RÉVISION DES SPHAIGNES DE L'AMÉRIQUE DU NORD, PAR JULES CARDOT. Mes études sur les Sphaignes d'Europe, dont j'ai publié le résultat ici même, l'année dernière, m'ont amené à entreprendre l'examen des formes de l'Amérique septentrionale. On trouvera dans les pages qui suivent le résumé de mes observations. Les matériaux que j'ai pu rassembler jusqu'ici ne sont pas encore assez abondants pour me permettre de tracer d'une façon définitive et satisfaisante les grandes lignes de la flore sphagnologique américaine. Cependant, des résultats acquis nous pouvons déjà tirer les déductions suivantes : 1o A l'exception du Sphagnum Angstroemii Hartm., toutes nos espèces européennes se retrouvent dans l'Amérique septentrionale. 2o Elles sont représentées dans les régions boréales et tempérées par des formes en général absolument identiques aux formes européennes, tandis que celles de ces espèces qui atteignent les États du Sud y revètent souvent des formes spéciales ou présentent quelquefois de légères modifications dans la structure de leurs divers organes. 3o L'Amérique septentrionale possède plusieurs types qui n'existent pas en Europe; ces types appartiennent à la flore subtropicale des États du Sud. Les uns restent confinés dans la Floride et la Louisiane; les autres remontent vers le nord le long de la côte orientale, mais l'extrême limite septentrionale de leur aire de dispersion ne paraît pas dépasser le New Jersey, vers le 40me degré de latitude. Ajoutons que certaines espèces ne descendent pas jusque dans les régions chaudes qui avoisinent le Golfe du Mexique, mais il m'est encore impossible de tracer, mème d'une façon très approximative, leur limite méridionale. GROUPE I. SPHAGNA CYMBIFOLIA. Répandu 1. S. cymbifolium (Ehrh.) Hedw. sous ses formes ordinaires dans toute l'Amérique du Nord, jusqu'aux rivages du Golfe du Mexique. - Je possède de l'ile Miquelon les var. fuscescens Warnst., atroviride Schliep. et compactum Schliep. et Warnst. (Dr Delamare). M. A.-B. Langlois m'a communiqué de la Louisiane et du Mississipi une forme remarquable, dont voici la description: Petite Var. ludovicianum Ren. et Card. ined. forme courte, compacte, un peu brunâtre. Épiderme de la tige dépourvu de fibres et percé de pores rares; celui -des rameaux garni de fibres peu nombreuses et peu distinctes. Feuilles caulinaires dimorphes, les unes oblongues ou brièvement lingulées, non spathulées, sans fibres ni pores, les autres semblables aux feuilles raméales; Bien celles-ci très légèrement squameuses sur le dos vers le sommet, pourvues de pores rares. Cellules chlorophylleuses très étroitement cunéiformes, presque incluses. que le dimorphisme des feuilles caulinaires semble indiquer que le développement de cette plante n'est pas complet, elle n'en est pas moins fort intéressante par ses autres caractères. Il est bien curieux de constater qu'une forme tropicale du S. papillosum, le S. erythrocalyx Hpe, du Brésil, présente exactement les mêmes particularités : absence des fibres spirales et rareté des pores dans l'épiderme de la tige, rareté des fibres dans l'épiderme des rameaux, feuilles caulinaires brièvement lingulées, non spathulées, feuilles raméales très légèrement squameuses et peu poreuses. *S. medium Limpr. Cette plante est probablement répandue dans toute l'Amérique septentrionale. J'en possède un échantillon publié en mélange avec le S. cymbifolium dans les Musci Bor.-Am. exsicc., n°. 