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» charité du Fils qui se livre lui-même, nous de»vons aussi nous affliger de ce que nous avons » causé tant de tourmens et la mort à un maître » si grand et si bon (1) ». C'est pour cela qu'il dit qu'on nous a ôté la joyeuse célébrité de la messe, et qu'on ne nous permet pas de nous réjouir, pendant que les Juifs seuls étoient en joie. En poursuivant, il enseigne que nous devons différer nos joies jusqu'au troisième jour, où JésusChrist ressuscita (2). Mais, continue-t-il, en ce jour de la passion de notre Seigneur, «< prenons » part à ses souffrances, afin d'avoir part à sa gloire ne sacrifions point, parce qu'on nous >> arrache celui qui est notre victime: que ses amis » ne le sacrifient pas pendant que ses ennemis le » tuent ». On ne sacrifie donc pas; c'est-à-dire, comme il l'a lui-même expliqué, on ne consacre point en ce jour. Car que ce soit la seule consécration et non pas la communion dont nous devions être privés en ce saint jour, il le déclare dans la suite par ces paroles (3): « Aujourd'hui, » au Vendredi saint, à ce sixième jour de la se» maiņe, on ne fait point le corps de notre Sei» gneur, mais on réserve de la veille ce que nous » devons prendre le lendemain » : et encore: Aujourd'hui donc que Jésus-Christ, notre hos» tie salutaire, est tué par ses ennemis, c'est avec >> beaucoup de raison qu'on ensevelit en quelque » manière parmi nous l'honneur du sacrifice » ;

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(1) Amal. lib. v1, c. 11, col. 958. — (2) Ibid. cap. 111. cap. XXII, col. 966.

- (3) Ibid.

c'est-à-dire, comme on a vu, qu'on n'y fait point de consécration ; et « parce qu'on ne trouve plus

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parmi nous la manne céleste, on réserve du >> Jeudi ce que nous devons prendre en ce jour ». D'où il s'ensuit, pour deux raisons, qu'on n'y prend pas le sang de notre Seigneur : la première, parce qu'on ne le réserve pas, et qu'on ne prend, comme on voit, que ce qu'on réserve : la seconde, parce qu'on ne le consacre pas de nouveau ; puisqu'à ce jour, comme il vient de le dire, la consécration est interdite.

C'est pourquoi, en continuant l'explication de l'office, il fait mention des deux prêtres, «< qui >> apportent à l'autel le corps du Seigneur qu'on » avoit réservé de la veille (1). Après, poursuit-il, » on couvre le calice où est le corps, pour mon» trer qu'il a été enseveli : les deux prêtres qui » portent le corps à l'autel, représentent le juste » Joseph d'Arimathie et Nicodème, qui deman» dèrent le corps de Jésus pour l'ensevelir ». Et après avoir tant parlé du corps, il ajoute incontinent après, et sans dire rien davantage; Nous communions en silence: nous montrant que la communion se faisoit avec le corps seul, lequel aussi on a consacré et réservé seul de la veille.

Quand donc aussitôt après tout ce discours qu'il fait du corps, et sans rien mettre entre deux, il ajoute ce que nous objecte M. de la Roque (2): « ce sang que nous prenons crie à

(1) Amal. lib. vi, c. XXIV, col. 967. — (1) Ibid. c. xxm, col. 967 La Roq. I. Rep. p. 209、

» Dieu de notre bouche comme il est écrit: LE » SANG DE TOn frère Abel Crie a moi dE LA TERRE : » car nous, c'est-à-dire l'Eglise, nous sommes » cette terre qui ouvre la bouche et qui boit fidè» lement le sang d'Abel, c'est-à-dire le sang de » Jésus-Christ, que Caïn, c'est-à-dire le peuple » juif, a cruellement répandu » : c'est encore ici visiblement un de ces exemples dont nous avons déjà vu un si grand nombre, où l'on dit qu'on reçoit le sang, encore qu'on ne reçoive le sacrement que sous l'espèce du corps, à cause que leur substance, comme leur grâce et leur vertu sont inséparables.

