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sol français? Voulait-on faire, allusion au vote populaire qui avait sanctionné le pouvoir impérial de Napoléon, et se prétendait-on légitime au même titre parce qu'en 1830 un groupe de députés sans mandat avait acclamé la monarchie des barricades? Mais alors l'imprudence devenait trop évidente, et la comparaison n'était pas à l'avantage de la dynastie d'Orléans. On verra bientôt comment la phrase de M. de Rémusat fut commentée et relevée par celui qu'elle devait naturellement intéresser le plus.

Nous avons dit que, grâces aux yotes des Chambres, l'existence du ministère du 1er mars ne pouvait plus être ébranlée à l'intérieur; mais les questions extérieures présentaient pour lui de grands dangers, et particulièrement celle d'Orient qui s'aggravait de plus en plus. Lord Palmerston s'était bien montré empressé et courtois en répondant à la note que M. Guizot avait été chargé de lui remettre relativement à cette affaire de la translation des cendres de l'Empereur, mais il n'en préparait pas moins sourdement le traité dụ 15 juillet, œuvre de haine contre la France accomplie, comme on le verra, par l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse et la Russie sans que le cabinet des Tuileries eût reçu même officieusement d'avertissement préalable.

Avant d'insister sur ce traité et sur ses consé

quences, indiquons rapidement la situation générale de l'Europe, où les germes de perturbation et de guerre étaient alors singulièrement multipliés. L'action britannique s'y retrouvait sur plus d'un point, et la ligne de conduite suivie presque partout par lord Palmerston était déjà un grave ayertissement pour le cabinet du 1er mars.

A Naples, un différend s'était produit entre le gouvernement des Deux-Siciles et la GrandeBretagne, et, quoique prenant sa source dans des intérêts tout matériels, peut-être même à cause de cette circonstance, ce différend était de nature à amener dans la politique européenne les plus sérieuses complications:

On sait que la Sicile renferme un grand nombre de mines de soufre qui forment la branche la plus importante de son commerce, car c'est presque exclusivement à ce sol volcanique que l'industrie du monde entier va demander les produits sulfureux dont elle a besoin. Toutefois, les capitaux ont longtemps manqué à l'exploitation des solfatares, et l'état déplorable des voies de communication rendant les transports extrêmement difficiles, les soufres de Sicile furent grevés de frais considérables. Les Anglais, ces hardis investigateurs, avaient compris de bonne heure combien une telle exploitation pouvait être productive, même dans des conditions relativement désavantageuses. Plu

sieurs compagnies s'étaient formées; des établissements se fondèrent, et, grâce aux avantages que des capitalistes considérables leur donnaient sur les producteurs siciliens, ces établissements accaparèrent bientôt le monopole de l'exploitation. Une activité immense fut donnée par eux à la production qui devait bientôt favoriser d'une façon toute particulière la fabrication de la soude factice en Angleterre. On comprend que, dans les conditions exceptionnelles où se trouvaient placés les établissements anglais, les producteurs nationaux ne pussent lutter contre eux avec avantage, et les choses en étaient arrivées à ce point lorsque, dans le courant de 1838, la compagnie française TaixAicar conclut avec le gouvernement napolitain un traité relatif à l'exploitation des soufres de Sicile. L'article 2 de ce traité portait en substance: « La compagnie s'oblige à acheter tous les ans le soufre qui sera produit en Sicile jusqu'à la concurrence de 600,000 cantari. L'expérience a prouvé clairement que toute production d'une plus forte quantité occasionne de grands dommages. Et comme la quantité produite s'est élevée quelquefois, pendant les dernières années, jusqu'à 900,000 cantari, afin de donner aux producteurs une compensation pour l'excédant du soufre qu'ils auraient pu, mais ne pourraient plus produire, la compagnie s'oblige à leur payer une indemnité de 4 carlini par can

taro tous les ans, sur les 300,000 cantari dont on aura empêché la production. » Mais, en même temps, le gouvernement. accordait toute liberté aux producteurs placés en dehors du traité, quant à l'exportation et à la vente de leurs récoltes.

Toutefois, en limitant la production par l'article que nous venons de citer, on portait un certain préjudice aux établissements anglais qui, jusque-là, avaient exploité librement un grand nombre de solfatares et fait de sérieuses avances de capitaux.

La Grande-Bretagne se hâta de protester contre la convention; le ministre anglais, M. Mac-Gregor, proposa, au nom de son gouvernement, un nouveau traité de commerce, mais en stipulant, comme condition première, l'annulation des priviléges de la compagnie Taix-Aicar qui, disait-il, attaquaient formellement les conventions de 1816. Cette protestation était violente dans la forme : le cabinet anglais blâma la forme, mais approuva le fond, et les réclamations devinrent si vives que le roi de Naples fit proposer à la compagnie française la résiliation du contrat moyennant indemnité. Alors l'Angleterre devint plus exigeante; son chargé d'affaires, M. Temple, demanda la rupture immédiate du traité des soufres, et ajouta à cette sommation une demande d'indemnité pour les sujets anglais dont les intérêts avaient été lésés par ses conséquences; des menaces de guerre ap

III.

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puyaient, comme toujours, ces réclamations hautaines.

La réponse du roi fut pleine de dignité. « Le traité de 1816, dit-il, n'est évidemment pas violé par le contrat des soufres. Au lieu d'avoir éprouvé des dommages, les sujets anglais ont réalisé des bénéfices considérables. J'ai donc pour moi Dieu et la justice, et j'ai plus de confiance dans la force du droit que dans le droit de la force. »>

Des actes donnèrent promptement à ces paroles royales une signification sérieuse. Les ports siciliens furent mis en état de défense, une partie de l'armée de terre fut envoyée en Sicile, tandis que la flotte napolitaine se disposait à défendre le littoral. Une lutte inégale sans doute, mais honorable pour le gouvernement napolitain, semblait devoir s'engager, car l'escadre anglaise s'avançait rapidement sur Naples, et déjà quelques navires avaient été capturés de part et d'autre, lorsque le cabinet des Tuileries vint offrir sa médiation, qui fut accep tée le 26 avril 1840.

Des négociations s'entamèrent aussitôt. Le roi de Naples maintint sa résolution première, qui était de dissoudre le contrat en indemnisant la compagnie; et, comme il fallait fixer cette indemnité, le prince de Campo-Franco et le procureur général près la Cour des comptes furent chargés de cette mission.

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