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se donnoit à ceux qui devoient communier, et aux infirmes (1): Je le veux. Donc, poursuit-il, on communioit encore publiquement sous les deux espèces : oui, ceux qui étoient présens, je le veux encore. Donc on communioit aussi les infirmes qui n'y étoient pas. Pour tirer cette conséquence, il faudroit trouver dans le Cérémonial l'endroit où l'on réservât le sang pour eux, comme on y trouve partout l'endroit où on leur réserve le corps. Que s'il ne paroît nulle part, on voit bien qu'il n'y en avoit aucun.

Mais, dit-on, dans l'Ordre romain de saint Grégoire, au rapport du docte Ménard, on communie les malades sous les deux espèces. Qui doute qu'on ne le fît dans les cas dont nous avons vu tant d'exemples? La question est de la réserve du sang précieux, qu'on trouveroit dans l'Ordre romain, dans Amalarius, dans le Micrologue aussi bien que celle du corps, si elle eût été en pratique.

On peut rapporter au même temps le chapitre Pervenit, de consecratione, distinction. 11, qui est un canon d'un concile de Rheims, où il est porté que « quelques prêtres font si peu d'état >> des divins mystères, qu'ils donnent à des laïques, » ou à des femmes, le sacré corps de notre Sei» gneur pour le porter aux malades (2) » ; ce que le concile défend sous de grandes peines, et ordonne que le prêtre communie lui-même le malade. On ne reprend pas ces prêtres de n'avoir

(1) Microl. 17.

(2) Grat. de Cons. dist. 2, c. XXIX.

envoyé aux malades qu'une seule espèce, mais de ce qu'ils ne la donnoient pas eux-mêmes comme leur charge les y obligeoit ; et l'on voit clairement dans ce canon la coutume de la réserve et de la communion des malades sous la seule espèce du pain.

CHAPITRE XIX.

Suite de la méme matière.

POUR ne point avoir de querelles avec les ministres sur des questions de critique, j'ai rangé parmi les preuves du huitième ou neuvième siècle (1), l'auteur grec de la vie de saint Basile, sous le nom d'Amphilochius, où nous voyons comme dans l'Ordre romain, le pain sacré divisé en trois parties, dont on suspend la troisième sur l'autel dans une colombe d'or (2). Cela montre la pratique de l'Eglise grecque, du moins au neuvième siècle; puisque ce livre grec se trouve traduit, et en particulier l'endroit de l'Eucharistie suspendue dans une colombe d'or, par Enée, évêque de Paris sous Charles le Chauve, dans son excellent ouvrage contre les Grecs (3).

Je laisse à part la vaine critique de l'auteur de la seconde Réponse (4), qui veut par des con

(1) Traité de la Commun. p. 462. — (2) Vit. S. Basil. per Amphil. c. vi. — (3) En. Par. Tract. adv. Gr. t. vi. Spicil. p. 80, 81. (4) Anon. p. 172.

et

jectures contraires, de son aveu propre, au sentiment du docte Daillé, qu'on attribue à un auteur latin cette vie grecque, et qu'on l'a crue traduite du grec en latin par Eveimius, grec, Ursus, latin (1). Laissons ces vaines remarques, qui assurément ne seront suivies de personne. Et s'il faut ici conjecturer, cette vie ressent tout-àfait le siècle même de saint Basile, ou au plus tard, le suivant, à cause principalement d'une certaine apathie, ou impassibilité, et imperturbabilité (2), plus stoïcienne que chrétienne, qu'on y trouve mentionnée: dogme introduit en ce temps, parmi les solitaires d'Orient, par Evagrius, dont on n'entend plus parler dans la suite, et surtout depuis que cet Evagrius eût été condamné au cinquième siècle, avec son maître Origène, dans le concile sous Justinien. On peut voir sur ce dogme l'Histoire Lausiaque de Palladius(3), disciple d'Evagrius, qui a écrit au cinquième siècle, et les réflexions qu'on y a faites. Quoi qu'il en soit, on trouve dans cette vie la réserve du pain sacré dans une colombe d'or. Notre ministre demande « d'où l'on peut tirer cette consé»quence, qu'elle ne renfermoit que l'espèce du » pain (4)? Ne pouvoit-elle pas être, poursuit-il, » d'une juste grandeur, et assez capable de conte »nir une petite coupe, ou bien une petite fiole, du » sang de Jésus-Christ »? Qui doute de la possi

