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qui pourroit se taire contre celui qu'a formé le libertinage, celui où les deux sexes, se corrompant par les sentiments naturels mêmes, fuient une union qui doit les rendre meilleurs, pour vivre dans celle qui les rend toujours pires?

C'est une règle tirée de la nature, que plus on diminue le nombre des mariages qui pourroient se faire, plus on corrompt ceux qui sont faits moins il y a de gens mariés, moins il y a de fidélité dans les mariages; comme lorsqu'il y a plus de voleurs, il y a plus de vols.

:

СНАРІT RE X X LI.

De l'exposition des enfants.

LES premiers Romains eurent une assez bonne

police sur l'exposition des enfants. Romulus dit Denys d'Halicarnasse a, imposa à tous les citoyens la nécessité d'élever tous les enfants mâles et les aînées des filles. Si les enfants étoient dif formes et monstrueux, il permettoit de les exposer, après les avoir montrés à cinq des plus proches voisins.

Romulus ne permit de tuer aucun enfant qui eût moins de trois ans : par-là il concilioit la loi qui donnoit aux pères le droit de vie et de mort sur leurs enfants, et celle qui défendoit de les exposer.

a Antiquités romaines, liv. II.

b Ibid.

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On trouve encore dans Denys d'Halicarnasse a que la loi qui ordonnoit aux citoyens de se marier et d'élever tous leurs enfants étoit en vigueur l'an 277 de Rome: on voit que l'usage avoit restreint la loi de Romulus qui permettoit d'exposer les filles cadettes.

Nous n'avons de connoissance de ce que la loi des douze tables, donnée l'an de Rome 301, statua sur l'exposition des enfants, que par un passage de Cicéron, qui, parlant du tribunat du peuple, dit que d'abord après sa naissance, tel que l'enfant monstrueux de la loi des douze tables, il fut étouffé: les enfants qui n'étoient pas monstrueux étoient donc conservés, et la loi des douze tables ne changea rien aux institutions précédentes.

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Les Germains, dit Tacite, n'exposent point leurs enfants; et, chez eux, les bonnes ,, moeurs ont plus de force que n'ont ailleurs les bonnes lois. Il y avoit donc chez les Romains des lois contre cet usage, et on ne les suivoit plus. On ne trouve aucune loi romained qui permette d'exposer les enfants : ce fut sans doute un abus introduit dans les derniers temps, lorsque le luxe ôta l'aisance, lorsque les richesses

a Liv. IX.

b Liv. III, de legib.

c De Morib. Germ.

d Il n'y a point de titre là-dessus dans le Digeste le titre du Code n'en dit rien, non plus que les Novelles.

partagées furent appelées pauvreté, lorsque le père crut avoir perdu ce qu'il donna à sa famille, et qu'il distingua cette famille de sa pro-/ priété.

CHAPITRE XXIII.

De l'état de l'univers aprés la destruction ́des Romains,

LES

ES réglements que firent les Romains pour augmenter le nombre de leurs citoyens eurent leur effet, pendant que leur république, dans la force de son institution, n'eut à réparer que les pertes qu'elle faisoit par son courage, par son audace, par sa fermeté, par son amour pour la gloire, et par sa vertu même. Mais bientôt les lois les plus sages ne purent rétablir ce qu'une république mourante, ce qu'une anarchie générale, ce qu'un gouvernement militaire, ce qu'un empire dur, ce qu'un despotisme superbe, ce qu'une monarchie foible, ce qu'une cour stupide, idiote et superstitieuse, avoient successivement abattu on eût dit qu'ils n'avoient conquis le monde que pour l'affoiblir et le livrer sans défense aux barbares. Les nations gothes, gétiques, sarrasines et tartares, les accablèrent, tour-à-tour; bientôt les peuples barbares n'eurent à détruire que des peuples barbares. Ainsi, dans le temps des fables, après les inondations et les déluges, il sortit de la terre des hommes armés qui s'exterminèrent.

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CHAPITRE X XI V.

Changements arrivés en Europe par rapport au nombre des habitants.

DANS

ANS l'état où étoit l'Europe on n'auroit pas cru qu'elle pût se rétablir, sur-tout lorsque, sous Charlemagne, elle ne forma plus qu'un vaste empire. Mais, par la nature du gouvernement d'alors, elle se partagea en une infinité de petites souverainetés; et, comme un seigneur résidoit dans son village ou dans sa ville, qu'il n'étoit grand, riche, puissant, que dis-je? qu'il n'étoit en sûreté que par le nombre de ses habitants, chacun s'attacha avec une attention singulière à faire fleurir son petit pays : ce qui réussit tellement, que, malgré les irrégularités du gouvernement, le défaut des connoissances qu'on a acquises depuis sur le commerce, le grand nombre de guerres et de querelles qui s'élevèrent sans cesse, il y eut dans la plupart des contrées d'Europe plus de peuple qu'il n'y en a aujourd'hui.

Je n'ai pas le temps de traiter à fond cette matière; mais je citerai les prodigieuses armées des croisés, composées de gens de toute espèce. M. Puffendorff dit a que, sous Charles IX, il y avoit vingt millions d'hommes en France.

a Histoire de l'univers, chap. V, de la France.

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Ce sont les perpétuelles réunions de plusieurs petits états qui ont produit cette diminution. Autrefois chaque village de France étoit une capitale; il n'y en a aujourd'hui qu'une grande : chaque partie de l'état étoit un centre de puissance: aujourd'hui tout se rapporte à un centre, et ce centre est, pour ainsi diré, l'état même.

CHAPITRE XX V.

Continuation du même sujet.

Il est vrai que l'Europe a, depuis deux siè

cles, beaucoup augmenté sa navigation; cela lui a procuré des habitants et lui en a fait perdre. La Hollande envoie tous les ans aux Indes un grand nombre de matelots, dont il ne revient que les deux tiers; le reste périt ou s'établit aux Indes: même chose doit à peu près arriver à toutes les autres nations qui font ce commerce.

Il ne faut point juger de l'Europe comme d'un état particulier qui y feroit seul une grande navigation. Cet état augmenteroit de peuple, parce que toutes les nations voisines viendroient prendre part à cette navigation; il y arriveroit des matelots de tous côtés. L'Europe, séparée du reste du monde par la religiona, par de vastes mers, et par des déserts, ne se sépare pas ainsi.

a Les pays mahométans l'entourent presque par-tout.

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