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voter par la Chambre une dot d'un million promise depuis quatre ans à la reine des Belges. Quant à l'apanage de M. le duc de Nemours, le cabinet déclara que la demande était ajournée.

D'autres détails restaient à régler la princesse Hélène était protestante et, au point de vue religieux, c'était une grande dérogation aux habitudes matrimoniales de nos souverains qu'une union de cette nature, car la princesse ne devait point renoncer à la croyance de ses pères. Louis-Philippe écrivit à Grégoire XVI pour obtenir les dispenses nécessaires à la conclusion de ce mariage mixte. Les dispenses furent accordées et le bref pontifical renfermait cette phrase: «Sous la condition que notre très-cher fils le duc d'Orléans priera et exhortera chaque jour la femme qui va s'unir à lui, et qu'il s'efforcera de la ramener au véritable troupeau de l'Église; sous condition aussi que tous les enfants qui seront procréés de ce mariage seront élevés dans la religion catholique, apostolique et romaine. » Du reste, dans les calculs politiques du roi, il n'était pas mauvais d'avoir auprès du trône une princesse protestante. Cette circonstance pouvait rallier certains intérêts autour de la dynastie de 1830, et Louis Philippe était homme à ne rien négliger dans cet ordre d'idées.

Ce fut M. le duc de Broglie qui fut chargé d'aller en mission extraordinaire à Ludwigslust, capitale

du petit État de Mecklembourg - Schwerin, pour accomplir la formalité de la demande officielle de la main de la princesse. Le duc de Broglie devait l'accompagner dans son voyage jusqu'à Fontainebleau, où le roi avait décidé que se ferait le mariage. La princesse se montra durant toute la route pleine d'attentions délicates pour le noble envoyé, à ce point qu'elle lui fit, dit-on, remarquer des sites d'outre-Rhin témoins de victoires remportées par le maréchal de Broglie, son grand-père. A la frontière de France, un autre représentant de la vieille aristocratie française, M. le duc de Choiseul, attendait la princesse par ordre du roi, qui avait mis dans ces choix une sorte de coquetterie. M. Weyland, ministre résident de Saxe-Weimar à Paris et chargé des affaires de Mecklembourg, attendait avec le duc de Choiseul l'arrivée de la princesse, qui fut reçue sous des arcs de triomphe. Le 29 mai elle arrivait à Fontainebleau accompagnée de la petite cour que le roi lui avait faite.

La maison de madame la duchesse d'Orléans se trouva ainsi composée : la maréchale comtesse de Lobau, dame d'honneur; les comtesses Anatole de Montesquiou, de Chanaleilles, d'Hautpoul, dames pour accompagner; la marquise de Vins, lectrice; le duc de Coigny, chevalier d'honneur; les ducs de Trévise et de Praslin, chevaliers d'honneur adjoints. M. le comte de Flahaut était en même

temps nommé premier écuyer du prince royal. Tout était préparé au palais de Fontainebleau pour recevoir la princesse avec une pompe peu usitée jusque-là à la cour bourgeoise des Tuileries. Louis-Philippe, peut-être en prévision de quelque important événement dynastique, avait splendidement restauré ce palais, si merveilleusement orné par les maîtres de la Renaissance, et tout rempli des souvenirs de cette grande trinité de rois, François Ier, Henri IV, Louis XIV. Les formalités du mariage civil furent accomplies le 30 mai dans la galerie de Henri II; le baron Pasquier, récemment élevé par le roi à la dignité de chancelier de France, faisant les fonctions d'officier de l'état civil, les quatre vice-présidents de la Chambre des Pairs, le président et les quatre vice-présidents de la Chambre des Députés, remplissant l'office de témoins, ainsi que les maréchaux Soult, Gérard, Lobau, le prince de Talleyrand, le duc de Choiseul, le baron de Rantzau et M. Bresson 2. Une double cérémonie religieuse devait avoir lieu, puisque la princesse était luthérienne, et depuis le premier mariage de Henri IV, pareille chose ne s'était point vue à la cour de France. Il y eut de grandes et brillantes réceptions auxquelles furent conviées à tour de rôle, indépendamment des membres du

1. A la date du 27 mai 1837.

2. Ces trois derniers étaient témoins de la princesse.

corps diplomatique, spectateurs en quelque sorte obligés de ces sortes de solennités, les individualités les plus marquantes de la haute société parisienne ralliée au pouvoir de 1830. Mais quelque brillantes que fussent ces fêtes données à Fontainebleau, elles devaient toutes être surpassées par l'inauguration, projetée par le roi, du musée historique de Versailles. Nous y reviendrons tout à l'heure, car ce fut une des grandes et intéressantes scènes du règne de Louis-Philippe.

La cour, en quittant Fontainebleau le 4 juin 1837, vint à Saint-Cloud, et ensuite eut lieu l'entrée de la duchesse d'Orléans dans Paris. Le cortége, dont les moindres dispositions avaient été réglées d'avance, devait passer sous l'arc de triomphe de l'Étoile, récemment terminé. Cette cérémonie eut beaucoup d'éclat, et le peuple parisien fit un accueil sympathique à la jeune étrangère qui ne craignait pas de venir le voir de près. Une mesure prise par le ministère, et dont l'initiative appartenait au comte Molé, avait merveilleusement préparé l'opinion publique à l'enthousiasme. Une amnistie venait d'être accordée à tous les individus détenus dans les prisons de l'État par suite de condamnations prononcées pour crimes et délits politiques, tout en maintenant la surveillance à l'égard des condamnés à des peines afflictives ou infamantes. « Sire, disait M. Barthe dans le rap

port au roi qui précédait l'ordonnance, la nation entière s'associe aux émotions de votre cœur paternel en voyant approcher une union qui va perpétuer votre dynastie. Votre Majesté a jugé que le moment était venu de donner cours aux inspirations de son âme. Elle fera descendre du haut du trône l'oubli de nos discordes civiles et le rapprochement de tous les Français. Un tel acte ne peut plus être qu'un éclatant témoignage de la puissance de l'ordre et des lois. Votre gouvernement, après avoir plus combattu et moins puni qu'aucun autre, aura tout pardonné..... » Cette mesure de l'amnistie qui, nous le répétons, fut particulièrement patronnée par le comte Molé, et ne triompha que grâce à lui des répugnances de certains membres du cabinet, lui fit une place toute spéciale dans l'affection de M. le duc d'Orléans. Le prince lui a témoigné, par un paragraphe de son testament, la vive satisfaction qu'il avait ressentie de cet acte si habilement précurseur des fêtes de son mariage.

Le 10 juin eut lieu la solennité, demeurée célèbre, de l'inauguration des galeries historiques de Versailles, musée national destiné à reproduire toutes les gloires de la France; ce fut un noble sentiment que celui qui inspira à Louis-Philippe l'idée de restaurer le palais de Versailles. Cette première et sanglante étape de la grande révolution française,

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