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baissé les denrées à Antioche, y causa une af

freuse famine.

CHAPITRE

VIII.

Continuation du même sujet.

Les noirs de la côte d'Afrique ont un signe des

valeurs sans monnoie; c'est un signe purement idéal, fondé sur le degré d'estime qu'ils mettent dans leur esprit à chaque marchandise, à proportion du besoin qu'ils en ont. Une certaine denrée où marchandise vaut trois macutes, une autre six macutes, une autre dix macutes; c'est comme s'ils disoient simplement trois, six, dix. Le prix se forme par la comparaison qu'ils font de toutes les marchandises entre elles; pour lors il n'y a point de monnoie particulière, mais chaque portion de marchandise est monnoie de l'autre.

Transportons pour un moment parmi nous cette manière d'évaluer les choses, et joignons-la avec la nôtre; toutes les marchandises et denrées du monde, ou bien toutes les marchandises ou denrées d'un état en particulier, considéré comme séparé de tous les autres, vaudront un certain nombre de macutes; et, divisant l'argent de cet état en autant de parties qu'il y a de macutes une partie divisée de cet argent sera le signe d'une

macute.

Si l'on suppose que la quantité de l'argent d'un état double, il faudra pour une macute le double de l'argent; mais si en doublant l'argent vous doublez aussi les macutes, la proportion reştera telle qu'elle étoit avant l'un et l'autre doublement.

Si depuis la découverte des Indes l'or et l'argent ont augmenté en Europe, à raison d'un à vingt, le prix des denrées et marchandises auroit dû monter à raison d'un à vingt mais si d'un autre côté le nombre des marchandises à augmenté comme un à deux, il faudra que le prix de ces marchandises et denrées ait haussé d'un côté en raison d'un à vingt, et qu'il ait baissé en raison d'un à deux, et qu'il ne soit par conséquent qu'en raison d'un à dix.'

La quantité de marchandises et denrées croît par une augmentation de commerce, l'augmentation de commerce par une augmentation d'argent qui arrive successivement, et par de nouvellés communications, par de nouvelles terres et de nouvelles mers, qui nous donnent de nou velles denrées et de nouvelles marchandises.

CHAPITRE I X.

De la rareté relative de l'or et de l'argent.

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UIRE l'abondance et la rareté positive de l'or et de l'argent, il y a encore une abondance et une rareté relatives d'un de ces métaux à l'autre.

L'avarice garde l'or et l'argent, parce que, comme elle ne veut pas consommer, elle aime des signes qui ne se détruisent point. Elle aime mieux garder l'or que l'argent, parce qu'elle craint toujours de perdre, et qu'elle peut mieux cacher ce qui est en plus petit volume. L'or disparoît donc quand l'argent est commun, parce que chacun en a pour le cacher; il reparoît quand l'argent est rare, parce que l'on est obligé de le retirer de ses retraites.

C'est donc une règle : l'or est commun quand l'argent est rare, et l'or est rare quand l'argent est commun. Cela fait sentir la différence de l'abon'dance et de la rareté relative d'avec l'abondance et la rareté réelle chose dont je vais beaucoup parler.

C'EST

CHAPITRE X.

Du change.

'EST l'abondance et la rareté relatives des monnoies des divers pays, qui forment ce qu'on appelle le change.

Le change est une fixation de la valeur actuelle et momentanée des monnoies.

L'argent, comme métal, a une valeur comme toutes les autres marchandises; et il a encore une valeur qui vient de ce qu'il est capable de devenir le signe des autres marchandises; et, s'il

n'étoit qu'une simple marchandise, il ne faut pas douter qu'il ne perdît beaucoup de son prix.

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L'argent, comme monnoie, a une valeur que le prince peut fixer dans quelques rapports, et qu'il ne sauroit fixer dans d'autres.

1. Le prince établit une proportion entre une quantité d'argent comme métal et la même quantité comme monnoie: 2°. il fixe celle qui est entre divers métaux employés à la monnoie; 3°. il établit le poids et le titre de chaque pièce de monnoie; enfin il donne à chaque pièce cette valeur idéale dont j'ai parlé. J'appellerai la valeur de la monnoie dans ces quatre rapports, valeur positive, parce qu'elle peut être fixée par nne loi.

Les monnoies de chaque état ont de plus une valeur relative dans le sens qu'on les compare avec les monnoies des autres pays : c'est cette valeur relative que le change établit. Elle dépend beaucoup de la valeur positive. Elle est fixée par l'estime la plus générale des négociants, et ne peut l'être par l'ordonnance du prince, parce qu'elle varie sans cesse, et dépend de mille circonstances.

Pour fixer la valeur relative, les diverses nations se régleront beaucoup sur celle qui a le plus d'argent. Si elle a autant d'argent que toutes les autres ensemble, il faudra bien que chacune aille se mesurer avec elle; ce qui fera qu'elles se régleront à-peu-près entre elles, comme elles se sont mesurées avec la nation principale.

Dans l'état actuel de l'univers, c'est la Hollande a qui est cette nation dont nous parlons. Examinons le change par rapport à elle.

Il y a en Hollande une monnoie qu'on appelle un florin : le florin vaut vingt sous, ou quarante demi-sous, ou gros. Pour simplifier les idées, imaginons qu'il n'y ait point de florins en Hollande, qu'il n'y ait que des gros: un homme qui aura mille florins, aura quarante mille gros, ainsi du reste. Or, le change avec la Hollande consiste à savoir combien vaudra de gros chaque pièce de monnoie des autres pays; et comme l'on compte ordinairement en France par écu de trois livres, le change demandera combien un écu de trois livres vaudra de gros. Si le change est à cinquante-quatre, l'écu de trois livres vaudra cinquante-quatre gros; s'il est à soixante, il vaudra soixante gros; si l'argent est rare en France, l'écu de trois livres vaudra plus de gros; s'il est en abondance, il vaudra moins de gros.

Cette rareté ou cette abondance, d'où résulte la mutation du change, n'est pas la rareté ou l'abondance réelle; c'est une rareté ou une abondance relative: par exemple, quand la France a plus besoin d'avoir des fonds en Hollande que les Hollandais n'ont besoin d'en avoir en France, l'argent est appelé commun en France, et rare en Hollande, et vice versa.

a Les Hollandais réglent le change de presque toute l'Europe par une espèce de délibération entre eux, selon qu'il convient à leurs intérêts.

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