La Seconde. Sion a son front dans les cieux. La Première. Quel triste abaissement ! La Seconde. Quelle immortelle gloire ! La Première. Que de cris de douleur ! La Seconde. Que de chants de victoire ! Une Troisième. Cessons de nous troubler: notre Dieu, quelque jour, Dévoilera ce grand mystère. Toutes Trois. Révérons sa colère ; Espérons en son amour. Une Autre. D'un cœur qui t'aime, Mon Dieu, qui peut troubler la paix? Il cherche en tout ta volonté suprême, Et ne se cherche jamais. Sur la terre, dans le ciel même, Est-il d'autre bonheur que la tranquille paix Partez, enfants d'Aaron, partez: De vos aieux n'arma le zèle. C'est votre roi, c'est Dieu pour qui vous combattez. Une Voix (seule). Où sont les traits que tu lances, Grand Dieu, dans ton juste courroux? N'es-tu plus le Dieu des vengeances? Une Autre. Où sont, Dieu de Jacob, tes antiques bontés? N'entends-tu que la voix de nos iniquités? Tout le Chœur. Où sont, Dieu de Jacob, tes antiques bontés? Une Voix (seule). C'est à toi que dans cette guerre Les flèches des méchants prétendent s'adresser. "Faisons, disent-ils, cesser Les fêtes de Dieu sur la terre ; De son joug importun délivrons les mortels; Massacrons tous ses saints; renversons ses autels; Que de son nom, que de sa gloire Il ne reste plus de mémoire ; Que ni lui ni son Christ ne règnent plus sur nous.” Tout le Chœur. Où sont les traits que tu lances, Grand Dieu, dans ton juste courroux? Une Voix (seule). Triste reste de nos rois, Chère et dernière fleur d'une tige si belle, Te verrons-nous tomber une seconde fois? Ou si dans la nuit du tombeau La voix du Dieu vivant a ranimé ta cendre? Une Autre. D'un père et d'un aieul contre toi révoltés, Le Chœur. Où sont, Dieu de Jacob, tes antiques bontés? Une des Filles du Chœur (sans chanter). Salomith. J'entends même les cris des barbares soldats, Courons, fuyons; retirons-nous A l'ombre salutaire Du redoutable sanctuaire. UN COMBAT SINGULIER (TIRE DE LA FILLE DE ROLAND). BORNIER (HENRI DE). 1825. M. de Bornier s'exerça de bonne heure à la poésie. Bientôt il s'essaya au théâtre; il obtint de grands succès. La Fille de Roland, qui parut au théâtre français en 1875, le plaça au premier rang. Ses caractères fermes, héroïques et religieux rappellent Corneille; comme son style ferme, noble et naturel nous rappelle Racine. M. de Bornier a inauguré le retour aux traditions de goût et de morale léguées par les grands maîtres. I. CHARLEMAGNE, BERTHE. Charlemagne, Non, la mort n'attend pas, et tout me la présage: Enfant, tu pleures? et pourquoi ? Juges-en mieux, et sois plus forte; écoute-moi : De se juger soi-même en toute vérité; Aucun homme, aucun roi jusqu'au fond de son être Ne descend tant qu'il vit. . . . Mourir, c'est se connaître ! Je ne me connais pas moi-même ! J'ai pourtant Travaillé, combattu, souffert à tout instant. Oui, j'ai porté mes lois chez les peuples barbares, Ces peuples qu'il fallait en un seul rassembler, Berthe. Sire, le monde entier, comme le peuple franc, Charlemagne. La flatterie ainsi vivants nous accompagne ! Mais quel nom Dieu doit-il donner à Charlemagne ? Qu'elle s'ebranle; où sont les fils de Mérovée ? (Il se lève.) |