végétation, spécialement au point de vue de l'intervention dynamique de la chaleur dans la physiologie des plantes. C'est plutôt un discours dans lequel Morren, avec son talent habituel, expose, dans ses grandes lignes, le rôle de la chaleur sur les végétaux. Il y relate toutes les données que la science possède sur cet objet. Quelques mots furent ajoutés à ce discours à la séance du 28 mars suivant. Pendant l'année 1875, notre confrère s'occupa spécialement de l'étude des plantes dites carnivores. C'était un objet à l'ordre du jour et qui passionnait vivement l'opinion. A la séance du 5 juin, il présenta une première note (accompagnée d'une planche) intitulée : Observations sur les procédés insecticides des PINGUICULA. Après avoir décrit les organes glandulaires des feuilles des Pinguicula et la façon dont les petits insectes sont retenus par ces appendices, il rend compte de ses expériences dont la conclusion est celle-ci : « L'observation révèle, chez les Pinguicula, une structure extraordinaire et admirable qui ressemble étrangement à celle des urnes des Nepenthes, mais elle ne fait voir ni la digestion directe des matières animales, ni leur absorption par la surface des feuilles : elle montre, au contraire, tous les éléments de la décomposition naturelle qui agissent sur les victimes de leur singulier pouvoir insecticide. Il reste à poursuivre ces observations sur les autres végétaux du mème groupe physiologique. » C'est ce que l'auteur fit en étudiant ensuite les Drosera rotundifolia et binata. Le premier de ces Drosera fait l'objet d'une notice (accompagnée d'une planche) publiée au mois de juillet sous le titre de: Note sur les procédés insecticides du DROSERA ROTUNDIFOLIA L. Pour ce qui concerne cette plante, il arrive aux mêmes conclusions que pour les Pinguicula; mais, au mois de novembre suivant, dans sa Note sur le DROSERA BINATA Labill., sa structure et ses procédés insecticides (avec deux planches), il semble bien près d'être converti aux idées de Darwin sur la digestion végétale. « Nous avons, dit-il, été heureux de pouvoir faire de nouvelles observations qui ont donné les résultats les plus étonnants et en quelques points favorables à la théorie de la digestion. Il décrit soigneusement la façon dont les glandes foliaires s'emparent des insectes et des corpuscules inertes qui viennent en contact avec elles; il constate que le suc de ces glandes a une action remarquable sur les matières azotées qu'il liquéfie en les empêchant d'ètre atteintes par la putréfaction. Pour conclure définitivement, il attend qu'il puisse pousser plus avant ses dernières expériences. Ce sujet le passionne et il y revient dans un discours qu'il lut à la séance publique du 16 décembre de cette même année. Ce discours, intitulé : La théorie des plantes carnivores et irritables, embrasse la question dans son ensemble. Il y passe en revue les résultats auxquels sont arrivés Darwin, Hooker, Balfour et bien d'autres dans leurs recherches sur la digestion végétale. La seconde partie de ce discours traite de la motilité des végétaux, question des plus curieuses et que nous lui verrons reprendre, au mois de décembre 1885, pour en faire l'objet d'un nouveau discours. La nouvelle théorie continue à être ardemment discutée : les uns l'acceptent, les autres la repoussent. Morren suit les discussions et, devenu partisan convaincu des idées de Darwin sur la digestion, il cherche à faire prévaloir la récente doctrine. Il saisit l'occasion de la séance publique du 16 décembre 1876 pour faire de rechef une lecture. Dans celle-ci, ayant pour titre : Rôle des ferments dans la nutrition des plantes, il n'apporte, il est vrai, aucune expérience nouvelle faite par lui, mais il expose et discute avec beaucoup de talent tous les faits et tous les arguments acquis au débat. A la séance du 5 janvier 1884, Morren est élu directenr pour l'année 1885. C'est en cette qualité qu'il prononça, dans la séance publique de cette dernière année, son discours sur La sensibilité et les mouvements chez les végétaux. Aux réunions ordinaires, les membres de la Classe des sciences se bornent habituellement, dans leurs communications, à exposer un fait ou une théorie dans un langage simple, sévère et dépourvu de tout ornement littéraire, sans se préoccuper de charmer l'oreille ou l'imagination des auditeurs. Mais dans