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CHAPITRE XXXI.

Passage de Jobius, auteur grec.

Nous n'avons rien de ce savant auteur que dans Photius, qui nous en donne d'amples extraits (1). Mais il ne faut pas pour cela me dire, avec l'anonyme, que j'allègue je ne sais quel Jobius (2). Photius, dont la critique est si juste, l'appelle partout un bon auteur, un homme pieux et exact, attaché aux saintes études, et versé dans l'intelligence des Ecritures. M. de la Roque me demande sur la foi de qui je le place au cinquième ou au sixième siècle. C'est sur la foi du livre même, où l'on attaque souvent les Sévériens, hérétiques de ce temps-là, sans qu'on y parle des hérésies de l'âge suivant; encore qu'à ne regarder que le dessein de l'auteur, il y eût autant de lieu de les attaquer que les autres. Ce savant homme, nous représentant l'ordre dans lequel on reçoit les mystères, décide notre question en trois mots, et jamais un si court passage ne causa tant d'embarras aux ministres : Nous sommes baptisés, dit-il (3), nous sommes oints, nous sommes jugés dignes du sang précieux. Il auroit plutôt nommé le corps que le sang, s'il eût parlé des adultes, à qui l'on donnoit l'un et l'autre, et

(1) Phot. Biblioth. cod..222. cap. xvin. Phot. p. 596.

- (2) Anon. p. 197. —(3) Lib. 11,

toujours le corps le premier; mais par rapport à ces temps, où la plupart de ceux que l'on baptisoit étoient enfans des fidèles qu'on baptisoit dans l'enfance, il montre qu'on recevoit le sang le premier; parce qu'on ne donnoit que le sang dans le Baptême, et qu'on ne prenoit le pain céleste que dans le progrès de l'âge.

Sur cela nos ministres se brouillent entre eux. M. de la Roque dit d'une façon, et l'anonyme de l'autre, aussi peu d'accord avec lui-même qu'avec M. de la Roque. Ecoutons premièrement celui-ci. Après avoir récité ces paroles de Jobius: « ON >> NOUS BAPTISE, ON NOUS OINT, ON NOUS JUGE DI»GNES DU SANG PRÉCIEUX: que M. de Meaux, » dit-il (1), ne triomphe point; qu'il écoute ce qui suit: Moïse FIGURANT CES CHOSES, LAVE PRE>> MIÈREMENT D'EAU CEUX QU'IL CONSACRE (pour » le sacerdoce,) PUIS IL LES HABILLE, IL LES OINT,

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IL LES ARROSE DE SANG ET LES CONDUIT A LA PAR

» TICIPATION DES PAINS ». Je confesse que ces paroles suivent celles que j'ai rapportées, et que Jobius y veut faire voir quelque sorte de ressemblance entre la consécration des sacrificateurs de l'ancienne loi décrite dans l'Exode (2), et la nôtre; ce qui n'est pas déraisonnable; puisque nous sommes tous par le Baptême des sacrificateurs spirituels, comme dit saint Pierre (3). Or Jobius fait consister cette ressemblance, en ce qu'à l'exemple des sacrificateurs que Moïse consacroit, ceux qui parmi nous ont reçu l'eau, l'habit blanc, (1) La Roq. p. 136. (2) Exod. XXIX. (3) I. Pet. 11. 5.

l'onction et la communion du sang, reçoivent ensuite le pain de l'Eucharistie. Je le confesse, ils le reçoivent en leur temps et dans le progrès de l'âge; mais il faut, pour accomplir la figure, qu'ils aient, selon Jobius, reçu le sang avant le pain; ce qui ne seroit pas arrivé, si à cette première fois on eût donné l'un et l'autre. Car enfin, pourquoi eût-on renversé l'ordre, et dans une même communion donné le sang avant le corps? On ne donnoit donc que le sang à la première communion, qui étoit celle des petits enfans nouvellement baptisés; et dans cette suite de passage, Jobius ne fait qu'appuyer ce qu'il avoit avancé d'abord.

