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par les Pénestes. Il ne devoit y avoir qu'un certain nombre d'hommes libres, pour que les esclaves fussent en état de leur fournir la subsistance. Nous disons aujourd'hui qu'il faut borner le nombre des troupes réglées: or, Lacédémone étoit une armée entretenue par des paysans : il falloit donc borner cette armée; sans cela les hommes libres, qui avoient tous les avantages de la société, se seroient multipliés sans nombre, et les laboureurs auroient été accablés.

Les politiques grecs s'attachèrent donc particulièrement à régler le nombre des citoyens. Platon a le fixe à cinq mille quarante; et il veut que l'on arrête ou que l'on encourage la propagation selon le besoin, par les honneurs, par la honte, et par les avertissements des vieillards; il veut même que l'on règle le nombre des mariages, de manière que le peuple se répare sans que la république soit surchargée.

b

Si la loi du pays, dit Aristotec, défend d'exposer les enfants, il faudra borner le nombre de ceux que chacun doit engendrer. Si l'on a des enfants au-delà du nombre défini par la loi, il conseille de faire avorter la femme avant que le foetus ait vie.

Le moyen infâme qu'employoient les Crétois pour prévenir le trop grand nombre d'enfants est

a Dans ses lois, liv. V.
b République, liv. V.
Polit. liv. VII, ch. XVI

d Ibid.

rapporté par Aristote; et j'ai senti la pudeur effrayée quand j'ai voulu le rapporter.

Il y a des lieux, dit encore Aristote a, où la loi fait citoyens les étrangers, ou les bâtards, ou ceux qui sont seulement nés d'une mère citoyenne; mais dès qu'ils ont assez de peuple, ils ne le font plus. Les sauvages du Canada font brûler leurs prisonniers; mais, lorsqu'ils ont des cabanes vuides à leur donner, ils les reconnoissent. de leur nation.

Le chevalier Petty a supposé, dans ses calculs, qu'un homme en Angleterre vaut ce qu'on le vendroit à Alger. Cela ne peut être bon que pour l'Angleterre : il y a des pays où un homme ne vaut rien; il y en a où il vaut moins que rien.

CHAPITRE X VI I I.

De l'état des peuples avant les Romains.

L'ITALIE, la Sicile, l'Asie mineure, l'Espagne,

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la Gaule, la Germanie, étoient, à-peu-près comme la Grèce, pleines de petits peuples, et regorgeoient d'habitants: on n'y avoit pas besoin de lois pour en augmenter le nombre.

a Polit. liv. III, ch. III.
b Soixante liv. sterlings.

2

CHAPITRE XI X.

TOUTES

Dépopulation de l'univers.

OUTES ces petites républiques furent englouties dans une grande, et l'on vit insensiblement l'univers se dépeupler : il n'y a qu'à voir ce qu'étoient l'Italie et la Grèce avant et après les victoires des Romains.

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On me demandera, dit Tite-Live a, où les Volsques ont pu trouver assez de soldats pour faire la guerre après avoir été si souvent vaincus. ,, Il falloit qu'il y eût un peuple infini dans ces ,, contrées, qui ne seroient aujourd'hui qu'un dé,, sert, sans quelques soldats et quelques esclaves

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, parce

Les oracles ont cessé, dit Plutarque b ,, que les lieux où ils parloient sont détruits; à peine trouveroit-on aujourd'hui dans la Grèce ,, trois mille hommes de guerre.

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Je ne décrirai point, dit Strabon, l'Épire et les lieux circonvoisins, parce que ces pays sont entièrement déserts. Cette dépopulation, qui a commencé depuis long-temps, continue a, tous les jours, de sorte que les soldats romains » ont leur camp dans les maisons abandonnées. "

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a Liv. VI.

b Euvres morales, des oracles qui ont cessé.

ẹ Liv. VII, p. 496.

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Il trouve la cause de ceci dans Polybe, qui dit que Paul Émile, après sa victoire, détruisit soixante et dix villes de l'Épire, et en emmena cent cinquante mille, esclaves.

CHAPITRE XX.

Que les Romains furent dans la nécessité de faire des lois pour la propagation de l'espèce.

LES Romains, en détruisant tous les peuples,

se détruisoient eux-mêmes: sans cesse dans l'action, l'effort et la violence, ils s'usoient comme une arme dont on se sert toujours.

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Je ne parlerai point ici de l'attention qu'ils eurent à se donner des citoyens à mesure qu'ils en perdoient, des associations qu'ils firent, des droits de cité qu'ils donnèrent, et de cette pépinière immense de citoyens qu'ils trouvèrent dans leurs esclaves. Je dirai ce qu'ils firent, non pas pour réparer la perte des citoyens, mais celle des hommes; et comme ce fut le peuple du monde qui sut le mieux accorder ses lois avec ses projets, il n'est point indifférent d'examiner ce qu'il fit à cet égard.

a J'ai traité ceci dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains, etc.

CHAPITRE X X I.

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Des lois des Romains sur la propagation de l'espèce.

LES

ES anciennes lois de Rome cherchèrent beaucoup à déterminer les citoyens au mariage. Le sénat et le peuple firent souvent des réglements là-dessus, comme le dit Auguste dans sa harangue rapportée par Dion a.

Denys d'Halicarnasse b ne peut croire qu'après la mort des trois cent cinq Fabiens exterminés par les Véiens il ne fût resté de cette race qu'un seul enfant, parce que la loi ancienne qui ordonnoit à chaque citoyen de se marier et d'élever tous ses enfants étoit encore dans sa vigueur

Indépendamment des lois, les censeurs eurent l'oeil sur les mariages; et, selon les besoins de la république, ils y engagèrent et par la honte et par les peines.

d

Les moeurs, qui commencèrent à se corrompre, contribuèrent beaucoup à dégoûter les citoyens du mariage, qui n'a que des peines pour ceux qui n'ont plus de sens pour les plaisirs de

a Liv. LVI.

b Liv. II,

C L'an de Rome 277.

d Voyez sur ce qu'ils firent à cet égard Tite-Live, liv. XLV; l'épitome de Tite-Live, liv. LIX; Aulu-Gelle, liv. I, ch. VI; Valère-Maxime, liv. II, ch. XIX.

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