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La Seconde.

Sion a son front dans les cieux.

La Première.

Quel triste abaissement !

La Seconde.

Quelle immortelle gloire !

La Première.

Que de cris de douleur !

La Seconde.

Que de chants de victoire !

Une Troisième.

Cessons de nous troubler: notre Dieu, quelque jour,

Dévoilera ce grand mystère.

Toutes Trois.

Révérons sa colère ;

Espérons en son amour.

Une Autre.

D'un cœur qui t'aime,

Mon Dieu, qui peut troubler la paix? Il cherche en tout ta volonté suprême, Et ne se cherche jamais.

Sur la terre, dans le ciel même,

Est-il d'autre bonheur que la tranquille paix
D'un cœur qui t'aime?

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Partez, enfants d'Aaron, partez:
Jamais plus illustre querelle

De vos aieux n'arma le zèle.

C'est votre roi, c'est Dieu pour qui vous combattez.

Une Voix (seule).

Où sont les traits que tu lances,

Grand Dieu, dans ton juste courroux?
N'es-tu plus le Dieu jaloux?

N'es-tu plus le Dieu des vengeances?

Une Autre.

Où sont, Dieu de Jacob, tes antiques bontés?
Dans l'horreur qui nous environne,

N'entends-tu que la voix de nos iniquités?
N'es-tu plus le Dieu qui pardonne?

Tout le Chœur.

Où sont, Dieu de Jacob, tes antiques bontés?

Une Voix (seule).

C'est à toi que dans cette guerre

Les flèches des méchants prétendent s'adresser. "Faisons, disent-ils, cesser

Les fêtes de Dieu sur la terre ;

De son joug importun délivrons les mortels; Massacrons tous ses saints; renversons ses autels; Que de son nom, que de sa gloire

Il ne reste plus de mémoire ;

Que ni lui ni son Christ ne règnent plus sur nous.”

Tout le Chœur.

Où sont les traits que tu lances,

Grand Dieu, dans ton juste courroux?
N'es-tu plus le Dieu jaloux?
N'es-tu plus le Dieu des vengeances?

Une Voix (seule).

Triste reste de nos rois,

Chère et dernière fleur d'une tige si belle,
Hélas! sous le couteau d'une mère cruelle

Te verrons-nous tomber une seconde fois?
Prince aimable, dis-nous si quelque ange, au berceau,
Contre tes assassins prit soin de te défendre;

Ou si dans la nuit du tombeau

La voix du Dieu vivant a ranimé ta cendre?

Une Autre.

D'un père et d'un aieul contre toi révoltés,
Grand Dieu, les attentats lui sont-ils imputés?
Est-ce que sans retour ta pitié l'abandonne ?

Le Chœur.

Où sont, Dieu de Jacob, tes antiques bontés?
N'es-tu plus le Dieu qui pardonne?

Une des Filles du Chœur (sans chanter).
Chères sœurs, n'entendez-vous pas
Des cruels Tyriens la trompette qui sonne?

Salomith.

J'entends même les cris des barbares soldats,
Et d'horreur j'en frisonne.

Courons, fuyons; retirons-nous

A l'ombre salutaire

Du redoutable sanctuaire.

UN COMBAT SINGULIER (TIRE DE LA FILLE DE ROLAND).

BORNIER (HENRI DE).

1825.

M. de Bornier s'exerça de bonne heure à la poésie. Bientôt il s'essaya au théâtre; il obtint de grands succès. La Fille de Roland, qui parut au théâtre français en 1875, le plaça au premier rang. Ses caractères fermes, héroïques et religieux rappellent Corneille; comme son style ferme, noble et naturel nous rappelle Racine. M. de Bornier a inauguré le retour aux traditions de goût et de morale léguées par les grands maîtres.

I. CHARLEMAGNE, BERTHE.

Charlemagne,

Non, la mort n'attend pas, et tout me la présage:
C'est bien le vent du soir qui me souffle au visage !

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Enfant, tu pleures? et pourquoi ?

Juges-en mieux, et sois plus forte; écoute-moi :
Ce qui tourmente une âme au déclin de la vie,
Ce n'est plus, ou l'orgueil, ou la crainte ou l'envie ;
C'est un désir ardent et plein d'anxiété

De se juger soi-même en toute vérité;

Aucun homme, aucun roi jusqu'au fond de son être

Ne descend tant qu'il vit. . . . Mourir, c'est se connaître ! Je ne me connais pas moi-même ! J'ai pourtant

Travaillé, combattu, souffert à tout instant.

Oui, j'ai porté mes lois chez les peuples barbares,
Comme on soumet un fleuve en franchissant ses barres;
J'ai pris et j'ai gardé l'Europe dans ma main,
J'ai refait pour le Christ le vieux monde romain;
Et pourtant! n'ai-je rien, en scrutant mes pensées,
A regretter parmi mes actions passées ?

Ces peuples qu'il fallait en un seul rassembler,
Ne les ai-je pas trop broyés pour les mêler?
Un roi ne sait jamais cela que lorsqu'il tombe :
L'arbre de vérité ne croît que sur la tombe !

Berthe.

Sire, le monde entier, comme le peuple franc,
Vous a nommé le Juste aussi bien que le Grand!

Charlemagne.

La flatterie ainsi vivants nous accompagne !

Mais quel nom Dieu doit-il donner à Charlemagne ?
Je le saurai bientôt ! Puis, quel trouble profond,
Quand je songe comment nos œuvres se défont!
Hélas! toute puissance est à peine élevée

Qu'elle s'ebranle; où sont les fils de Mérovée ?
Où sont ceux de Clovis? Que deviendront les tiens,
Charlemagne? Après moi, quels seront leurs soutiens?
Quand on m'aura couché sous le funèbre dôme
L'Empire sera-t-il ou colosse ou fantôme?
Ma race vivra-t-elle un siècle seulement?
Je le saurai bientôt ! Bientôt en m'endormant,
Du sommeil de la mort, m'enfuyant de la terre,
Je verrai l'avenir sans voile et sans mystère,
Dans le livre des temps pour mon regard ouvert,
O France! Je lirai ta gloire ou tes revers!

(Il se lève.)

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