Mais, dit M. de la Roque (1), il traite visiblement des adultes. L'anonyme lui répondra bientôt qu'il parle des petits enfans. Voyons donc sur quoi se fonde M. de la Roque, pour assurer avec tant de confiance que Jobius traite visiblement des adultes. Pour cela il produit ces paroles de notre auteur: Ceux qui ont été illuminés, ( c'està-dire, baptisés, comme le ministre l'explique lui-même) portent des habits blancs durant sept jours. Est-ce là un caractère d'adultes? Les petits enfans baptisés n'étoient-ils pas appelés comme les autres, illuminés ? Comme les autres ne portoient-ils pas un habit blanc durant sept jours? Le ministre ne l'ignoroit pas ; et c'est pourquoi, après avoir lui-même traduit Jobius, comme je viens de le rapporter, il se fonde sur la version (1) La Roq. Rep. p. 134.

du jésuite Schottus, qui tourne ainsi : « Les caté>> chumènes qui ont été baptisés marchent sept jours durant avec des habits blancs ». Mais enfin ni le grec ne parle de catéchumènes, ni il ne dit que les baptisés marchent avec des habits blancs: il dit simplement qu'ils les portent, ▲aμпрopopovσi, ils portent des habits éclatans; et le ministre lui-même reconnoît qu'il falloit traduire ainsi. Pourquoi donc alléguer cette traduction, si ce n'est pour embrouiller une chose claire? Quoi! parce que M. de la Roque ne trouve rien dans l'original de ce qu'il prétend, faudra-t-il que la version l'emporte sur le texte ? Mais quelle misère d'opposer ici, comme fait ce ministre, les catéchumènes aux petits enfans; comme si les petits enfans qu'on exorcisoit, qu'on bénissoit, qu'on oignoit pour le Baptême, n'avoient pas toujours été appelés catéchumènes, et ne l'étoient pas encore dans nos Rituels ! Mais enfin de quelque manière qu'on le veuille prendre, toujours faut-il nous rendre raison, pourquoi dans la communion, dont nous a parlé Jobius, il n'a nommé que le sang, qui, n'ayant aucun sens dans la communion des adultes, n'a de lieu que dans celle des petits enfans.

Que sert aux ministres que Jobius ait voulu confirmer cette coutume par des passages de l'Ecriture peut-être mal appliqués, et par des subtilités que Photius ne juge pas dignes de la gravité de la théologie (1)? Je n'ai pas besoin de (1) La Roq. Rep. p. 134, Anon. p. 203.

soutenir tous les raisonnemens de Jobius: je n'ai besoin que d'un fait, d'un point de coutume qu'il rapporte; coutume que Photius ne contredit pas, qui étoit donc très-constante et qui ne peut plus

être contestée.

Voilà pour ce qui regarde M. de la Roque. L'anonyme paroît procéder plus sincèrement, et il avoue, contre M. de la Roque, qu'il s'agit du Baptême des petits enfans. Mais dans la suite il ne fait que brouiller ; et forcé de rendre raison pourquoi Jobius n'a exprimé que le sang, il a voulu, sans en apporter la moindre preuve, imaginer une différence entre les enfans et les adultes, en ce que donnant le corps et le sang aux uns et aux autres, aux adultes on commençoit par le corps, et aux enfans par le sang; ce qu'il prétend suffisant pour donner lieu à Jobius de nommer le sang tout seul. Mais jamais il n'y eut réponse plus visiblement illusoire que celle-là. Car si, comme l'anonyme le suppose, on vouloit donner aux enfans, non-seulement le sang, mais encore le corps du Sauveur; quelle finesse trouvoit-on à commencer par le sang et à renverser l'ordre de l'institution? L'anonyme tombe ici dans le trouble; et la manière dont il s'explique est si pleine de contradictions, qu'elle montre bien qu'il ne sait où il en est. « L'on commençoit, dit-il (1), la >> nourriture mystique des enfans par le breuvage » du sang de Jésus-Christ, mais qui n'étoit jamais » séparé du pain que l'on donnoit devant ou après, (1) Anon. p. 202.

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