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NOTICE BIOGRAPHIQUE

SUR

CHARLES-JACQUES-ÉDOUARD MORREN,

professeur de botanique à l'Université de Liège,

membre de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, vice-président de la Société royale de botanique de Belgique,

PAR

FRANÇOIS CRÉPIN.

En lisant la biographie qu'Édouard Morren consacre à son père dans l'Annuaire de l'Académie pour l'année 1860, on est frappé des traits de ressemblance qui existaient entre le père et le fils. Chez ces deux botanistes, c'est le même besoin d'activité, la mème facilité de production, la même tournure d'esprit; aussi leurs carrières scientifiques semblent-elles calquées l'une sur l'autre.

Charles-Jacques-Édouard Morren naquit à Gand le 2 décembre 1833(1). En 1835, il suivit sa famille à Liège, où Charles Morren venait d'ètre nommé professeur.

La première enfance de notre regretté confrère se passa dans les environs de la ville de Liége, à Bois-l'Évèque, où

(1) Charles Morren avait épousé Mlle Marie-Henriette-Caroline, fille de M. le chevalier Verrassel.

son père habitait une maison de campagne. Tout enfant, il accompagnait fréquemment celui-ci dans ses herborisations et prit goût ainsi de bonne heure aux choses de la nature.

En quittant l'école Lanoir et Malchair, il entra, à l'age de dix ans, au collège Saint-Servais pour y faire ses humanités.

D'après ce qu'il écrivait lui-même sur son séjour au collège, il parait qu'il ne fut pas un humaniste bien brillant. « Je n'ai jamais, disait-il, obtenu qu'un prix d'anglais et un accessit en mathématiques. » Mais si les bancs de l'école n'avaient su lui inspirer une très grande ardeur pour les études classiques, en revanche il avait trouvé, dans sa famille, deux excellents éducateurs : son père tout d'abord, puis sa mère qui était une femme d'une haute intelligence(1). Ils développèrent chez l'adolescent l'amour de la nature, celui des lettres et des arts.

Entré à l'Université le 5 octobre 1849, il obtenait, le 15 avril 1851, le diplôme de candidat en philosophie et lettres.

D'après ce que rapporte M. Alphonse Le Roy, dans le Liber memoralis (2), Charles Morren songeait à faire de son fils un avocat et l'envoya suivre les cours de droit. Mais les Institutes ne souriaient guère au jeune homme, qui pensait plus volontiers aux plantes et révait d'herborisations et de voyages botaniques. Il fallut bien lui laisser suivre les traces paternelles et lui permettre l'étude des sciences naturelles.

C'est vers cette époque que ses aptitudes pour la bota

(1) Édouard Morren perdit sa mère le 25 avril 1865.

(2) LIBER MEMORALIS.

L'Université de Liège depuis sa fondation, par

Alphonse Le Roy, 1869, 1 vol. grand in-8°.

nique se révélèrent. Sous la direction de son père, il se prépara à répondre à une question de concours proposée par l'Académie pour l'année 1852. Cette question était conçue dans les termes suivants : « Exposez les différents mécanismes organiques de la coloration chez les végétaux; faites voir comment les modes de coloration se diversifient par l'age et les circonstances où les plantes se trouvent placées; démontrez les faits par de bonnes figures faites d'après des dissections nouvelles; donnez un résumé succinct de ce que la chimie organique nous apprend actuellement sur ces matières; rattachez, enfin, les faits de l'ordre histologique avec les doctrines physiologiques sur la distribution et les modifications que la nature et la culture nous démontrent exister dans les couleurs des organes, et principalement des fleurs. »

En réponse à cette question, l'Académie ne reçut qu'un seul mémoire formant un manuscrit de 516 pages petit in-folio, accompagné d'un atlas de 28 planches. L'auteur de ce mémoire était Édouard Morren. MM. Spring, Martens et Kickx furent chargés de l'examiner. Les longs rapports de ces commissaires constatent que ce travail ne répond pas d'une façon complète à la question proposée, et décident qu'il n'y a pas lieu de décerner le prix; mais, en présence des faits nouveaux renseignés par l'auteur, ils proposent d'accorder à celui-ci une médaille de vermeil. Il n'y a pas à s'étonner de ce demi-succès: la question était extrêmement ardue et eût exigé une très longue préparation. Ce hardi début faisait bien présager de l'avenir; la récompense si flatteuse qui en fut la suite engagea Édouard Morren à reprendre ses recherches. Celles-ci servirent plus tard de base à une thèse qu'il présenta à la Faculté des sciences de l'Université de Gand et qui fut publiée, en 1858, sous le titre de : Dissertation sur les feuilles vertes et colorées.

Le 3 août 1853, l'auteur obtint le diplôme de candidat en sciences naturelles avec grande distinction.

En 1854, il prit son inscription pour suivre les cours de la candidature en médecine, mais le jeune homme fut bientôt arrèté dans ses études médicales.

Un grand malheur s'abattit inopinément sur l'heureuse famille Morren; son chef, vaincu par l'excès du travail, tomba gravement malade et se vit forcé d'abandonner sa chaire au mois de février 1855. Cette catastrophe appela le fils ainé à prendre en main la mission si grave de chef de famille. Malgré son jeune âge, Édouard Morren envisagea la situation qui lui était faite avec le plus grand courage et son amour filial lui fit entreprendre des choses devant lesquelles bien d'autres eussent reculé.

Il importe tout d'abord que les cours de son père ne soient pas interrompus. Toute la Faculté des sciences, prenant le plus vif intérêt à l'infortune de la malheureuse famille, favorise et appuie le projet d'Édouard de remplacer provisoirement son père. Le Gouvernement, sollicité par de hautes influences, se décide à confier momentanément la chaire de botanique au jeune candidat en sciences naturelles. Le 8 mars 1855, le professeur improvisé débuta par une leçon qui fut un véritable succès.

Dès ce moment, le jeune botaniste commence une œuvre remplie de difficultés et extrêmement laboricuse. Il s'agit non seulement de remplacer son père comme professeur, mais encore comme directeur de plusieurs publications périodiques importantes (1). A force d'énergie et d'intel

(1) La Belgique horticole et le Journal d'agriculture pratique du royaume de Belgique.

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