Images de page
PDF
ePub

de la Communion sous les deux espèces, il ne se seroit pas dédit. Pour l'auteur de la seconde Réponse, je ne pense pas à présent qu'il se repente d'avoir avoué, quoiqu'avec peine, que les solitaires ne pouvoient guère emporter qu'une seule espèce; et s'il retranche quelque chose dans son expression, ce ne sera que le guère.

CHAPITRE IX.

La réserve de l'Eucharistie aussi nécessaire pour tous les fidèles, surtout dans les temps de persécution, que pour les solitaires : on ne réservoit que l'espèce du pain : preuves tirées de Tertullien et de l'histoire de saint Satyre.

MAIS après qu'il nous a passé la communion des solitaires, je ne crois pas qu'il ait la moindre raison de se rendre difficile sur les autres, pour lesquelles on réservoit le Saint sacrement. La raison commune de le réserver étoit la difficulté de le venir prendre à l'Eglise. Mais cette difficulté ne regardoit pas seulement les solitaires. Durant le temps des persécutions, où la crainte étoit continuelle, on avoit besoin d'avoir toujours avec soi, dans le sacrement de l'Eucharistie, l'auteur de la force; mais on n'avoit pas toujours la liberté de s'assembler, et il ne falloit pas beaucoup de temps pour altérer les espèces du vin consacré, dont tous les jours il auroit fallu ouvrir le

>>

saint réceptacle. Cet auteur veut s'imaginer qu'on s'assembloit presque tous les jours, et que ces assemblées publiques des fidèles étoient très-fréquentes aussi bien que très-faciles (1). Je ne vois pas, si cela est, pourquoi permettre la réserve de l'Eucharistie; et M. de la Roque tombe d'accord que c'étoient « les persécutions, qui, rendant >> les saintes assemblées difficiles, obligèrent » l'Eglise à cette condescendance (2) ». Saint Justin qui représente si bien les assemblées ordinaires des chrétiens, ne les met qu'au jour du soleil (3), que nous appelons le dimanche ; c'està-dire, tous les huit jours. Mais je doute qu'on eût toujours la liberté de les faire. Je doute que tout le monde pût s'y trouver aisément. Il y en avoit que l'on connoissoit et que l'on remarquoit plus que tous les autres; et comme ils pouvoient être suivis, s'ils étoient contraints de s'absenter des assemblées pour ne se pas découvrir euxmêmes, et avec eux le reste de leurs frères, d'autres étoient obligés de prendre la fuite; et il faut n'avoir guère lu les Actes des martyrs, pour n'y avoir pas remarqué que, dans l'ardeur des persécutions, les chrétiens étoient contraints de se sauver dans les bois et dans les déserts. Nous voyons que dès le temps de saint Paul, ils erroient dans les solitudes, dans les montagnes désertes, dans les antres et dans les cavernes de la terre (4). Les voilà donc dans le cas des soli

(1) Anon. pag. 127, 134. — (2) La Roq. 1. part. ch. v1, p. 165. (3) Apolog. 11. — · (4) Hebr. x1. 38.

taires, et la communion sous une espèce ne leur devcit pas être déniée, comme ils la pouvoient avoir, c'est-à-dire, sous la seule espèce du pain. En général, l'Eglise vouloit rendre la communion facile à tous les fidèles; et lorsque les assemblées étoient difficiles, elle leur donnoit le pain consacré qu'ils pouvoient facilement garder. Il ne faut donc point ici s'imaginer de différence entre la réserve de l'Eucharistie, qu'on faisoit dans la solitude, et celle que pratiquoient les autres chrétiens. Aussi voyons-nous que, dans l'une et dans l'autre réserve, il n'est parlé que du corps. Je ferai voir tout-à-l'heure à ces Messieurs, qui s'imaginoient avoir tant d'exemples de la réserve du sang, qu'il n'y en a pas un seul qui regarde le point dont il s'agit. En attendant, nous remarquerons que Tertullien, qui, en toute autre occasion, a coutume, comme les autres Pères, de nommer ensemble le corps et le sang, quand il s'agit de la réserve, ne nomme plus que le corps: quand on a pris, dit-il, et qu'on a réservé le corps du Seigneur. Le prendre dans cet endroit, c'est le prendre dans sa main, selon la coutume, pour ensuite l'emporter dans sa maison. Le même Tertullien, qui n'a nommé que le corps en parlant de ce qu'on réserve de l'Eucharistie, quand il parle de ce qu'on en goûte et de ce qu'on en prend tous les jours avant toute autre nourriture, ne nomme semblablement que le pain seul. Tout le monde sait ce passage du livre qu'il écrit à sa femme, pour la détourner d'épouser jamais

