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confirmation ou la pénitence, ni offert le sacrifice, ni distribué l'Eucharistie; puisqu'à peine trouvera-t-on qu'il soit parlé de tout cela, et que si quelquefois il en est parlé, ce n'est qu'incidemment et par hasard. Mais loin qu'on relève ces choses communes dans les discours panégyriques, ou dans les histoires générales, telle qu'étoit celle d'Eusèbe, on ne les raconte même pas dans les vies. Aussi ne saurions-nous pas la communion de Sérapion, ni celle de saint Ambroise, sans les circonstances particulières et les miracles visibles dont elles furent accompagnées. Qu'ainsi ne soit; nous avons des vies de saint Basien et de saint Gaudence, comprovinciaux et contemporains de saint Ambroise : nous avons celles de saint Augustin, de saint Fulgence, de saint Germain de Paris et de saint Germain d'Auxerre, de sainte Geneviève, de saint Grégoire, de Gontran, de Sigebert, rois de France, de Sigismond, roi de Bourgogne, de saint Perpétuus, évêque de Tours, de saint Faron, évêque de Meaux, de sainte Fare sa sœur, de saint Eustase, abbé de Luxeuil. Mais pourquoi perdre le temps à en nommer d'autres? Nous en avons une infinité, où il n'est point parlé qu'ils aient reçu la communion à la mort, quoique leur mort soit décrite et circonstanciée autant qu'on le peut désirer. En conclura-t-on qu'on ne communioit pas leur temps? Selon M. de la Roque, saint Augustin aura négligé cet acte de piété, lui dont le même M. de la Roque nous a produit un sermon BOSSUET. XXIV.

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de

où il y exhorte tous les fidèles. Et sans s'arrêter à

pas

n'aura

ce sermon, qui en effet n'est pas de saint Augusla communion de saint Amtin, ne savoit-il broise, qui l'avoit régénéré en Jésus-Christ, et ne l'avoit-il pas vue dans une vie qui lui étoit dédiée ? Etoit-ce une chose si peu commune de communier en mourant? puisque saint Paulin, évêque de Nole, son intime ami, le fait ainsi en 431, un an après la mort de saint Augustin: et tant d'autres dans les temps voisins (*). Mais le pape saint Grégoire, dont nous tenons tant d'exemples de communions des mourans, t-il pas pratiqué ce qu'il a loué dans les autres? D'où vient donc que Jean Diacre n'en dit rien, lui qui a écrit avec tant de soin la vie et les actions de ce saint pape? Peut-être que du temps de saint Eloi ce n'étoit pas la coutume en France de communier les malades; mais le ministre loue une homélie, où il en enseigne la pratique et cependant saint Ouen, ce grand archevêque de Rouen, qui a écrit en deux livres la vie de cet illustre évêque son intime ami, ne

(*) Ce n'est pas seulement dans l'Eglise latine qu'on voit les plus grands saints recevoir l'Eucharistie dans leur dernière maladie; l'Eglise grecque en fournit aussi des exemples. Saint Chrysostôme épuisé des fatigues de son exil, et averti pendant la nuit par le martyr saint Basilisque, qu'il lui seroit réuni le lendemain, se revêtit à jeun d'habits blancs; et après avoir pris les divins symboles, il fit devant les assistans sa dernière prière, et alla se joindre à ses pères : Et sumptis Dominicis symbolis, coram adstantibus ultimam orationem facit.... extendit speciosos pedes.... appositus ad patres suos. Pallad. de Vit. Ș. Joan. Chrysost. ejusd. Oper. tom. x1, pag. 40. ( Edit. de Déforis.)

