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saint Augustin et l'ancienne Eglise, il dissimule un passage que j'avois si expressément marqué ; et sans faire seulement semblant d'y avoir pris garde, il me répond froidement (1) « qu'il eût souhaité » qu'en parlant de ceux qui ont combattu la né>> cessité de l'Eucharistie, M. de Meaux ne fût pas » descendu si bas que Hugues de Saint-Victor, le >> seul auteur qu'il nomme; car il vivoit au dou» zième siècle ».

J'avoue que Hugues de Saint-Victor, très-propre à prouver le sentiment de son siècle, pour lequel aussi je l'avois produit, ne l'étoit pas à prouver celui du pape saint Innocent I et celui de saint Augustin; mais saint Fulgence, ce savant disciple de saint Augustin, et saint Augustin lui-même si fidèlement rapporté par saint Fulgence, n'étoientils pas suffisans pour faire entendre saint Augustin et les auteurs du même âge? Pourquoi donc dissimuler l'endroit de mon livre où j'avois expressément cité saint Augustin et saint Fulgence, et oser dire que Hugues de Saint-Victor est le seul auteur que je nomme ?

Afin donc que ceux de nos frères qui liront cet écrit, ne tombent pas dans la même faute, et qu'ils se désabusent de la mauvaise opinion qu'on leur a voulu donner de l'ancienne Eglise ; je veux bien leur épargner le travail d'aller chercher saint Fulgence, et je transcrirai ici de mot à mot, tant ce que dit ce grand homme, que ce qu'il a copié de saint Augustin. Il faut donc savoir, avant toutes (1) La Roq, p. 115.

choses, qu'un Ethiopien qui avoit reçu le Baptême étant mort sans qu'on eût eu le loisir de lui donner l'Eucharistie, le diacre Ferrand, célèbre par ses écrits, consulta saint Fulgence à l'occasion de ce Baptême, pour savoir ce qu'il falloit croire du salut de ceux qui, prévenus de la mort incontinent après leur Baptême sans avoir été communiés, sembloient être condamnés par cette sentence de notre Seigneur : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous-mêmes. Voilà donc précisément notre question, et voici la réponse de saint Fulgence (1): « Si quelqu'un qui » aura reçu le Baptême est prévenu de la mort >> avant que d'avoir mangé le corps et bu le sang » du Sauveur, les fidèles ne doivent pas en être » émus, sous prétexte que notre Seigneur a pro>> noncé cette sentence, Si vous ne mangez la » chair, etc. Car quiconque regardera ces paroles, » non pas selon les mystères dont la vérité est » enveloppée, mais selon la vérité même, qui est >> enfermée dans le mystère, il verra que cette >> parole de notre Seigneur est accomplie dans le » Baptême. Que fait-on en effet dans le Baptême, » si ce n'est de faire de tous les croyans autant » de membres de Jésus-Christ, et de les incor» porer à l'unité ecclésiastique? car c'est à eux >> que saint Paul écrit: Vous êtes le corps de » Jésus-Christ et un de ses membres : et le même >> apôtre fait voir non seulement qu'ils partici(1) Fulg. Ep. XII, ad Ferr. de Bap. Æth. c. 11. n. 24.

>> pent au sacrifice, mais encore qu'ils sont eux» mêmes le sacrifice, lorsqu'il leur adresse ces

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paroles: Je vous conjure, mes Frères, que vous fassiez de votre corps une hostie vivante (1) ». Ce grand homme fait voir ensuite, par d'autres passages, que nous devenons un seul corps, un seul esprit et un seul pain de Jésus-Christ; son sacrifice, son temple, et un membre de son corps, << quand nous sommes unis à Jésus-Christ comme » à notre chef dans le Baptême. Celui donc, con» tinue-t-il, qui est fait un membre de Jésus>> Christ dans le Baptême, peut-il ne recevoir pas » ce qu'il devient? Puisqu'il est fait le vrai mem>>bre du corps, dont le sacrement se trouve dans » le sacrifice, il devient donc par la régénération » du saint Baptême ce qu'il doit recevoir ensuite » dans le sacrifice de l'autel ».

