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la plus ancienne notion qui nous en reste, se trouvedans le livre d'Esther, où l'on voit qu'Assuérus envoya ses courriers en toute diligence dans les cent vingt-sept provinces de son royaume, pour porter la révocation des ordres que l'impie Aman avait surpris contre le peuple juif deux mois auparavant : Ipsœque epistolæ, quæ nomine regis mittebantur, annulo ipsius obsignatæ sunt, et missæ per veredarios, qui per omnes provincias discurrentes, veteres litteras novis nunciis prævenirent (1).

Les Grecs étaient divisés en plusieurs Etats peu considérables par l'étendue de pays; ainsi ils n'avaient pas grand besoin d'avoir recours aux moyens extraordinaires pour entretenir la correspondance intérieure dans chaque domination : c'est peut-être pour cela qu'ils n'ont point fait usage des postes; du moins, on ne trouve pas de preuves suffisantes qu'il y en ait eu de leur temps. Ils auraient sans doute perfectionné cette partie, comme toutes les autres choses auxquelles ils se sont attachés, et il en serait passé quelques vestiges jusqu'à nous.

Loin d'être stérile sur ce que les Romains ont fait pour cet établissement, l'histoire nous en découvre la première forme, le progrès et les avantages qu'ils en ont retirés; de quelle manière ils avaient distribué les postes, depuis Rome jusqu'aux extrémités de l'empire; quelle sorte d'officiers, de domestiques et d'artisans il y avait sur toutes les grandes routes, pour pren

(1) Lib. Esther...

dre soin des équipages, des chevaux et des voitures, afin que les empereurs, leurs courriers, les magistrats et les généraux qu'ils envoyaient dans les provinces, fussent promptement servis; les fonds destinés à cet entretien, et les personnes qui avaient droit de poste. On croit qu'il y a eu a eu des postes en France du temps de Charlemagne (1). On tient aussi qu'il chargea ses peuples de cette dépense. Cependant nous n'avons aucune connaissance de l'ordre et de la durée de cet établissement sous son règne, non plus que sous Louis-le-Débonnaire son successeur : nous n'avons même, durant six cent cinquante années consécutives depuis Charlemagne, ni titres ni monumens qui fassent mention des postes assises dans le royaume, si l'on en excepte une ancienne charte de Louis VI, dit le Gros, contenant une donation faite à l'église de Saint-Martin-des-Champs, dans laquelle un Baudouin a signé avec ce prince en qualité de grandmaître des postes, à ce que l'on croit, Balduinus veredarius (2); mais le peu de lumière qu'on tire

(1) Les Romains avaient établi dans les Gaules, comme dans les autres provinces de l'empire, des postes réglées distribuées de distance en distance sur les grandes routes; mais ces postes étaient uniquement consacrées au service du prince et de l'Etat; les courriers ne se chargeaient point des lettres des particuliers; et il paraîtrait même que ces établissemens ne se seraient point soutenus dans les siècles de barbarie qui suivirent la chute de la domination romaine.

(2) Du Chesne, Hist. de la maison de Montmorenci, p. 33、 Glossar. Cangii, in verb. Veredarii.

de cet acte par rapport à la qualification de l'officier, ne permet point d'avancer qu'il y ait eu en France, auparavant le quinzième siècle, d'autres postes que celles de Charlemagne ; encore faut-il réduire tout ce qu'il a fait en ce genre (suivant l'auteur qui en parle) à trois routes sur lesquelles on pouvait courir en poste; l'une pour l'Allemagne, l'autre pour l'Italie, et la troisième pour l'Espagne, afin d'aller et de revenir promptement dans ces trois provinces nouvellement soumises à sa domination: Carolus Magnus, populorum impensis, tres viatorias stationes in Gallid constituit, anno Christi octingentesimo septimo: primam propter Italiam à se devictam, alteram propter Germaniam sub jugum missam, tertiam propter Hispanias (1). Cette entreprise l'obligea à des dépenses considérables pour paver les grands chemins, pour construire des ponts, et pour faire d'autres ouvrages semblables, que plusieurs rois ses successeurs n'ont pu imiter, même dans les choses de moindre dépense, puisque le premier pavé des villes n'a commencé que deux cent soixante-dix ans après ce prince, sous Philippe-Auguste. Ainsi, ces premières postes ont été vraisemblablement de peu de durée. D'ailleurs, il n'y en avait que sur trois routes; de là vient qu'on ne défère point à Charle

