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vifs. Il finit par rapporter en entier un jugement doctrinal de la Faculté de théologie de Paris, de l'an 1398, composé de vingt-huit articles, dans lesquels tous les cas de sorcellerie sont exprimés. La Faculté conclut que ceux qui se trouvent coupables de quelqu'un de ces cas, doivent être punis, non seulement par l'application des peines canoniques et ecclésiastiques, mais encore des plus rigoureux supplices (1).

Du temps de Philippe de Valois, il était défendu, en France, sous peine de la vie, de s'adonner à quelque espèce de divination que ce fût: on condamnait même à la mort les physionomistes, ceux qui prétendaient juger par les traits du visage, de ce qui pouvait arriver d'heureux ou de malheureux aux hommes. En Espagne, au contraire, toute espèce de magie était cultivée, et même honorée. Ferdinand-le-Catholique fut le premier qui, après avoir conquis le royaume de Grenade, et chassé les Maures d'Espagne,. fit fermer les écoles de cette exécrable étude, dont l'université de Tolède avait été pendant long-temps le centre. Les Juifs et les Arabes prenaient leurs degrés dans cette université, et se répandaient de là par tout le monde. On n'était pas bon magicien si l'on n'avait etudié à Tolède (2).

(1) Voyez la Démonomanie des sorciers, dont la première édit. est de 1580. Le jugement doctrinal de 1398 (et non pas 1318, comme on l'annonce dans les Mélanges tirés d'une grande bibliothèque), se trouve à la fin de la préface de Bodin. (2) Voyez Pierre Massé, avocat du Mans, Traité de l'im

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«Dans ces siècles de crédulité, » dit un auteur moderne, fort suspect, d'ailleurs, mais en cela trèscroyable (1), « les dieux ne descendaient plus de l'empirée, mais c'étaient les démons qui sortaient << de l'enfer pour s'incarner, et sous différentes for<<< mes cohabiter avec les femmes. On ne parlait que <<< des diables incubes et des diables succubes. La plupart de ceux qui avaient des aventures galantes << passaient pour avoir employé la magie; les intrigues d'amour allaient rarement sans le secours du <«< diable: c'est ce préjugé qui perdit Guillaume Ede<«<lin, prieur de Saint-Germain-en-Laye, qui, avec <«< un cœur trop tendre, eut le malheur de trouver << une femme trop sensible qui répondit à ses ardeurs sacriléges. La grossesse de son amante fut contre « lui une preuve de sortilége. Il avait beau dire qu'il « ne croyait pas aux sorciers; qu'il avait prêché <«< contre ceux qui entretenaient le peuple dans la « croyance à la magie: Ce qu'il en a fait, répondirent <«< ses ennemis, ce n'est que pour mieux tromper les << hommes.

« Edelin fut mis dans un cachot de l'officialité « d'Evreux. On lui donna lá question, en présence <«< d'un inquisiteur de la foi, pour avoir l'aveu de son

posture et tromperie des diables, devins, enchanteurs, sorciers, noueurs d'éguillettes, chevilleurs, nécromanciens et autres, qui, par cette invocation diabolique, arts magiques et superstitions, abusent le peuple, etc., 1579.

(1) L'abbé Duvernet, Hist. de la Sorbonne.

<«< crime; et on lui promit sa grâce s'il s'avouait sor<«< cier. Il convint, pour sauver sa vie, qu'il avait re« noncé à Dieu, qu'il allait au sabbat en chevauchant «< sur un balai, qu'il y avait vu et adoré le diable «‹ sous la figure d'un bouc, et qu'il lui avait baisé le « derrière ; Deo renunciavisse, diabolum hirci figurá visum adorasse, et podici ejus oscula de« disse (1).

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« Ce mensonge que lui arrachèrent la torture et << la crainte de la mort, le déroba au feu. L'évêque « d'Evreux, son juge, usa de miséricorde, et ne le « condamna, pridiè natalis, la veille de la Noël, qu'à « une abstinence perpétuelle, et à être enfermé dans <«< une fosse pour le reste de ses jours.