une séance solennelle, à laquelle sont invités les gens du monde, sous peine d'être écouté avec indifférence ou ennui, le savant doit se départir de sa froideur ou de sa sévérité. Aux yeux des gens non initiés, la science est un diamant brut; celui-ci doit non-seulement ètre taillé par une main habile, mais il doit encore ètre serti de façon à exciter la curiosité et retenir l'attention du public. Morren était un excellent lapidaire et un artiste au goût délicat; il sut, pendant son long discours, soutenir l'attention de ses auditeurs sous le charme de sa parole chaude et colorée. Les mille phénomènes de sensibilité et de motilité présentés par les plantes y furent admirablement exposés. Son discours, chaleureusement applaudi, fut un grand succès; malheureusement cette glorieuse séance académique a été la dernière à laquelle put assister notre regretté collègue. Outre les travaux précédemment énumérés, Morren a écrit un grand nombre de rapports sur des notices ou des mémoires présentés au jugement de l'Académie; il a, de plus, rédigé pour la Biographie nationale plusieurs notices consacrées à la mémoire de botanistes belges. Ajoutons, enfin, que l'Annuaire lui est redevable de la notice biographique de Charles Morren. La nomination de Morren comme professeur extraordinaire suivit de très près son entrée à l'Académie. L'arrêté royal porte la date du 31 décembre 1861. Il fut nommé professeur ordinaire le 7 septembre 1868. Pour dire ce que fut Morren dans sa chaire de botanique à l'Université de Liège, nous empruntons un passage au discours que M. le professeur Habets, doyen de la Faculté des sciences, a prononcé sur la tombe de notre confrère. « Des souvenirs personnels, dit M. Habets, me permettent de vous dire ce qu'était le professeur. J'ai, en effet, suivi ses cours qui, au milieu de mes études professionnelles, me paraissaient comme une attrayante excursion dans un pays étranger, pays animé de chaleur et de vie, et contrastant vivement avec le froid domaine des sciences minérales. Tous ceux qui se sont assis sur les bancs de l'auditoire d'Édouard Morren ont conservé le souvenir de cette parole imagée qui savait inspirer à ses élèves l'amour de la nature. Morren était un artiste dans son enseignement, artiste par la parole, artiste par le dessin. Il possédait le don de souligner l'exposition des faits par le pittoresque de l'expression, comme de traduire sa pensée par des démonstrations graphiques et d'aider l'attention et la mémoire de ses auteurs en émaillant son discours de récits et de comparaisons ingénieuses. Le ton du discours de Morren était celui de la causerie; mais ce ton savait s'élever avec le sujet et atteignait même à l'éloquence lorsque le professeur abordait les grands problèmes de la physiologie végétale. Le secret de ce talent d'élocution si primesautier, si naturel, réside entièrement en ce que Morren avait acquis l'habitude de l'enseignement en parlant à des camarades. »> Le professeur, plein d'ardeur pour répandre les notions d'une science qu'il aimait, ne se contenta pas du seul public universitaire; il voulait étendre son enseignement et s'adresser au grand public lettre. De 1862 à 1864, il fit, dans la grande salle académique, un cours sur la physiologie végétale dans ses rapports avec la culture et sur la floraison et la fructification des végétaux; à la même époque, il reprenait ces sujets pour les traiter dans des conférences qu'il donna à la Société d'Émulation. Une nombreuse assistance, attirée par le talent et l'éloquence de l'orateur, ne cessa de suivre ces cours et ses conférences. Depuis quelques années déjà, il s'est opéré une sorte de révolution dans l'enseignement des sciences naturelles; le professeur ne se contente plus, comme jadis, d'exposer oralement les faits et les principes de la science; il n'avance plus dans son cours qu'après avoir démontré, dans le laboratoire ou dans les galeries d'histoire naturelle, les faits qui servent de base à sa doctrine. L'enseignement tend à devenir de plus en plus pratique, expérimental, et ne consiste plus uniquement en mots ou en formules. Si en Belgique certaines branches de la botanique sont restées en arrière, cela n'est pas dû au manque de zèle ou de talent de nos professeurs, mais au défaut d'installations scientifiques convenables. Morren avait parfaitement bien compris que notre |