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rectionnelle qui était pour ainsi dire dans l'air. Cette attitude empêcha les royalistes d'accueillir la cour par une sérénade, comme ils en avaient le dessein. D'un autre côté, les ministres prévoyant une crise et encouragés par les conseils du duc de la Victoire, déclarèrent à la régente qu'ils jugeaient convenable d'en revenir définitivement au programme politique d'Antonio Gonzalès. MarieChristine repoussant cette prétention qui cachait un piége, tous déposèrent leur portefeuille entre ses mains, et, le 28 août, la régente formait un cabinet nouveau composé d'hommes appartenant à l'opinion de la majorité des cortès qui avait voté la loi des ayuntamientos.

C'est ce qu'Espartero avait espéré : la publication de cette liste ministérielle provoqua immédiatement le soulèvement de Madrid dont la municipalité, s'emparant de tous les pouvoirs, se déclara en permanence. Une junte se forma, M. Ferraz, l'un des ministres démissionnaires, en accepta la présidence. Barcelone, Saragosse, Burgos, Tolède, Salamanque, Grenade, firent aussitôt leurs pronunciamientos et les principales villes du centre et du midi de l'Espagne suivirent promptement cet exemple révolutionnaire. Que pouvait tenter MarieChristine en présence d'une semblable démonstration? Elle eut d'abord la pensée de faire marcher sur Madrid deux brigades de la garde, commandées

par le général Claveria qui eût rallié le capitaine général Aldama demeuré fidèle à la cause de la régente au milieu d'une population soulevée. Diego Léon recevait en même temps l'ordre de se porter sur Valence où il se serait joint à O'Donnell. Mais l'insurrection s'étendait trop rapidement pour que Marie-Christine pût donner suite à ce vigoureux projet. Des contre-ordres furent envoyés aux généraux, et la régente écrivit au duc de la Victoire pour lui demander son concours. Elle courbait la tête devant la fortune contraire.

Espartero après bien des indécisions, mais vivement pressé par Linage, répondit à la communication royale par l'envoi d'un manifeste répandu à profusion dans les provinces et qui se terminait ainsi : « Je suis convaincu que l'on peut éviter les maux de mon pays en appréciant les conseils que j'avais cru devoir donner à Votre Majesté pour les conjurer. Que Votre Majesté publie une déclaration pleine de franchise, promettant que la constitution ne sera pas altérée, que les Cortès actuelles seront dissoutes et que les lois rendues par elles seront soumises à la délibération de nouvelles Cortès qui seront convoquées; ce manifeste tranquillisera les esprits si, en même temps, Votre Majesté choisit six conseillers de la couronne d'opinions libérales, purs, justes et sages. Alors, n'en doutez pas, tous les dissidents renonceront à leur

attitude hostile. L'armée conservera la discipline, maintiendra l'ordre et le respect aux lois; elle sera la forte égide du trône constitutionnel, notre indépendance sera respectée, et on verra commencer l'ère de prospérité dont a besoin cette nation pour être récompensée de ses généreux sacrifices et de ses héroïques efforts. >>

La régente, qui ne voulait rien céder relativement à la loi des ayuntamientos votée par les cortès, consentit seulement à remplacer ses ministres par des hommes d'opinion plus avancée. Mais la junte de Madrid ayant défendu sous peine de mort à tout citoyen ou fonctionnaire public d'entrer en communication avec Marie-Christine, les ministres désignés se hâtèrent de décliner l'honneur qui leur était fait. Alors la régente fit savoir à Espartero qu'elle le chargeait de former un cabinet dont elle lui donnait la présidence, tout en l'autorisant à se rendre à Madrid pour apaiser le mouvement et s'entendre avec la junte gouvernementale qui avait concentré tous les pouvoirs. Le duc de la Victoire fit son entrée à Madrid dans un carrosse attelé de six chevaux, au milieu des acclamations populaires. Jamais, à aucune époque de sa carrière politique, il ne dut se croire plus près de jouer, Cromwell au petit pied, ce rôle de protecteur qu'il semble avoir toujours entrevu dans ses rêves ambitieux. Arbitre souverain des destinées de l'Espagne, n'y régnait-il

pas plus réellement alors que la fille de Ferdinand VII? Il composa son ministère de façon à satisfaire pleinement les exigences de la junte centrale tout en donnant des portefeuilles à ses amis. M. Joaquin Ferraz eut celui des affaires étrangères, M. Cortina, l'intérieur, le général Chacon, la guerre, MM. de Gamboa, Gomez Becarra et Joaquin Frias, les départements des finances, de la justice et de la marine.

Cependant la situation était trop tendue pour ne pas amener quelque complication soudaine. Le bruit circulait depuis plusieurs mois que la reine Marie-Christine avait épousé secrètement M. Munoz, ancien officier aux gardes, et les révolutionnaires, qui avaient su se procurer une copie authentique de l'acte de mariage, s'étaient emparés de ce fait comme d'une arme de guerre pour combattre la régence de la veuve de Ferdinand. Le 9 octobre 1840, Espartero appelé à Valence avec les ministres ses collègues, chercha vainement à faire adopter par Marie-Christine les points principaux de son manifeste. La reine fut inflexible sur la question de la loi des ayuntamientos. Les membres du nouveau cabinet introduits auprès d'elle dans la soirée de ce même jour ne parvinrent pas davantage à ébranler sa résolution. La loi avait été constitutionnellement votée par les cortès; il n'appartenait point au chef de l'État de la supprimer. Les

III.

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autres conditions du manifeste furent également passées en revue et les ministres après avoir discuté toute la nuit ne se retirèrent qu'aux premières lueurs du jour.

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Le lendemain, la régente les mandait de nouveau auprès d'elle et leur déclarait sa ferme résolution d'abdiquer ses hautes fonctions. L'acte d'abdication renfermait les passages suivants : « La situation actuelle de la nation et l'état précaire de ma santé m'ont décidée à renoncer à la régence du royaume qui, pendant la minorité de mon illustre fille Isabelle II, m'a été conférée par les cortès constituantes de la nation assemblées en 1836... Ne pouvant acquiescer à aucune des exigences du peuple que mes conseillers croient devoir être prises en considération pour calmer les esprits et mettre un terme à la situation actuelle, il m'est absolument impossible de continuer à remplir ces fonctions... Je confie à la nation mon auguste fille. Les ministres qui doivent, conformément à l'esprit de la constitution, gouverner le royaume jusqu'à la réunion des cortès, m'ont donné trop de preuves de dévouement pour que je ne leur confie pas avec le plus grand plaisir ce dépôt sacré. Voulant que ceci reçoive son plein et entier effet, je signe le présent acte d'abdication, qu'en la présence des autorités et corporations de cette ville, je remets entre les mains du président de mon conseil

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