Et visiblement il n'est pas possible de l'entendre d'une autre sorte; puisqu'il est certain par toute la suite qu'on ne réservoit pas le sang de la veille, et qu'on ne le consacroit pas le jour où le sacrifice et la consécration ne se faisoient pas. De dire qu'il veuille parler de la consécration solennelle, comme s'il y en avoit de deux sortes; c'est se moquer et lui faire dire ce qu'il ne dit pas, ni en ce lieu, ni en aucun autre : et au contraire tournant tout d'un coup au sang, après avoir durant deux chapitres et dans toute la suite du discours parlé du corps seul, c'est une preuve certaine que ce n'est aussi que dans le corps qu'il a trouvé ce sang, qui crie de nos bouches.

CHAPITRE XLV.

La coutume de méler le sang de notre Seigneur avec du vin n'a jamais été approuvée. Dans les Eglises où l'on communioit le Vendredi saint sous les deux espèces, elles étoient toutes deux réservées de la veille.

Au reste, quoique le vin dans lequel on met le corps de notre Seigneur demeure toujours du vin et ne puisse devenir le sang par ce mélange, c'est avec beaucoup de raison que l'Ordre romain nous avertit de la sanctification qu'il a contractée. Car si les fidèles prennent avec respect le pain que l'Eglise leur bénit en signe de communion et en mémoire de l'Eucharistie; si les linges et les vaisseaux qui servent à ce saint mystère ont de tout temps été réputés saints et sacrés; si nous apprenons de saint Ambroise (1) « que le calice qui >> a reçu dans son or brillant le sang de Jésus>> Christ, en reçoit aussi en même temps une impression de la vertu par laquelle nous avons été >> rachetés » : ne doit-on pas croire que le vin, corps de Jésus-Christ est mêlé, devient par cette union quelque chose de saint? Aussi l'a-t-on toujours reçu avec révérence, encore que, n'étant pas consacré par les paroles célestes, on ne l'ait pas cru la matière de la communion.

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(1) Lib. 11. Offic. c. xxvIII. n. 138; tom. 11, col. 103.

Il n'en est pas de la même sorte du vin consacré qu'on mêle dans d'autre vin qui ne l'est pas, selon qu'il est remarqué dans un exemplaire de l'Ordre romain (1). Gar alors, à la manière des liqueurs qu'on mêle ensemble, le vin consacré qui ne perd rien de ses qualités ordinaires, se répand et se mêle si parfaitement dans le vin commun; qu'on peut dire avec une certitude morale, que pour petite que fût la goutte de vin qu'on prendroit, il s'y trouveroit infailliblement quelque partie du vin consacré, c'est-à-dire, le sang du Sauveur tout entier. Ainsi toute cette masse deviendroit la matière de la communion. C'est pourquoi on ne doit pas s'étonner qu'on lise dans cet exemplaire de l'Ordre romain : «< que le vin » non consacré, mais mêlé avec le sang de notre >> Seigneur, est sanctifié en toutes manières : >> SANCTIFICATUR PER OMNEM MODUM ». Et il ne faut pas s'imaginer que cette parole, est sanctifié en toutes manières, soit mise ici inutilement. Car on ne dit pas la même chose au Vendredi saint, où le solide est mêlé avec le liquide; et on y dit simplement, que le vin est sanctifié par le pain qui l'est. Mais lorsque, dans l'union du vin consacré avec celui qui ne l'est pas, il se fait un parfait mélange, et des deux liqueurs une même masse, toute cette masse est sanctifiée en toutes manières; c'est-à-dire, non-seulement par cette sainteté extérieure et inférieure que l'attouchement du corps communique au vin; mais en

(1) Ord. rom. t. x. Bib. PP, col. 21. La Roq, p. 226.

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