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Chez les anciens Perses a, le huitième jour du mois nommé chorrem-ruz, les rois quittoient leur faste pour manger avec les laboureurs. Ces institutions sont admirables pour encourager l'agriculture.

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CHAPITRE IX.

Moyens d'encourager l'industrie.

E ferai voir au livre XIX que les nations paresseuses sont ordinairement orgueilleuses. On pourroit tourner l'effet contre la cause, et détruire la paresse par l'orgueil. Dans le midi de l'Europe; où les peuples sont si frappés par le point d'honneur, il seroit bon de donner des prix aux laboureurs qui auroient le mieux cultivé leurs champs ou aux ouvriers qui auroient porté plus loin leur industrie. Cette pratique réussira même par tout pays. Elle a servi de nos jours, en Irlande, à l'établissement d'une des plus importantes manufactures de toile qui soient en Europe.

a M. Hyde, Religion des Perses.

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CHAPITRE X.

Des lois qui ont rapport à la sobriété des peuples.

DANs les pays chauds, la partie aqueuse du sang

se dissipe beaucoup par la transpiration

a il y

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faut donc substituer un liquide pareil. L'eau y est d'un usage admirable : les liqueurs fortes y coaguleroient les globules b du sang qui restent après la dissipation de la partie aqueuse.

Dans les pays froids, la partie aqueuse du sang s'exhale peu par la transpiration; elle reste en grande abondance. On y peut donc user des liqueurs spiritueuses sans que le sang se coagule. On y est plein d'humeurs; les liqueurs fortes, qui donnent du mouvement au sang, y peuvent être con

venables.

La loi de Mahomet, qui défend de boire du vin, est donc une loi du climat d'Arabie, aussi, avant Mahomet, l'eau étoit-elle la boisson commune des Arabes. La loi qui défendoit aux Carthaginois

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a M. Bernier, faisant un voyage de Lahor à Cachemir, écrivoit: Mon corps est un crible; à peine ai-je avalé une » pinte d'eau que je la vois sortir comme une rosée de tous mes membres jusqu'au bout des doigts; j'en bois dix pintes par ,, jour, et cela ne me fait point de mal. „, Voyage de Bernier, tome II, page 261.

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b Il y a dans le sang des globules rouges, des parties fibreuses, des globules blancs, et de l'eau dans laquelle nagę tout cela.

c Platon, liv. II des lois. Aristote, du soin des affaires domestiques. Eusèbe, Prés. évang. liv. XII, chap. XVII.

de boire du vin étoit aussi une loi du climat; effectivement le climat de ces deux pays est à-peuprès le même.

Une pareille loi ne seroit pas borne dans les pays froids, où le climat semble forcer à une cértaine ivrognerie de nation, bien différente de celle de la personne. L'ivrognerie se trouve établie par toute la terre dans la proportion de la froideur et de l'humidité du climat. Passez de l'équateur jusqu'à notre pole, vous y verrez l'ivrognerie augmenter avec les degrés de latitude. Passez du même équateur au pole opposé, vous y trouveraez l'ivrognerie aller vers le midi a, comme de ce côté-ci elleavoit été vers le nord.

Il est naturel que là où le vin est contraire au climat, et par conséquent à la santé, l'excès en soit plus sévèrement puni que dans les pays où l'ivrognerie a peu de mauvais effets pour la personne, où elle en a peu pour la société, où elle ne rend point les hommes furieux, mais seulement stupides. Ainsi les lois qui ont puni un homme ivre, et pour la faute qu'il faisoit, et pour l'ivresse, n'étoient applicables qu'à l'ivrognerie de la personne, et non à l'ivrognerie de la nation. Un Allemand boit par coutume, un Espagnol par choix.

b

Dans

a Cela se voit dans les Hottentots et les peuples de la pointe du Chili qui sont plus près du sud.

b Comme fit Pittacus, selon Aristote, Polit. liv. II, chap. III. Il vivoit dans un climat où l'ivrognerie n'est pas un vice de nation.

Dans les pays chauds, le relâchement des fibres produit une grande transpiration des liquides: mais les parties solides se dissipent moins. Les fibres, qui n'ont qu'une action très-foible et peu de ressort, ne s'usent guère, il faut peu de suc nourricier pour les réparer: on y mange donc très-peu. Ce sont les différents besoins dans les différents climats qui ont formé les différentes manières de vivre; et ces différentes manières de vivre ont formé les diverses sortes de lois. Que dans une nation les hommes se cómmuniquent beaucoup, il faut de certaines lois; il en faut d'autres chez un peuple où l'on ne se communique point.

CHAPITRE

XI.

Des lois qui ont du rapport aux maladies du climat.

HERODOTE nous dit que les lois des Juifs sur

a

la lèpre ont été tirées de la pratique des Egyptiens. En effet, les mêmes maladies demandoient les mêmes remèdes. Ces lois furent inconnues aux Grecs et aux premiers, Romains, aussi bien que le mal. Le climat de l'Égypte et de la Palestine les rendit nécessaires; et la facilité qu'a cette maladie à se rendre populaire nous doit bien faire sentir la sagesse et la prévoyance de ces lois.

Nous en avons nous-mêmes éprouvé les effets. Les croisades nous avoient apporté la lèpre; les réglements sages que l'on fit, l'empêchèrent de gagner la masse du peuple.

a Liv. II.

On voit, par la loi a des Lombards, que cette maladie étoit répandue en Italie avant les croisades, et mérita l'attention des législateurs. Rotharis ordonna qu'un lépreux, chassé de sa maison et relégué dans un endroit particulier, ne pourroit disposer de ses biens, parce que, dès le moment qu'il avoit été tiré de sa maison, il étoit censé mort. Pour empêcher toute communication avec les lépreux, on les rendoit incapables des effets civils.

Je pense que cette maladie fut apportée en Italie par les conquêtes des empereurs grecs, dans les armées desquels il pouvoit y avoir des milices de la Palestine ou de l'Egypte. Quoi qu'il en soit, les progrès en furent arrêtés jusqu'au temps des croisades.

On dit que les soldats de Pompée, revenant de Syrie, rapportèrent une maladie à-peu-près pareille à la lèpre. Aucun réglement fait pour lors n'est venu jusqu'à nous: mais il y a apparence qu'il y en eut, puisque ce mal fut suspendu jusqu'au temps des Lombards.

Il y a deux siècles qu'une maladie inconnue à nos pères passa du nouveau monde dans celui-ci, et vint attaquer la nature humaine jusques dans la source de la vie et des plaisirs. On vit la plupart des plus grandes familles du midi de l'Europe périr par un mal qui devint trop commun pour être honteux, et ne fut plus que funeste. Ce fut la soif de l'or qui perpétua cette maladie; on alla sans

Liv. II, tit. I, §. 3; et tit. XVIII, §. 1.

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