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(1) Æn. ibid. Sur. 1 Jan. I — (3) Pall. Hist. Laus. Bib. PP. G. L. tom. 11, part. 11, p. 898,

(2) Vit. S. Basil. c. m. Sur, c. VII,

915.. (4) Anon. p. 70.

bilité? Il est question du fait. On voit ici le pain sacré partagé en trois : on voit la troisième partie mise dans une de ces colombes, et aussitôt après suspendue: on n'y trouve nulle mention ni de ces coupes ni de ces fioles; non- seulement on n'en trouve pas en ce lieu, mais on n'en trouve nulle part; et bien qu'on trouve partout dans l'Ordre romain, et ailleurs, des fioles qu'on appeloit ama ou amulæ, pour présenter le vin de l'oblation, on n'en trouve jamais pour le réserver après qu'il est consacré.

M. de la Roque sort de cette difficulté d'une autre façon (1); et voyant qu'il n'y avoit que le pain sacré dans ces colombes, il se sauve en répondant, qu'il n'est pas dit que ce fut pour les malades. J'en conviens; mais j'ai toujours ce que je demande, savoir, que lorsqu'il s'agit de réserve on ne trouve qu'une seule espèce. Et de plus, à quoi M. de la Roque veut-il que cette réserve ait servi sur l'autel? Dira-t-il que c'étoit pour adorer l'Eucharistie ainsi suspendue? J'y consens; mais cet usage s'accorde parfaitement avec celui dont il s'agit, et qui ne se trouve pas moins parmi les Grecs que parmi nous; et ce qui montre la conformité des deux Eglises, c'est qu'on trouve au cinquième siècle, dans le Testament de Perpétuus, évêque de Tours, des colombes d'argent pour la réserve, AD REPOSITORIUM (2). Ces Messieurs qui sont remplis d'érudition, ne manquent pas ici de nous faire des colombes pour d'autres

(1) La Roq. pag. 43. — (2) Test. Perp. t. v. Spicil. p. 106.

fins que pour la réserve de l'Eucharistie, comme celles qu'on suspendoit dans les baptistères, (c'étoit alors de grands lieux séparés du reste des Eglises, où étoient les fonts baptismaux.) Il y avoit donc là de ces colombes; ce qui fait voir, dit M. de la Roque (1), qu'elles n'étoient pas destinées pour la garde du sacrement. Mais, qui lui a dit que le sacrement n'étoit pas gardé dans le baptistère, comme plusieurs doctes l'estiment? Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de savoir si l'on avoit des colombes pour plusieurs usages, et même pour le simple ornement, comme le prétend l'auteur de la seconde Réponse : il est question de ces colombes, AD REPOSITORIUM, pour la réserve, dont on se servoit dans les Eglises, comme le montre Perpétuus dans son Testament. « Je donne et lègue, dit-il, au prêtre Amala» rius, une colombe d'argent pour la réserve, » si mon église n'aime mieux lui donner celle » dont elle se sert, et retenir la mienne ». M. de la Roque observe (2), que « REPOSITORIUM, parmi » ceux qui entendent la langue latine, est pro» prement un vaisseau où on ramasse les restes >> des viandes, et les instrumens ou ustensiles qui » servent à table »; d'où il conclut que la colombe de Perpétuus étoit destinée à « la garde, non de » l'Eucharistie, mais des vaisseaux et des instru» mens qu'on employoit en la célébrant ». Mais pourquoi non de l'Eucharistie, puisque c'est la

(1) La Roq. p. 45.

BOSSUET. XXIV.

(2) Pag. 43.

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