3; c'est une forme rougeâtre, intermédiaire entre la var. purpurascens Warnst. et la var. congestum Schliep. et Warnst. Je possède ces deux variétés de l'ile Miquelon (Dr Delamare), avec une forme noirâtre de la dernière (f. lividum Card.). Enfin, j'ai reçu de Floride une forme lâche et d'un vert påle (Sawyer). *S. papillosum Lindb. Je possède cette plante, bien caractérisée, du New Jersey et de l'île Miquelon. Elle est indiquée aussi en Pensylvanie et au Canada. - Le Dr Delamare a récolté à l'ile Miquelon la var. confertum Lindb. et une forme du type à coloration d'un brun livide (f. livens Card.). M. Langlois m'a communiqué de plusieurs localités de la Louisiane orientale une , forme påle, ayant l'aspect du S. cymbifolium ordinaire, et dont les papilles ont presque entièrement disparu : les parois intérieures des cellules hyalines basilaires sont seulement un peu ridées-rugueuses. Cette forme de transition pourrait aussi bien être rapportée au S. cymbifolium. *S. Austini Sulliv. New Jersey (Austin); ile Miquelon (Dr Delamare), avec la var. imbricatum Lindb.; Louisiane orientale et Mississipi (Langlois), formes lâches ou compactes (var. congestum Warnst.), vertes, pâles ou peu colorées, mais d'ailleurs entièrement semblables aux formes du Nord. - Var. laxum Röll f. squarrosulum Ren. et Card. ined.: forme verte, lâche, très molle, à feuilles squarreuses; les cellules hyalines inférieures seules présentent des crètes membraneuses, d'ailleurs peu développées; les autres cellules en sont totalement dépourvues. C'est donc une transition vers le S. affine. D'autre part, M. Langlois a récolté dans la Louisiane orientale une forme qui passe complètement au S. cymbifolium: cellules chlorophylleuses triangulaires isocèles, subcunéiformes, tantôt nettement recouvertes par les cellules hyalines sur la face dorsale, tantôt presque émergentes; crètes membraneuses nulles ou seulement représentées par quelques traces dans les cellules basilaires. *S. affine Ren. et Card. Rev. bryol. 1885, p. 44 (1). Plante d'un vert påle. Aspect du S. cymbifolium var. squarrosulum. Feuilles raméales largement ovales-suborbiculaires, brusquement rétrécies en une pointe courte, très concave, obtuse-cucullée. Cellules hyalines entière (1) Au sujet de cette intéressante forme, consulter aussi mes Sphaignes d'Europe, p. 35-36, pl. II, fig. 9 et 10 et pl. III, fig. 5. ment dépourvues de papilles ou de crètes intérieurement. Cellules chlorophylleuses très larges, triangulaires-équilatérales en section transversale, émergeant sur la face dorsale ou recouvertes de ce côté par les cellules hyalines. Floride (Fitzgerald). État de New York (....?). — Sur les échantillons de l'État de New York, les cellules chlorophylleuses sont presque toujours entièrement recouvertes par les cellules hyalines sur la face dorsale, de sorte que la section transversale d'une feuille raméale est tout à fait la même que dans le S. Austini. Sur les spécimens de la Floride, au contraire, on voit presque constamment les cellules chlorophylleuses émerger assez largement sur la face dorsale; de plus, ces échantillons ont les feuilles caulinaires plus courtes, brièvement lingulées, non spathulées. Cette modification de la forme typique des feuilles caulinaires paraît être une tendance commune à beaucoup de formes tropicales et subtropicales des Cymbifolia; je l'ai encore constatée sur certains échantillons de S. cymbifolium et de S. Austini de la Louisiane. 2. S. portoricense Hampe. - (S. Sullivantianum Aust. in Amer. Journ. Sc. 1863, p. 252). - Plante robuste, d'un brun påle dans le bas, d'un vert påle glauque ou brunâtre dans le haut. Épiderme de la tige formé de 2 à 4 couches de cellules fibreuses et poreuses. Cylindre ligneux rougeâtre. - Feuilles caulinaires brièvement lingulées, souvent presque carrées, largement arrondies au sommet, sans fibres ni pores ou diversement fibrillées et poreuses; cellules marginales délicates, en partie détruites aux bords, ce qui fait paraître la feuille fimbriée sur tout le contour. - 4 ou 5 rameaux |