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Mansourah reçurent également plusieurs batteries de siége. Le 9 octobre le feu commença au milieu des raffales d'une tempête toute semblable à celles qui avaient, l'année précédente, assailli d'une si déplorable façon le corps d'armée du maréchal Clausel. Le 11 une large brèche était déjà ouverte, le 12 cette brèche était praticable.

Cependant, avant de donner l'assaut, M. de Damrémont voulut envoyer un parlementaire à Achmet-Bey; il était porteur d'une sorte de proclamation traduite en arabe, et adressée aux habitants. << Si vous voulez éviter de grands malheurs, disait cette missive, soumettez-vous pendant qu'il en est temps encore. Je vous garantis par serment que vos femmes, vos enfants et vos biens seront respectés, et que vous pourrez continuer à vivre paisiblement dans vos maisons. Envoyez des gens de bien pour me parler et pour convenir de toutes choses avant que j'entre dans la ville. Je leur donnerai mon cachet, et ce que j'ai promis, je le tiendrai avec exactitude. » La réponse fut fièrement négative. « Si votre intention est de faire la paix, disait Achmet, cessez votre feu, rétablissez la tranquillité; alors nous traiterons de la paix et verrons éteindre cette guerre d'où il ne peut résulter aucun bien. » L'assaut fut résolu pour le lendemain 13 octobre.

Mais dans la soirée du 12 le général Damrémont,

visitant la batterie de Koudiat-Aty, et s'arrêtant pour considérer la brèche, malgré les observations du général Rulhières, un boulet ennemi vint le frapper en pleine poitrine et le renversa, nouveau Turenne, au milieu du groupe d'officiers qui l'entouraient. Cette scène se passait à deux pas de M. le duc de Nemours. Le général Perregaux, en voulant le relever, fut également frappé d'une balle à la tête, blessure qui devait être mortelle. La périlleuse succession du comte de Damrémont appartenait de droit au plus ancien des lieutenantsgénéraux présents: c'était le général Vallée. Il l'accepta en homme qui connaît ses propres forces, et prit aussitôt toutes ses dispositions pour l'assaut du lendemain

Cet assaut de Constantine est une des plus brillantes pages de notre histoire militaire. Le 13 octobre, à sept heures du matin, les troupes formées en trois colonnes d'attaque, s'élancent des hauteurs qui dominent la cité arabe. La première colonne, guidée par le colonel Lamoricière, court au rempart à travers une fusillade meurtrière et plante son drapeau sur la brèche. Les autres la suivent de près avec une rare intrépidité; les remparts sont franchis, et nos soldats se précipitent au milieu des rues tortueuses dont chaque ouverture vomit la mort. Une mine éclate sous leurs pieds, des pans de murs s'écroulent sur leurs têtes, rien ne

les arrête; ils marchent toujours, luttant corps à corps, renversant tout ce qui s'oppose à leur passage, poursuivant dans tous ses repaires un ennemi devenu presque invisible. Des officiers de grades divers, mais dont le nom est intimement lié à ce glorieux épisode historique, Combes, Lamoricière, Serigny, Saint-Arnaud, Leblanc, Richepanse, les guident avec un indomptable courage. Le duc de Nemours montre la bravoure froide d'un vieux soldat. La ville, fouillée en tous sens, est traversée par les Français qui chassent la population devant eux. Cette foule se réfugie et s'entasse à l'autre extrémité de Constantine, du côté où des rochers à pic rendent la place inaccessible. Soudain, dans un accès de terreur et voulant fuir instinctivement le danger qui s'approche, cette foule s'élance vers le ravin, et, comme une cascade de chair humaine, a dit un témoin de cette scène, roule au fond des précipices. Constantine est en notre pouvoir. Achmet, renonçant à la lutte, et spectateur lointain de notre triomphe, s'enfuit à travers les montagnes suivi de ses nombreux cavaliers.

Le brillant résultat de cette seconde expédition était assurément de nature à accroître l'influence parlementaire du cabinet Molé. Dans les gouvernements constitutionnels, le sang glorieusement versé devient une question de majorité et de boules

blanches; la coalition naissante l'éprouva bien. Nous avons dit que ses premiers efforts ne furent point couronnés de succès. M. Duvergier de Hauranne avait publié dans une Revue un article fort incisif développant habilement les théories anglaises du gouvernement par les Chambres, et reproduisant le célèbre axiome « le roi règne et ne gouverne pas. » Cet article servit en quelque sorte de programme à la coalition. Tous ses membres semblèrent vouloir s'abriter derrière une maxime constitutionnelle afin d'échapper au reproche d'intrigue et de coterie qu'on pouvait si justement leur appliquer. Après les escarmouches de la discussion de l'adresse, un vote important se présenta, et il était évident pour tous les partis que de ce vote dépendait l'existence du ministère. Il s'agissait d'un projet de loi sur les fonds secrets, belle occasion pour les coalisés, et qu'ils s'entendirent pour ne pas laisser échapper.

MM. Guizot et Jaubert devaient engager le combat; M. Thiers promit de les soutenir; mais lorsque les débats s'ouvrirent, M. Guizot, nouveau venu dans le camp de l'opposition, montra tant d'embarras, eut des hésitations si honorables que, chose bien rare dans sa vie parlementaire, il éprouva un échec complet, et descendit de la tribune sans avoir satisfait aucun des côtés de la Chambre. En présence de ce résultat négatif,

M. Thiers s'abstint de prendre la parole, et les fonds secrets furent votés.

Honteuse et découragée de l'insuccès de ses premiers efforts, la coalition ne donna plus signe de vie pendant le reste de la session de 1838, et pourtant cette session, dont la politique se trouvait de la sorte écartée, vit discuter des projets de lois d'un haut intérêt, tels que ceux sur les attributions des conseils généraux et d'arrondissement, l'état-major général de l'armée, les justices de paix, mais particulièrement sur la conversion des

rentes.

Cette dernière loi, qui donna lieu à la discussion la plus vive dans le sein de la Chambre des Députés, fut, après des débats passionnés, finalement adoptée par elle. Le droit de l'État à rembourser ses créanciers ne pouvait guère être contesté sérieusement. Restait l'opportunité de la mesure, et il y avait là un côté politique auquel la chambre des pairs s'attacha presque exclusivement lorsque le projet fut apporté au Luxembourg. La mesure avait été votée par les députés moyennant qu'elle conserverait aux rentiers la faculté d'opter entre le remboursement de leur capital à raison de cent francs pour cinq francs de rente, et la conversion de leur cinq pour cent en quatre et demi. La Chambre des Pairs rejeta très-nettement le projet. Une autre loi d'une importance majeure, celle

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