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bien loin qu'il y eut du commerce, il n'y eut pas même de communication. L'ambition, la jalousie, la religion, la haine, les moeurs, séparèrent tout.. Ainsi le commerce entre l'occident et l'orient, qui avoit eu plusieurs routes, n'en eut plus qu'une: et Alexandrie étant devenue la seule étape, cette étape grossit.

Je ne dirai qu'un mot du commerce intérieur. Sa branche principale fut celle des bleds qu'on' faisoit venir pour la subsistance du peuple de Rome: ce qui étoit une matière de police plutôt qu'un objet de commerce. A cette occasion, les nautonniers reçurent quelque privilège 3, parce' que le salut de l'empire dépendoit de leur vi gilance.

a

CHAPITRE X VI I

Du commerce après la destruction des Romains en occident.

L'EMPIRE

EMPIRE romain fut envahi; et l'un des effets de la calamité générale fut la destruction du commerce. Les barbares ne le regardèrent d'abord que comme un objet de leurs brigandages; et, quand ils furent établis, ils ne l'honorèrent pas plus que l'agriculture et les autres professions du peuple vaincu.

a Suet. in Claudio. Leg. VII, Cod. Theodos. de naviculariis.

Bientôt il n'y eut presque plus de commerce en Europe; la noblesse, qui régnoit par-tout, ne s'en mettoit point en peine.

La loi a des Wisigoths permettoit aux particuliers d'occuper la moitié du lit des grands fleuves, pourvu que l'autre restât libre pour les filets et pour les bâteaux; il falloit qu'il y eût bien peu de commerce dans les pays qu'ils avoient conquis.

Dans ces temps-là s'établirent les droits insensés d'aubaine et de naufrage: les hommes pensèrent que les étrangers ne leur étant unis par aucune communication du droit civil, ils ne leur devoient d'un côté aucune sorte de justice, et de l'autre aucune sorte de pitié.

Dans les bornes étroites où se trouvoient les peuples du nord, tout leur étoit étranger: dans leur pauvreté, tout étoit pour eux un objet de richesses. Etablis avant leurs conquêtes sur les côtes d'une mer resserrée et pleine d'écueils, ils avoient tiré parti de ces écueils mêmes.

Mais les Romains, qui faisoient des lois pour tout l'univers, en avoient fait de très-humaines sur les naufrages b: ils réprimèrent à cet égard les brigandages de ceux qui habitoient les côtes; et, ce qui étoit plus encore, la rapacité de leur fisc c.

a Liv. VIII, tit. IV, §. 9.

b Toto titulo, ff. de incend. ruin. naufrag. et Cod. de naufrag. et leg. III, ff. de leg. Cornel. de sicariis.

c Leg. I, Cod. de naufragiis.

CHAPITRE XVIII.

Réglement particulier.

La loi des Wisigoths fit pourtant une dispo

sition favorable au commerce; elle ordonna que les marchands qui venoient de delà la mer seroient jugés, dans les différents qui naissoient entre eux, par les lois et par des juges de leur nation. Ceci étoit fondé sur l'usage établi chez tous ces peuples mêlés, que chaque homme vécut sous sa propre loi; chose dont je parlerai beaucoup dans la suite.

CHAPITRE X I X.

Du commerce depuis l'affoiblissement des Romains en orient.

LES mahométans parurent, conquirent, et se divisèrent. L'Égypte eut ses souverains parti

culiers elle continua de faire le commerce des Indes. Maîtresse des marchandises de ce pays, elle attira les richesses de tous les autres. Ses soudans furent les plus puissants princes de ces tempslà on peut voir dans l'histoire comment, avec une force constante et bien ménagée, ils arrêtèrent l'ardeur, la fougue, et l'impétuosité des croisés.

:

a Liv. XI, tit. III, §. 2.

CHAPITRE X X.

Comment le commerce se fit jour en Europe à tra vers la barbarie.

LA

JA philosophie d'Aristote ayant été portée en occident, elle plut beaucoup aux esprits subtils, qui, dans les temps d'ignorance, sont les beaux esprits. Des scholastiques s'en infatuèrent, et prirent de ce philosophe a bien des explications sur le prêt à intérêt, au lieu que la source en étoit si naturelle dans l'évangile; ils le condamnèrent indistinctement et dans tous les cas. Parlà le commerce, qui n'étoit que la profession des gens vils, devint encore celle des mal-honnêtes gens; car, toutes les fois que l'on défend une chose naturellement permise ou nécessaire, on ne fait que rendre mal-honnêtes gens ceux qui la font.

lors

Le commerce passa à une nation pour couverte d'infamie; et bientôt il ne fut plus distingué des usures les plus affreuses, des monopoles, de la levée des subsides, et de tous les moyens mal-honnêtes d'acquérir de l'argent.

Les Juifs b enrichis par leurs exactions étoient pillés par les princes avec la même tyrannie:

a Voyez Aristote, Polit. liv. I, chap. IX et X.

b Voyez dans Marca Hispanica les constitutions d'Aragon des années 1228 et 1231; et dans Brussel, l'accord de l'année 1206, passé entre le roi, la comtesse de Champagne, et Guy de Dampierre.

chose qui consoloit les peuples, et ne les soulageoit pas.

Ce qui se passa en Angleterre donnera une idée de ce qu'on fit dans les autres pays. Le roi Jeana ayant fait emprisonner les Juifs pour avoir leurs biens, il y en eut peu qui n'eussent au moins quelque oeil crevé : ce roi faisoit ainsi sa chambre de justice. Un d'eux, à qui on arracha sept dents, une chaque jour, donna dix mille marcs d'argent à la huitième. Henri III tira d'Aaron, Juif d'Yorck, quatorze mille marcs d'argent, et dix mille pour la reine. Dans ces temps-là, on faisoit violemment ce qu'on fait aujourd'hui en Pologne avec quelque mesure. Les rois, ne pouvant fouiller dans la bourse de leurs sujets à cause de leurs privilèges, mettoient à la torture les Juifs, qu'on ne regardoit pas comme citoyens.

Enfin, il s'introduisit une coutume qui confisqua tous les biens des Juifs qui embrassoient le christianisme. Cette coutume si bizarre, nous la savons par la loi b qui l'abroge. On en a donné des raisons bien vaines; on a dit qu'on vouloit les éprouver, et faire en sorte qu'il ne restât rien de l'esclavage du démon. Mais il est visible que cette confiscation étoit une espèce de droit "

Slowe, in his survey of London, liv. III, page 50. b Edit donné à Basville le 4 avril 1392.

c En France, les Juifs étoient serfs, main-mortables, et les seigneurs leur succédoient. M. Brussel rapporte un accord de l'an 1206, entre le roi et Thibaut comte de Champagne, par

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