Images de page
PDF
ePub

et participer à toutes les prières dont cette sainte action étoit accompagnée. D'ailleurs l'heure naturelle et ordinaire du sacrifice, étoit, dans les jours de jeûne, l'heure du soir; et cette heure devoit d'autant plus être gardée le Jeudi saint, que c'étoit celle où Jésus-Christ avoit offert luimême la première fois. Enfin ce n'étoit pas la coutume d'Occident, excepté, peut-être le Vendredi saint, de donner dans l'assemblée publique le sacrement réservé. On disoit toujours plusieurs messes, quand on donnoit plusieurs fois la communion dans l'église; ce qui ne préjudicie en aucune sorte aux réserves accoutumées, tant pour la communion domestique, que pour celle des malades, qui étoit comme une suite de la domestique.

Mais parmi de si foibles preuves, ce que M. de la Roque nous oppose de plus apparent (1) est un passage de Pélage, chef de l'hérésie des Pélagiens. Avec la permission de ces Messieurs, et sans dessein de les offenser, on pourroit ici leur répondre qu'outre les grandes erreurs, qui ont fait condamner ces dangereux auteurs de sectes, on remarque dans leurs écrits un certain travers secret, et des singularités qu'on n'a pas toujours pris la peine de relever. C'est pourquoi on ne voit point que l'ancienne Eglise se serve des autorités des gens condamnés. Quoi qu'il en soit, écoutons Pélage. « Ceux, dit-il (2), qui s'assem

(1) La Roq. p. 6o. —(2) Comm. in 1. Cor. x1, 20. in App. Aug. Edit. Antuerp. 1703, pag. 371.

» bloient dans l'église, offroient séparément leurs » oblations; et tout ce qui leur restoit des sacri» fices après la communion, les fidèles le con>> sommoient ensemble dans l'Eglise en prenant » un repas commun ». Si l'on veut se donner la peine d'expliquer le sentiment d'un tel homme, on pourra dire que les fidèles portoient à l'autel leurs oblations et leurs sacrifices, qu'on en prenoit ce qu'il en falloit pour la communion du peuple, qu'on séparoit le reste, et qu'après la communion, on en pouvoit manger une partie dans un repas ordinaire, qu'on faisoit au commencement dans l'église. Mais si l'on pense établir par-là qu'il n'étoit pas permis ni de porter l'Eucharistie aux absens, comme le raconte saint Justin, ni de la réserver pour quelque cause que ce fût, ou, ce qui est encore pire, qu'après l'avoir consacrée, on la mangeoit, comme on auroit fait du pain commun dans un repas ordinaire; un seul auteur, et encore un auteur aussi reprochable qu'un hérésiarque, ne suffit pas pour établir une coutume d'ailleurs si mauvaise, et dont on ne trouve aucun exemple.

CHAPITRE

CHAPITRE XXIII.

Qu'on n'a jamais réservé l'Eucharistie sous l'espèce du vin : réponse aux preuves que les ministres prétendent tirer de l'antiquité.

VOYONS maintenant les preuves par lesquelles ceux qui ont rejeté avec tant d'effort la réserve ordinaire de l'Eucharistie pour les malades, l'établissent sous les deux espèces pour les sains. J'avois remarqué quatre témoignages (1), dont les ministres ont accoutumé de s'appuyer; et il est clair, par mes réponses, qu'ils leur sont manifestement inutiles. Mais la chose va paroître dans une plus grande évidence, en examinant les répliques de mes adversaires (2).

Songeons bien qu'ils ont à prouver, non pas simplement la distribution ou la participation, mais la réserve ordinaire du sang aussi bien que du corps, comme des choses inséparablement unies dans l'usage. Dès-lors le premier passage, qui est celui de saint Justin, doit d'abord être retranché; puisque ce martyr nous apprend seulement qu'au jour de l'assemblée des fidèles, << après l'oblation du pain et du vin consacrés, on >> en fait la distribution aux présens, et qu'on en >> envoie aux absens par les diacres (5) ». Sur quoi

(1) Traité de la Commun. p. 497. — (2) La Roq. p. 162. Anon, p. 217. — (3) Just. Apol. 11, n. 65.

BOSSUET. XXIV.

17

M. de la Roque observe lui-même, dans son Histoire de l'Eucharistie (1), qu'on envoyoit le sacrement au même temps qu'on l'avoit célébré dans l'Eglise. Nous avons vu qu'en répondant au Traité de la Communion sous les deux espèces, il persiste dans ce sentiment, et déclare qu'il n'a pas voulu se servir du de saint Justin passage pour prouver la réserve des deux symboles; parce que cela « se faisant incontinent après la com>> munion des fidèles dans l'assemblée, ce fait ne >> regarde pas la garde du sacrement dont nous >> traitons (2) ».

En effet, l'intention de saint Justin est ici manifestement de faire voir comment les absens participoient à leur manière au sacrifice commun de toute l'Eglise ; puisqu'aussitôt après qu'on l'avoit offert, on leur en portoit les hosties, c'est-à-dire, le corps et le sang de notre Seigneur, de même que dans l'Eglise on les avoit données aux fidèles. Ce qui regardoit la réserve n'est pas traité en ce lieu; car on ne trouve pas tout dans un seul passage, et il en faut chercher les preuves ailleurs.

Quand donc l'anonyme nous demande (3), qu'est-ce qui pouvoit empêcher les absens de garder l'Eucharistie qu'on leur portoit, comme les autres fidèles en gardoient la portion qu'ils emportoient eux-mêmes de l'Eglise, il sort visiblement de la question. Car on ne doute pas qu'ils ne pussent, comme les autres, garder l'Eu

(1) La Roq. I. part. ch. xv, p. 176. — (3) Pag. 170. — (3) Anon. p. 217.

charistie sous l'espèce du pain; parce qu'on en voit ailleurs, et dès la première antiquité, beaucoup d'exemples. Mais quant à la réserve, soit du pain, soit du vin consacré, M. de la Roque lui dira toujours qu'elle ne paroît point dans ce passage, et que si l'on veut la trouver, il faut que ce soit ailleurs; puisqu'ici manifestement on ne voit que l'Eucharistie portée aux absens incontinent après l'oblation, afin qu'ils participassent au sacrifice commun de toute l'Eglise.

Mais voici un second exemple qui paroît plus fort, et où mes deux adversaires se joignent ensemble. Il s'agit de ce passage célèbre des Dialogues de saint Grégoire le Grand, où il raconte ce qui étoit arrivé à Maximien, «< maintenant, » dit-il (1), évêque de Syracuse, et alors Père de >> mon monastère. Ce vénérable homme, conti» nue-t-il, m'étoit venu joindre à Constantinople, où j'étois par ordre de mon pontife; (c'é» toit le pape Pélage second,) pour y rendre » dans le palais les réponses ecclésiastiques >>. On appeloit celui qui faisoit cette fonction de la part du Pape, son apocrisiaire, ou, ce qui est la même chose, son responsal, celui qui répondoit en son nom à l'Empereur sur les affaires de l'Eglise. << Pendant donc, poursuit saint Gré

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

goire, que Maximien retournoit à Rome, en » mon monastère, il fut battu d'une furieuse tempête, dans la mer Adriatique; et comme le » vaisseau entr'ouvert de toutes parts alloit périr, (1) Lib. 1. Dial. cap. XXXVI; tom, 11, col. 357.

« PrécédentContinuer »