Saint Fulgence démontre par-là qu'il ne faut pas être en peine du salut d'un homme baptisé, quand il mourroit sans communier; puisqu'il a reçu par avance dans le Baptême ce qu'il y a de principal dans la communion, qui est d'être incorporé à Jésus-Christ, et par conséquent participant du salut que trouvent en lui ceux qu'il fait les membres de son corps. Mais afin qu'on ne pensât pas que cette doctrine lui fût particulière, il insère dans sa lettre un sermon de saint Augustin aux enfans, c'est-à-dire aux fidèles nouvellement baptisés, où cet incomparable docteur leur enseigne: qu'ils sont le corps de Jésus-Christ,

(1) Rom. XII. I.

qu'ils sont un seul pain, et que cela leur est donné par le Baptême qu'ils y sont moulus comme le grain qu'ils y sont comme pétris par l'eau baptismale: qu'ils y sont cuits par le feu du SaintEsprit: que par-là ils sont ce qu'ils voient sur l'autel, et qu'ils y reçoivent ce qu'ils sont. Que nos adversaires n'aillent pas ici sortir de la question, et songer aux difficultés qu'ils se forgent dans ce passage, contre la présence réelle, pendant qu'il s'agit de vider celle de la nécessité de l'Eucharistie. On ne peut ni on ne doit tout dire à toute occasion et en tout lieu; et tout ce que je prétends ici, c'est de conclure avec saint Fulgence: «< qu'il s'ensuit indubitablement de. » ces paroles de saint Augustin, que chaque » fidèle participe au corps et au sang de Jésus» Christ, quand il est fait membre de Jésus-Christ » par le Baptême, et qu'il n'est pas privé de la >> communion de ce pain et de ce calice, encore » qu'il meure sans en avoir ni mangé ni bu. Car » il ne perd point la communion et le fruit de ce » sacrement, puisqu'il se trouve être déjà ce que » ce sacrement signifie » ; c'est-à-dire, qu'il est lui-même le corps de Jésus-Christ à sa manière, comme étant un membre vivant du corps de l'Eglise dont Jésus-Christ est le chef (*).

(*) Bossuet remarque, à la marge de son manuscrit, que saint Augustin parle dans son sermon cccxxiv d'un enfant mort catéchumène, et ressuscité à la prière de sa mère, et que le saint docteur, en racontant tous les sacremens qu'on donna à cet enfant ressuscité, ne dit pas un mot de l'Eucharistie. (Edit. de Paris.)

Il faut donc conclure de là, que, selon la doctrine de saint Augustin, tout baptisé, qui a reçu le fruit du Baptême, a reçu au fond dans le même temps la grâce du sacrement de l'Eucharistie, et par conséquent avec la vie nouvelle le gage du salut éternel.

Saint Fulgence auroit pu conclure la même chose de cent autres passages de saint Augustin, où il enseigne, après l'Ecriture, que par le Baptême nous sommes régénérés, renouvelés, justifiés, adoptés, et enfans de Dieu : que la rémission de tous nos péchés nous y est donnée, l'image de Dieu réformée en nous, sa grâce répandue dans nos cœurs, et d'autres choses semblables, qui font voir que le Baptême est suffisant par lui-même pour assurer notre salut; puisqu'il n'est pas possible, je ne dis pas que saint Augustin et les autres Pères, mais qu'aucun homme, quel qu'il soit, ait pu s'imaginer qu'on fût damné avec tous ces dons. Tout cela n'empêche pourtant pas que sur le fondement de cette parole: Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous: les Pères

n'aient pu dire que l'Eucharistie étoit nécessaire,

et même absolument nécessaire, au même sens qu'on dit que la nourriture l'est aussi; mais non pas absolument de la même sorte et au même sens que le Baptême. Le Baptême nous est nécessaire pour nous donner la vie; la nourriture céleste de l'Eucharistie est nécessaire pour l'entretenir. Ainsi elle la suppose, et l'on peut vivre,

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