(1) Julian. Taboëtius, juriscons., in Paradox. regum et summi magistratús privilegiis, in septimo jure regio. Bergier, Hist. des grands chem. de l'emp. rom., 1. 3, p. 677.

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magne l'honneur d'avoir fait cet établissement pour le royaume de France.

:

Nous sommes redevables à Louis XI d'une si belle institution la plupart des auteurs la regardent dans son objet, comme un ressort qui devenait absolument nécessaire aux vues de sa grande politique (1); mais l'établissement, considéré en lui-même, ne se montre pas moins supérieur à tout ce que l'on avait fait auparavant. S'il était question du parallèle, on trouverait d'autre conformité entre les postes établies par Louis XI et celles des anciens, que dans le service de l'Etat, et dans la diligence extraordinaire qu'ils faisaient faire à leurs courriers. Mais le monarque de France sera toujours distingué pour n'avoir rien fait en cela qui ait été onéreux à ses peuples, et qui en ait jamais attiré les plaintes : loin de là, les mesures qu'il a prises pour former son établissement, ont laissé des moyens si faciles pour perfectionner l'usage des postes, qu'elles sont devenues utiles, même nécessaires au public et aux particuliers, par la facilité qu'il y a de s'en servir en tout temps et en toute conjoncture, pour les affaires publiques et privées de la religion, de la justice, de la guerre, de la finance et du commerce, aussi bien que pour les besoins communs de la société, de manière que cet établis

(1) Chronique de Louis XI, par Philippe de Commines, c. 97. Du Tillet, en sa Chronique des rois de France, p. 282. Bergier, Hist. des grands chem., 1. 4, p. 577. Mézerai, t. 3, p. 338. Varillas, en son Hist. de Louis XI, t. 2, l. 10, p. 26.

sement se trouve intéresser presque toutes les parties

de l'ordre public.

Il n'est pas besoin de s'étendre sur la grandeur de l'entreprise, dès qu'on peut voir les lettres mêmes de Louis XI: elles sont rédigées en termes clairs et précis, qui caractérisent mieux que tout ce que l'on pourrait dire, sa prévoyance et la beauté de l'établissement : « Le roi y expose qu'ayant mis en délibé«<tion avec les seigneurs de son conseil, qu'il est « moult nécessaire et important à ses affaires et à son «Etat de sçavoir diligemment nouvelles de tous cô<< tez, et y faire, quand bon lui semblera, sçavoir des << siennes, d'instituer et d'établir en toutes les villes, «< bourgs, bourgades, et lieux que besoin fera juger plus commodes, un nombre de chevaux courants << de traite en traite, par le moyen desquels ses com«< mandemens puissent être promptement exécutez; << et qu'il puisse avoir nouvelles de ses voisins quand << il voudra, veut et ordonne ce qui ensuit:

« Art. I. Que sa volonté et plaisir est, que dès à << présent et doresnavant, il soit mis et établi spécia<«<lement sur les grands chemins de sondit royaume, (( de quatre en quatre lieues, personnes seables, et « qui feront serment de bien et loyaument servir le «< roi, pour tenir et entretenir quatre ou cinq che<< vaux de legère taille, bien harnachez et propres <«< courir le galop durant le chemin de leur traite, lequel nombre se pourra augmenter s'il est besoin.

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« Art. II. Pour le bien et sûr entretenement de la

« présente institution et établissement, et générale

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