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Julien, qui ne les redoutèrent jamais, en rétablirent la plantation.

Je sais bien que, dans la foiblesse de l'empire, les barbares obligèrent les Romains d'établir des étapes a et de commercer avec eux. Mais cela même prouve que l'esprit des Romains étoit de ne pas commercer.

CHAPITRE XV I. ·

Du commerce des Romains avec l'Arabie et les Indes.

Lix négoce de l'Arabie heureuse et celui des In

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des furent les deux branches et presqué les seules du commerce extérieur. Les Arabes avoient de grandes richesses; ils les tiroient de leurs mers et de leurs forêts; et, comme ils achetoient peu et vendoient beaucoup, ils attiroient à eux l'or et l'argent de leurs voisins. Auguste Auguste connut leur opulence, et il résolut de les avoir pour amis ou pour ennemis. Il fit passer Elius Gallus d'Égypte en Arabie. Celui-ci trouva des peuples oisifs, tranquilles et peu aguerris; il donna des batailles, fit des sièges, et ne perdit que sept soldats; mais la perfidie de ses guides, les marches, le climat, la faim, la soif, les maladies

a Voyez les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains.

b Pline, liv. VII, chap. XXVIII; et Strabon, liv. XVI.

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des mesures mal prises, lui firent perdre son

armée.

Il fallut donc se contenter de négocier avec les Arabes, comme les autres peuples avoient fait, c'est-à-dire, de leur porter de l'or et de l'argent pour leurs marchandises. On commerce encore avec eux de la même manière; la caravane d'Alep et le vaisseau royal de Suez y portent des sommes immenses a.

La nature avoit destiné les Arabes au commerce; elle ne les avoit pas destinés à la guerre : mais, lorsque ces peuples tranquilles se trouvèrent sur les frontières des Parthes et des Romains, ils devinrent auxiliaires des uns et des autres. Elfus Gallus les avoit trouvés commerçants; Mahomet les trouva guerriers; il leur donna de l'enthousiasme, et les voilà conquérants.

Le commerce des Romains aux Indes étoit considérable. Strabon avoit appris en Égypte qu'ils y employoient cent vingt navires: ce commerce ne se soutenoit encore que par leur argent. Ils y envoyoient tous les ans cinquante millions de sesterces. Pline dit que les marchandises qu'on en rapportoit se vendoient à Rome le centuple. Je crois qu'il parle trop généralement ce profit fait une fois, tout le monde

a Les caravanes d'Alep et de Suez y portent deux millions de notre monnoie, et il en passe autant en fraude: le vaisseau royal de Suez y porte aussi deux millions.

b Liv. II, page 81.

c Liv. VII, chap, XXIII.

aura voulu le faire; et, dès ce moment, personne ne l'aura fait.

On peut mettre en question s'il fut avantageux aux Romains de faire le commerce de l'Arabie et des Indes. Il falloit qu'ils y envoyassent leur argent, et ils n'avoient pas comme nous la ressource de l'Amérique, qui supplée à ce que nous envoyons. Je suis persuadé qu'une des raisons qui firent augmenter chez eux la valeur numéraire des monnoiés, c'est-à-dire, établir le billon, fut la rareté de l'argent, causée par le transport continuel qui s'en faisoit aux Indes; que si les marchandises de ce pays se vendoient à Rome le centuple, ce profit des Romains se faisoit sur les -Romains mêmes, et n'enrichissoit point l'empire.

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On pourră dire, d'un autre côté, que ce commerce procuroit aux Romains une grande navigation, c'est-à-dire, une grande puissance; que des marchandises nouvelles augmentoient le commerce intérieur favorisoient les arts, entretenoient l'industrie; que le nombre des citoyens se multiplioit à proportion des nouveaux moyens qu'on avoit de vivre; que ce nouveau commerce produisoit le luxe, que nous avons prouvé être aussi favorable au gouvernement d'un seul que fatal à celui de plusieurs; que cet établissement fut de même date que la chûte de leur république; que le luxe à Rome étoit nécessaire, et qu'il falloit bien qu'une ville qui attiroit à elle toutes les richesses de l'univers, les rendit par son luxe.

Strabona dit que le commerce des Romains aux Indes étoit beaucoup plus considérable que celui des rois d'Égypte; et il est singulier que les Romains, qui connoissoient peu le commerce, aient eu pour celui des Indes plus d'attention que n'en eurent les rois d'Égypte, qui l'avoient, pour ainsi dire, sous les yeux. Il faut expliquer ceci.

Après la mort d'Alexandre, les rois d'Égypte établirent aux Indes un commerce maritime; et les rois de Syrie, qui eurent les provinces les plus orientales de l'empire, et par conséquent les Indes, maintinrent ce commerce, dont nous avons parlé au chapitre VI, qui se faisoit par les terres et par les fleuves, et qui avoit reçu de nouvelles facilités par l'établissement des colonies macédoniennes; de sorte que l'Europe communiquoit avec les Indes, et par l'Égypte, et par le royaume de Syrie. Le démembrement qui se fit du royaume de Syrie, d'où se forma celui de Bactriane ne fit aucun tort à ce commerce. Marin, Tyrien, cité par Ptolémée b, parle des découvertes faites aux Indes par le moyen de quelques marchands macédoniens. Celles que les expéditions des rois n'avoient pas faites, les marchands les firent. Nous voyons dans Ptolémée qu'ils allèrent

a Il dit, au liv. XII, que les Romains y employoient cent vingt navires; et au liv. XVII, que les rois grecs y en envoyoient à peine vingt.

b Liv. I, chap. II.

e Liv. VI, chap. XIII.

depuis la tour de Pierrea jusqu'à Séra; et la découverte faite par les marchands d'une étape si reculée, située dans la partie orientale et septentrionale de la Chine, fut une espèce de prodige. Ainsi, sous les rois de Syrie et de Bactriane, les marchandises du midi de l'Inde passoient par l'Indus, l'Oxus et la mer Caspienne, en occident; et celles des contrées plus orientales et plus septentrionales étoient portées depuis Séra, la tour de Pierre et autres étapes, jusqu'à l'Euphrate. Ces marchands faisoient leur route, tenant à-peuprès le quarantième degré de latitude nord, par des pays qui sont au couchant de la Chine, plus policés qu'ils ne sont aujourd'hui, parce que les Tartares ne les avoient pas encore infestés.

Or, pendant que l'empire de Syrie étendoit si fort son commerce du côté des terres, I'Égypte n'augmenta pas beaucoup son commerce maritime.

Les Parthes parurent, et fondèrent leur empire; et, lorsque l'Égypte tomba sous la puissance des Romains, cet empire étoit dans sa force, et avoit reçu son extension.

Les Romains et les Parthes furent deux puissances rivales, qui combattirent, non pas pour savoir qui devoit régner, mais exister. Entre les deux empires, il se forma des déserts; entre les deux empires, on fut toujours sou les armes :

a Nos meilleures cartes placent la tour de Pierre au centième degré de longitude, et environ le quarantième de latitude.

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