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royaume, pour le cas de vacance du trône, l'archevêque de Cantorbéry, le lord chancelier, le premier trésorier, le président du conseil, le grand amiral, et le lord premier juge du banc de la reine. Ce bill, qui reconnaissait en outre à l'héritier présomptif le droit de leur adjoindre le nombre de lords juges qu'il croirait nécessaire, déterminait les actes que ces gardiens de la couronne auraient le pouvoir d'accomplir et ceux qu'ils ne seraient point libres d'ordonner.

La session close 'en grande pompe le 17 juillet fut quatre mois après, le 20 novembre 1837, rouverte par la reine en personne qui dut prononcer d'abord la déclaration suivante, curieuse profession de foi exigée des souverains anglais à leur avénement au trône :

« Moi, Alexandrina-Victoria, j'affirme et déclare sincèrement, en présence de Dieu, que je crois qu'il n'y a dans le sacrement de la cène de Notre-Seigneur aucune transsubstantiation des éléments du pain et du vin dans le corps et le sang du Christ, et que cette transsubstantiation n'est opérée ni pendant ni après la consécration. Je crois que l'invocation ou l'adoration de la vierge Marie et des saints, ainsi que le sacrifice de la messe, tels qu'ils sont pratiqués dans l'église de Rome, sont superstitieux et idolâtres. En présence de Dieu, je professe, affirme et certifie que je fais

cette déclaration, et chaque partie d'icelle, dans le sens plein et ordinaire des mots, tels qu'ils sont compris par les protestants anglais, sans évasion ni équivoque, sans restriction mentale quelconque, sans aucune sorte de dispense qui m'ait été accordée d'avance pour cet objet, soit par le pape, soit par toute autre autorité devant Dieu ou devant les hommes. >>

Ne semble-t-il pas que ce langage traditionnel transporte, à trois siècles en arrière, aux plus beaux temps de la réforme religieuse? De telles paroles produisent un étrange et remarquable contraste avec l'esprit tolérant des générations nouvelles.

La première communication du gouvernement fut relative à l'établissement de la liste civile pour le nouveau règne. Après avoir voté ces dispositions financières, le parlement allait se séparer à l'occasion des vacances de Noël et s'ajourner au mois de février, lorsque le cabinet demanda que la reprise des séances fût fixée au 16 janvier en raison des importantes nouvelles qu'il avait reçues du Canada, colonie lointaine devenue anglaise. par les traités, mais restée française par les souvenirs et les affections.

La France ayant, par le déplorable traité de 1763, cédé le Canada à la Grande - Bretagne, le gouvernement anglais avait, aussitôt après la prise de possession, proclamé l'abolition de la loi fran

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çaise, remettant l'autorité tout entière aux mains d'un gouverneur et d'un conseil nommés tous deux la couronne.

par

Cet état de choses ne fut modifié que lors de la guerre de l'indépendance américaine; à cette époque, le ministère craignant que le Canada ne suivit le mouvement insurrectionnel de la Nouvelle-Angleterre, s'empressa de demander au parlement un bill destiné à régir les colonies anglaises d'Amérique, acte législatif qui, en concédant aux colons des droits moins restreints, en leur accordant une part dans l'administration des affaires locales, satisfit particulièrement les habitants du Canada, trop peu instruits des choses de la politique pour bien apprécier la portée d'une telle

mesure.

La loi nouvelle divisa la contrée en deux provinces, qui prirent le nom de Haut et de Bas Canada.

Le

gouvernement de chacune de ces provinces fut composé d'un gouverneur nommé par le roi; d'un conseil exécutif dont les membres étaient également choisis par la couronne; d'un conseil législatif, espèce de chambre noble; enfin d'une assemblée dont les attributions n'étaient pas sans analogie avec celles de la chambre des communes d'Angleterre. Le mandat des députés confié par des électeurs devait durer quatre années.

En agissant ainsi, le gouvernement anglais avait

semblé vouloir entrer dans une voie essentiellement libérale; mais bientôt les colons s'aperçurent que cette concession offrait des avantages plus apparents que réels. En effet, l'acte du parlement réservait aux gouverneurs un droit qui annihilait le pouvoir de l'assemblée législative, puisqu'ils avaient la faculté de refuser leur sanction aux bills votés par les chambres coloniales; de plus, ils pouvaient proroger ou dissoudre même les parlements, et la couronne conservait d'ailleurs le droit d'annuler pour deux années la sanction accordée par eux.

Cette loi constitutive devait produire, entre le peuple et l'autorité, des conflits d'autant plus redoutables que les ministres anglais, au lieu de confier le gouvernement de la colonie à des hommes connus par leur modération et leur intégrité, l'accordèrent surtout à l'intrigue et à la faveur. Ils commirent en outre une faute immense en ne recherchant pas les moyens d'attacher à la métropole les colons d'origine française. Au lieu de leur prouver qu'elle s'intéressait à leur bien-être et d'établir une parfaite égalité entre ces anciens habitants du sol et les colons anglais qui vinrent successivement se fixer au Canada, l'Angleterre montra en toute occasion une excessive partialité à l'égard de ses nationaux; au lieu d'être confiées à des administrateurs honnêtes et justes,

les places devenues vacantes furent abandonnées, les unes à des fils de famille dissipateurs que des membres de l'aristocratie voulaient éloigner, pendant quelque temps, de la métropole; les autres à des protégés de grands seigneurs qui n'acceptèrent ces emplois qu'afin de s'enrichir et d'aller jouir, en Angleterre, d'immenses fortunes acquises sans efforts. Un autre fléau vint peser sur cette malheureuse colonie. La couronne s'était déclarée propriétaire de toutes les terres inoccupées, dont le nombre était considérable; elle distribua d'énormes quantités de terrains à des membres influents des deux chambres, et ceux-ci vendirent leurs droits à des spéculateurs qui, ne sachant pas ce qu'ils avaient acheté puisqu'il était impossible d'établir même l'emplacement de la concession, trafiquèrent de ces propriétés d'une façon scandaleuse. Il en résulta que, lorsque les acquéreurs émigrants arrivèrent au Canada et qu'ils virent des villages construits, des champs cultivés, ils profitèrent de la désignation vague contenue dans leurs titres pour s'emparer de vive force des biens des colons français.

Une autre plaie devait bientôt affliger le pays: lorsque les habitants de la Nouvelle-Angleterre se déclarèrent indépendants et se constituèrent en État libre, sous le nom d'États-Unis d'Amérique, un grand nombre d'Anglais se réfugièrent

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