« Le jésuite Delrio, Bodin et autres démonogra« phes, assurent qu'Edelin était un vrai magicien. » Pour prouver qu'il existe des sorciers, Daneau rapporte les pièces d'un procès où il paraît avoir assisté, et dans l'instruction duquel deux sorcières furent convaincues, par leur propre témoignage, d'avoir été présentes au sabbat, de s'y être rendues par les airs, montées sur un manche à balai, et d'avoir reçu du diable même les marques de leur association (2). Daneau se tait sur le lieu où se passa cette

(1) Historic spect.

(2) Dialogue contre les sorciers. Daneau était protestant, Il publia divers Traités contre les danses et le jeu. Une des plus fortes raisons qu'il oppose au goût du jeu, c'est que la robe de Notre Seigneur a été jouée avec des dés !!!

affreuse scène : il ne dit pas si ces malheureuses furent brûlées; mais il déclare qu'on ne peut trop faire de ces terribles exemples, pour épouvanter les coupables. Suivant le Père Michalis (1), les femmes ont bien plus d'habileté que les hommes dans l'art de la sorcellerie, et plus de propension à l'exercer; mais il est un moyen bien simple de résister à leurs enchantemens, c'est de donner à nos enfans des noms d'anges et de saints qui aient eu quelqu'empire sur le diable, tels que saint Michel, saint Antoine, etc.....

Le Père Crespet (2), non content de démontrer par quelques traits de l'Ecriture sainte, qu'il y a des sorciers, en emprunte encore de l'histoire grecque et fabuleuse pour mettre cette vérité dans tout son jour. « Oreste, dit-il, fut possédé du malin esprit pour avoir tué sa mère, et obligé d'aller se faire exorciser dans la Tauride par la prêtresse de Diane, qui se trouva être Iphigénie, sa sœur. » Comme il n'y eut jamais tant de possédés en France que dans le seizième siècle, le Père Crespet s'était chargé du soin d'en exor

(1) Dominicain, auteur de la Pneumalogie, ou Discours des esprits, publié en 1587. Cet ouvrage a été réimprimé en 1614, avec l'Histoire admirable de la possession et conversion d'une pénitente séduite par un magicien, la faisant sorcière et princesse des sorciers au pays de Provence, conduite à la sainte Baume pour y être exorcisée, etc.

(2) Célestin de Paris, auteur d'un ouvrage imprimé en 1590, sous le titre de la Haine de Satan et malins esprits contre l'homme, et de l'homme contre eux, dédié au duc de Mayenne.

lui répon

ciser quelques-uns. Un jour s'étant avisé de demander aux diables pourquoi ils étaient alors en si grand nombre dans ce royaume : « Nous sommes, dirent-ils, des démons échappés des deux Indes. Les prédications de François-Xavier en Asie, et celles de plusieurs missionnaires en Amérique, ayant opéré beaucoup de conversions, nous ont forcés à quitter ces contrées lointaines : n'y trouvant plus d'asile, nous nous sommes réfugiés dans ce pays - ci, où tout le monde est chrétien, à la vérité, mais où la plupart des gens ont une assez mauvaise conduite pour que leurs corps nous fournissent des logemens convenables et commodes. >>

Massé (1) rapporte que, de son temps, la divination la plus à la mode en France s'opérait par les miroirs magiques; qu'on y voyait ce qu'on voulait; qu'on usait aussi de bagues enchantées, dans lesquelles il y avait des esprits renfermés; qu'en les approchant de son oreille, ils répondaient à toutes les questions qu'on voulait leur faire; et qu'on pouvait d'ailleurs s'attacher de petits esprits follets appelés servans, parce qu'ils exécutaient toutes les volontés de ceux auxquels ils se dévouaient. Froissart, qui séjourna long-temps à la cour de Gaston Phébus, comte de Foix, nous apprend que ce seigneur avait un de ces esprits familiers à ses ordres. Ce lutin avait d'abord été attaché à un prélat romain, qu'il avait quitté pour un baron gascon : celui-ci, qui était vassal du

(1) Pierre Massé, ubi suprà.

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