[ocr errors]

un païen, à qui les mystères des chrétiens, qu'elle ne pourroit lui cacher, la rendroient bientôt suspecte. « Quoi, dit-il (1), il ne saura pas ce que » vous prenez tous les jours, avant toute autre >> nourriture; et s'il découvre que c'est du pain, >> il ne croira pas que c'est un pain tel qu'on dit » que nous le prenons »; c'est-à-dire, du pain trempé dans le sang de quelque enfant? «< Lui qui » ne saura pas la raison de ce que vous faites, » regardera-t-il votre action, comme quelque » chose d'innocent, et ne croira-t-il pas que c'est » aussitôt du poison que du pain »? Si cette femme eût eu à cacher le vin avec le pain sacré, c'eût été pour elle un nouvel embarras, que Tertullien n'eût pas manqué d'exagérer. L'odeur même du vin l'auroit découverte, en ce temps où c'étoit la coutume de ne manger ni de boire le matin. On reconnoissoit les chrétiens à cette marque. L'auteur de la seconde Réponse en convient dans les remarques qu'il fait sur une lettre de saint Cyprien (2). Nous apprenons dans cette lettre, que la peur de sentir le vin, et par-là d'être découverts, en obligeoit quelques-uns à n'offrir que de l'eau seule dans le sacrifice qui se faisoit le matin. Combien plus une femme auroitelle eu à craindre d'un mari soupçonneux? Comment auroit-elle satisfait à toutes les questions qu'il lui auroit faites sur le vin qu'elle prenoit dès le matin, et le poison qu'il la soupçonnoit de

(1) Lib. 11. ad uxor. cap. v. — (2) Anon. pag. 282. Epist. 1X11. ad Cæcil,

mêler dans les choses qu'elle cachoit avec tant de soin? N'eût-il pas cru que ce poison lui étoit donné encore plus imperceptiblement dans une liqueur?

Nos adversaires veulent qu'en toutes rencontres nous nous contentions de leur synecdoche; c'est-à-dire, de la figure qui met la partie pour le tout, et le pain tout seul, pour le pain et le vin ensemble. Je veux bien qu'on en use ainsi, quand il n'y a point de raisons particulières de nommer les deux parties; mais quand il faut relever des difficultés, et que la partie qu'on supprime en a de plus grandes que celle que l'on nomme, comme on le voit dans le passage de Tertullien, avec la permission de ces Messieurs, la synecdoche est impertinente. Il ne faut donc pas, comme ils font, me railler agréablement sur l'aversion que je témoigne pour la synecdoche; mais il faut dire que, pour peu qu'on ait de goût, on ne souffre pas que cette figure, non plus que les autres, soit employée sans choix et à tout propos. Je vois, par exemple, dans saint Cyprien une femme qui ouvre le coffre où l'on mettoit le saint corps du Seigneur, ou la chose sainte du Seigneur, ou de quelque autre manière qu'on voudra traduire, ce que ce Père appelle sanctum Domini (1). Je vois deux ou trois lignes après, que ce sanctum Domini s'entend clairement de ce qu'on manie et de ce qu'on mange, coNTRECTARE je conclus donc que saint Cyprien, (1) Tract. de laps. p. 189.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »