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la proportion entre les métaux qui servoient de

monnoie.

La paix qui termina la première guerre punique avoit laissé les Romains maîtres de la Sicile. Bientôt ils entrèrent en Sardaigne, et ils commencèrent à connoître l'Espagne. La masse de l'argent augmenta encore à Rome: on y fit l'opération qui réduisit le denier d'argent de vingt onces à seize a; et elle eut cet effet, qu'elle remit en proportion l'argent et le cuivre cette proportion étoit comme 1 est à 160; elle fut comme 1 est à 128.

Examinez les Romains, vous ne les trouverez jamais si supérieurs que dans le choix des circonstances dans lesquelles ils firent les biens et les maux.

CHAPITRE XIII.

Opérations sur les monnoies du temps des

empereurs.

DANS les opérations que l'on fit sur les mon

noies du temps de la république, on procéda par voie de retranchement : l'état confioit au peuple ses besoins, et ne prétendoit pas le séduire. Sous les empereurs, on procéda par voie d'alliage ces princes, réduits au désespoir par leurs libéralités mêmes, se virent obligés d'altérer les monnoies; voie indirecte qui diminuoit le mal

a Pline, Hist. nat. liv. XXXIII, art. 13.

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et sembloit ne le pas toucher: on retiroit une partie du don, et on cachoit la main; et, sans parler de diminution de la paie ou des largesses,

elles se trouvoient diminuées.

On voit encore dans les cabinets a des médailles qu'on appelle fourrées, qui n'ont qu'une lame d'argent qui couvre le cuivre. Il est parlé de cette monnoie dans un fragment du livre LXXVII de Dion b.

Didius Julien commença l'affoiblissement. On trouve que la monnoie de Caracalla avoit plus de la moitié d'alliage; celle d'Alexandre Sévère d les deux tiers: l'affoiblissement continue; et, sous Galien, on ne voyoit plus que du cuivre argenté.

On sent que ces opérations violentes ne sauroient avoir lieu dans ces temps-ci; un prince se tromperoit lui-même, et ne tromperoit personne. Le change a appris au banquier à comparer toutes les monnoies du monde, et à les mettre à leur juste valeur le titre des monnoies ne peut plus être un secret. Si un prince commence le billon tout le monde continue, et le fait pour lui; les espèces fortes sortent d'abord, et on les lui renvoie foibles. Si, comme les empereurs romains,

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a Voyez la Science des médailles du P. Joubert, édit. de Paris, 1739, pag. 59.

b Extrait des vertus et des vices.

c Voyez Savot, part. II, chap. XII; et le Journal des savants du 28 juillet 1681, sur une découverte de 50000 médailles. d Id. ibid.

• Id. ibid.

il affoiblissoit l'argent sans affoiblir l'or, il verroit tout-à-coup disparoître l'or, et seroit réduit à son mauvais argent. Le change, comme j'ai dit au livre précédent b, a ôté les grands coups d'autorité, ou du moins le succès des grands coups

d'autorité.

CHAPITRE XIV.

Comment le change gêne les états despotiques.

La Moscovie voudroit descendre de son des

potisme, et ne le peut. L'établissement du commerce demande celui du change, et les opérations du change contredisent toutes ses lois.

En 1745, la czarine fit une ordonnance pour chasser les Juifs, parce qu'ils avoient remis dans les pays étrangers l'argent de ceux qui étoient relégués en Sibérie, et celui des étrangers qui étoient au service. Tous les sujets de l'empire, comme des esclaves, n'en peuvent sortir ni faire sortir leurs biens sans permission. Le change, qui donne le moyen de transporter l'argent d'un pays à un autre, est donc contradictoire aux lois de Moscovie.

Le commerce même contredit ses lois. Le peuple n'est composé que d'esclaves attachés aux terres, ou d'esclaves qu'on appelle ecclésiastiques ou gentilshommes, parce qu'ils sont les seigneurs de ces esclaves. Il ne reste donc guère a Chap. XVI.

personne pour le tiers-état, qui doit former les ouvriers et les marchands.

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Usage de quelques pays d'Italie.

DAN's quelques pays d'Italie on a fait des lois

pour empêcher les sujets de vendre les fonds de terre, pour transporter leur argent dans les pays étrangers. Ces lois pouvoient être bonnes, lorsque les richesses de chaque état étoient tellement à lui, qu'il y avoit beaucoup de difficulté à les faire passer à un autre. Mais, depuis que par l'usage du change les richesses ne sont en quelque façon à aucun état en particulier, et qu'il y a tant de facilité à les transporter d'un pays à un autre, c'est une mauvaise loi que celle qui ne permet pas de disposer pour ses affaires de ses fonds de terre, lorsqu'on peut disposer de son argent. Cette loi est mauvaise, parce qu'elle donne de l'avantage aux effets mobiliers sur les fonds de terre, parce qu'elle dégoûte les étrangers de venir s'établir dans le pays, et enfin parce qu'on peut l'éluder,

CHAPITRE XVI.

Du secours que l'état peut tirer des banquiers.

Les banquiers sont faits pour changer de l'ar

gent, et non pas pour en prêter. Si le prince ne

s'en sert que pour changer son argent, comme il ne fait que de grosses affaires, le moindre profit qu'il leur donne pour leurs remises devient un objet considérable; et, si on lui demande de gros profits, il peut être sûr que c'est un défaut de l'administration. Quand, au contraire, ils sont employés à faire des avances, leur art consiste à se procurer de gros profits de leur argent sans qu'on puisse les accuser d'usure.

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CHAPITRE XVII.

Des dettes publiques.

UELQUES gens ont cru qu'il étoit bon qu'un état dût à lui-même : ils ont pensé que cela multiplioit les richesses en augmentant la circulation.

Je crois qu'on a confondu un papier circulant qui représente là monnoie, ou un papier circulant qui est le signe des profits qu'une compagnie a fait ou fera sur le commerce, avec un papier qui représente une dette. Les deux premiers sont très-avantageux à l'état; le dernier ne peut l'être; et tout ce qu'on peut en attendre, c'est qu'il soit un bon gage pour les particuliers de la dette de la nation, c'est-à-dire, qu'il en procure le paiement. Mais voici les inconvé nients qui en résultent.

1°. Si les étrangers possèdent beaucoup de papier qui représente une dette, ils tirent tous les

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