nous dit pas qu'il ait fait ce qu'il a prêché, encore qu'il parle amplement de sa fin bienheureuse. Ceux qui ont écrit la vie de saint Ouen lui-même, et qui ont admiré sa sainte mort, ne parlent pas du saint Viatique : deux récits exprès de la mort du vénérable Bède n'en font non plus nulle mémoire, quoique nous en ayons vu une si fréquente mention dans ses écrits: et le saint homme Pierre Damien, qui nous marque si distinctement la communion des mourans, ne parle ni de celle de saint Romuald, ni de celle de Dominique Loricat, dont il a écrit la vie. Ce n'est pas que tous ces saints hommes aient été surpris de la mort: au contraire ils l'ont vue venir, et ils l'ont reçue avec des soins particuliers. Mais on ne prend pas toujours la peine de remarquer des choses si communes. C'est pourquoi plus bas encore, et dans le temps que la réception du saint Viatique étoit le plus établie, on ne trouve la communion ni du dévot saint Bernard, ni de sainte Hildegarde, ni même, si je ne me trompe, de saint François, dans la belle vie qu'a écrite saint Bonaventure son religieux, ni de saint Bonaventure lui-même, ni de sainte Brigitte, ni de sainte Marguerite, fille du roi de Hongrie, de l'ordre des Prédicateurs, ni de tant d'autres dont la mémoire ne me revient pas, et dont aussi je pas dessein de parler, ni d'affecter de l'érudition dans une matière si vulgaire. J'ajouterai seulement que dans toutes les vies des saints de l'Eglise orientale, à peine y en a-t-il une ou deux

n'ai

où je me souvienne d'avoir remarqué le saint Viatique, bien qu'il ne soit pas moins commun parmi les Orientaux que parmi nous de le recevoir. C'en est trop pour nous faire voir qu'il n'y a rien à conclure de ce que souvent on n'écrit pas des choses communes. Ce qui donne lieu à les écrire, c'est lorsqu'il y est arrivé quelque circonstance remarquable, comme, dans la mort de la plupart des saints, la grâce d'en avoir été avertis, et d'avoir sur ce céleste avertissement demandé ou reçu leur saint Viatique ; et quand d'autres occasions particulières, qui ont relevé les choses communes, ont donné lieu de les remarquer. Il arrive aussi qu'on les remarque même hors de ces occasions: il arrive aussi qu'on les tait souvent; et entreprendre de rendre raison des diverses vues des écrivains, c'est un travail insensé et infructueux. Finissons et concluons en un mot, qu'on ne doit pas dorénavant nous objecter le silence de saint Athanase sur saint Antoine, ou celui des autres sur saint Athanase; puisque même il est assuré qu'à Alexandrie, dont il étoit patriarche, et dans tout le pays dont elle étoit capitale, la coutume de garder l'Eucharistie pour communier dans sa maison étoit en vigueur de son temps, et qu'on ne peut pas croire que, dans les approches de la mort, on y négligeât un secours dont on étoit si soigneux de se munir dans la meilleure santé.

CHAPITRE XXX.

Communion des enfans sous la seule espèce du vin : chicanes des ministres sur le passage de saint Cyprien: passages de saint Augustin, de saint Paulin, de Gennade.

L'EXEMPLE que nous tirons de saint Cyprien, pour la communion des petits enfans, souffre si peu de réplique, qu'à vrai dire mes adversaires. n'y en font aucune. Pour faire voir que saint Cyprien, et de son temps l'Eglise d'Afrique, dont il étoit le primat, ne donnoit pas la communion aux enfans sous la seule espèce du vin, M. de la Roque commence par des passages d'autres siècles et d'autres pays. Nous verrons dans la suite ce qu'il en faut croire; mais, en attendant, il est clair que tout cela ne fait rien à saint Cyprien. Car dans une affaire de discipline indifférente, comme je prétends qu'est celle-ci, on peut en d'autres temps et en d'autres lieux montrer d'autres observances, sans détruire celle que j'établis, et sans qu'on puisse conclure autre chose de cette variation, sinon, ce qui me suffit, que la chose est indifférente. Il faut donc enfin parler de saint Cyprien. M. de la Roque y vient le plus tard qu'il peut, et quand il y est, il s'amuse encore à me reprocher vainement, que, pour couvrir le foible de l'argument que j'en ai tiré, je le propose

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