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Strabon dita que l'on négocioit ainsi avec les peuples de la Taprobane.

CHAPITRE X.

Du tour de l'Afrique.

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N trouve dans l'histoire qu'avant la découverte de la boussole on tenta quatre fois de faire le tour de l'Afrique. Des Phéniciens, envoyés par Néchobet Eudoxe, fuyant la colère de PtoléméeLature, partirent de la mer rouge, et réussirent. Satasped sous Xerxès, et Hannon qui fut envoyé par les Carthaginois, sortirent des colonnes d'Hercule, et ne réussirent pas.

Le point capital, pour faire le tour de l'Afrique, étoit de découvrir et de doubler le cap de Bonne-Espérance. Mais, si l'on partoit de la mer rouge, on trouvoit ce cap de la moitié du chemin plus près qu'en partant de la Méditerranée: la côte qui va de la mer rouge au cap est plus saine que celle qui va du cap aux colonnes d'Hercule. Pour que ceux qui partoient des colonnes d'Hercule

a Liv. XV.

b Hérodote, liv. IV. Il vouloit conquérir.

c Pline, liv. II, chap. LXVII; Pomponius Mela, liv. III, chap. IX.

d Hérodote, in Melpomene.

e Joignez à ceci ce que je dis au chap. XI de ce livre sur la navigation d'Hannon.

d'Hercule aient pu découvrir le cap', il a fallu l'invention de la boussole, qui a fait que l'on a quitté la côte d'Afrique, et qu'on a navigué dans le vaste océan a pour aller vers l'isle de SainteHélène ou vers la côte du Brésil. Il étoit donc très-possible qu'on fût allé de la mer rouge dans la Méditerranée, sans qu'on fût revenu de la Méditerranée à la mer rouge.

Ainsi, sans faire ce grand circuit, après lequel on ne pouvoit plus revenir, il étoit plus naturel de faire le commerce de l'Afrique orientale par la mer rouge, et celui de la côte occidentale par les colonnes d'Hercule..

Les rois grecs d'Égypte découvrirent d'abord, dans la mer rouge, la partie de la côte d'Afrique qui va depuis le fond du golfe où est la cité d'Heroum jusqu'à Dira, c'est-à-dire, jusqu'au détroit appelé aujourd'hui de Babelmandel. Delà, jusqu'au promontoire des Aromates, situé à l'entrée de la mer rouge b, la côte n'avoit point été reconnue par les navigateurs; et cela est clair par ce que nous dit Artémidore, que l'on

a On trouve dans l'océan atlantique, aux mois d'octobre, novembre, décembre et janvier, un vent de nord-est. On passe la ligne; et, pour éluder le vent général d'est, on dirige sa route vers le sud, ou bien on entre dans la zone torride, dans les lieux où le vent souffle de l'ouest à l'est.

b Ce golfe, auquel nous donnons aujourd'hui ce nom, étoit appelé par les anciens le sein arabique: ils appeloient la mer rouge, la partie de l'océan voisine de ce golfe.

• Strabon, livre XVI,

connoissoit les lieux de cette côte, mais qu'on en ignoroit les distances; ce qui venoit de 'ce qu'on avoit successivement connu ces ports par les terres, et sans aller de l'un à l'autre.

Au-delà de ce promontoire, où commence la côte de l'océan, on ne connoissoit rien, comme nous a l'apprenons d'Eratosthène et d'Artémidore.

Telles étoient les connoissances que l'on avoit des côtes d'Afrique, du temps de Strabon, c'està-dire, du temps d'Auguste. Mais, depuis Auguste, les Romains découvrirent le promontoire Raptum et le promontoire Prassum, dont Strabon ne parle pas, parce qu'ils n'étoient pas encore connus. On voit que ces deux noms sont romains.

Ptolémée le géographe vivoit sous Adrien et Antonin Pie; et l'auteur du Périple de la mer Étythrée, quel qu'il soit, vécut peu de temps après. Cependant le premier borne l'Afrique connue au promontoire Prassum, qui est environ au quatorzième degré de latitude sud; et l'auteur du Périple au promontoire Raptum, qui est à-peu-près au dixième degré de cette latitude. Il y a apparence que celui-ci prenoit pour limite un lieu où l'on alloit, et Ptolémée un lieu où l'on n'alloit plus.

c

a Strabon, liv. XVI. Artémidore bornoit la côte connue au lieu appelé Austricornu; et Eratosthène ad Cinnamomiferam.

b Strabon, liv. I, chap. VII; liv. IV, chap. IX; table IV de l'Afrique.

c On a attribué ce Périple à Arrien.

Ce qui me confirme dans cette idée', c'est que les peuples autour du Prassum étoient anthropophages. Ptolémée, qui nous parle d'un grand nombre de lieux entre le port des Aromates et le promontoire Raptum, laisse un vuide total depuis le Raptum jusqu'au Prassum. Les grands profits de la navigation des Indes purent faire né. gliger celle d'Afrique. Enfin, les Romains n'èurent jamais sur cette côte de navigation réglée : ils avoient découvert ces ports par les terres et par des navires jetés par la tempête; et comme aujourd'hui on connoît assez bien les côtes de l'Afrique, et très-mal l'intérieur, les anciens connoissoient assez bien l'intérieur, et très-mal les côtes.

J'ai dit que les Phéniciens, envoyés par Né cho et Eudoxe sous Ptolémée-Lature, avoient fait le tour de l'Afrique : il faut bien que, du temps de Ptolémée le géographe, ces deux navigations fussent regardées comme fabuleuses, puisqu'il placed, depuis le sinus magnus, qui est, je crois, le golfe de Siam, une terre inconnue, qui va d'Asie en Afrique, aboutir au promontoire Prassum; de sorte que la mer des Indes n'auroit

a Ptolémée, liv. IV, chap. IX.
Liv. IV, chap. Vil et VIII.

et Ptolémée nous

c Voyez avec quelle exactitude Strabon décrivent les diverses parties de l'Afrique. Ces connoissances venoient des diverses guerres que les deux plus puissantes nations du monde, les Carthaginois et les Romains, avoient eues avec les peuples d'Afrique, des alliances qu'ils avoient contractées, du commerce qu'ils avoient fait dans les terres.

a Liv. VII, chap. III.

été qu'un lac. Les anciens qui reconnurent les Indes par le nord, s'étant avancés vers l'orient, placérent vers le midi cette terre inconnue.

CHAPITRE XI.

CARTHA

Carthage et Marseille.

par

ARTHAGE avoit un singulier droit des gens; elle faisoit a noyer tous les étrangers qui trafiquoient en Sardaigne et vers les colonnes d'Herculę. Son droit politique n'étoit pas moins extraordinaire; elle défendit aux Sardes de cultiver la terre sous peine de la vie. Elle accrut sa puissance par ses richesses, et ensuite ses richesses sa puissance maîtresse des côtes d'Afrique que, baigne la Méditerranée, elle s'étendit le long de celles de l'océan. Hannon, par ordre du sénat de Carthage, répandit trente mille Carthaginois depuis les colonnes d'Hercule jusqu'à Cerné. Il dit que ce lieu est aussi éloigné des colonnes d'Hercule, que les colonnes d'Hercule le sont de Carthage. Cette position est très-remarquable; elle fait voir qu'Hannon borna ses établissements au vingt-cinquième degré de latitude nord, c'est-à dire, deux ou trois degrés au-delà des isles Canaries, vers le sud.

Hannon, étant à Cerné, fit une autre navigation, dont l'objet étoit de faire des découvertes

a

Eratosthène, dans Straben, liv. XVII, page 802.

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