nabuchodonosor, et celle de plusieurs petites nations et villes voisines de la mer rouge, firent perdre les connoissances que l'on avoit acquises.

L'Égypte, du temps des Perses, ne confinoit point à la mer rouge: elle ne contenoit a que cette lisière de terre longue et étroite que le Nil couvre par ses inondations, et qui est resserrée des deux côtés par des chaînes de montagnes. Il fallut donc découvrir la mer rouge une seconde fois, et l'océan une seconde fois; et cette découverte appartint à la curiosité des rois grecs.

On remonta le Nil; on fit la chasse des éléphants dans les pays qui sont entre le Nil et la mer; on découvrit les bords de cette mer par les terres et, comme cette découverte se fit sous les Grecs, les noms en sont grecs, et les temples sont consacrés à des divinités grecques.

Les Grecs d'Égypte purent faire un commerce très-étendu; ils étoient maîtres des ports de la mer rouge: Tyr, rivale de toute nation commerçante, n'étoit plus; ils n'étoient point gênés par les anciennes superstitions du pays; l'Égypte étoit,

devenue le centre de l'univers.

Les rois de Syrie laissèrent à ceux d'Égypte le commerce méridional des Indes, et ne s'attacherent qu'à ce commerce septentrional qui se faisoit par l'Oxus et la mer Caspienne. On croyoit,

a Strabon, liv. XVI.

b Ibid.

• Elles leur donnoient de l'horreur pour les étrangers.

dans ces temps-là, que cette mer était une partie de l'océan septentrional a: et Alexandre, quelque temps avant sa mort, avoit fait construire b une flotte pour découvrir si elle communiquoit à F'océan par le Pont-Euxin, ou par quelque autre mer orientale vers les Indes. Après lui, Séleucus et Antiochus eurent une attention particu lière à la reconnoître ils y entretinrent des flottes. Ce que Séleucus reconnut fut appelé mer Séleucide; ce qu'Antiochus découvrit fut appelé mer Anthiochide. Attentifs aux projets qu'ils

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pouvoient avoir de ce côté-là, ils négligèrent les mers du midi; soit que les Ptolémée, par leurs flottes sur la mer rouge, s'en fussent déjà procuré l'empire, soit qu'ils eussent découvert dans les Perses un éloignement invincible pour la marine. La côte du midi de la Perse ne fournissoit point de matelots; on n'y en avoit vu que dans les derniers moments de la vie d'Alexandre. Mais les rois d'Égypte, maîtres de l'isle de Chypre, de la Phenicie, et d'un grand nombre de places sur les côtes de l'Asie mineure, avoient toutes sortes de moyens pour faire des entreprises de mer. Ils n'avoient point à contraindre le génie de leurs sujets; ils n'avoient qu'à le suivre.

a Pline, liv. II, chap. LXVIII; et liv. VI, chap. IX et XII. Strabon, liv. XI; Arrien, de l'expéd. d'Alexandre, liv. III, page 74; et liv. V, page 104.

b Arrien, de l'expéd. d'Alex., liv. VII.

c Pline, liv. II, chap. LXIV.

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